Dom Pérignon, elBullifoundation et moi

Publié le 14 février 2016 par Jsbg @JSBGblog

Une semaine qui débute par une soirée arrosée au champagne mérite qu’on lui consente quelques sacrifices. En prévision de ce dîner – qui célébrait l’union créative entre Dom Pérignon et Ferran Adria, le superchef catalan oeuvrant à présent pour le bien de l’humanité au sein de sa elBullifoundation (de la R&D appliquée à la gastronomie) – je m’étais astreinte à une detox de deux jours. Deux longs jours à l’eau gazeuse et au pain sec, une éternité d’indicibles souffrances. Pour couronner le tout, le temps était maussade à rendre neurasthénique le plus jovial des labradors.

Le mardi arriva comme une délivrance. La fête exclusive devait se tenir dans un endroit secret. Insoutenable, le suspense fût rompu vers midi, par e-mail: le dîner se déroulerait au Cocoon, dans le quartier zurichois de Seefeld. Imaginé par le bureau d’architecture Camenzind Evolution, la structure intérieure du bâtiment propose une sorte de promenade elliptique du rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage. Une architecture enivrante, mais sûrement pas autant que le liquide qui – plus tard –remplirait mon verre.

A l’entrée, une ancienne reine de beauté accueillait les convives. Il fût un temps où la belle oeuvrait dans l’une des mes adresses lausannoises préférées. Avec une chère amie, nous avions pour habitude de terminer la semaine par la coquetterie suivante: se faire servir un verre de Bailey’s on the rocks par Miss Suisse. Mais revenons à la soirée Dom Pérignon. Les suspects habituels étaient présents. Comme bien souvent le plus élégant de toute l’assistance, Dorian Gray avait passé pour l’occasion un manteau Balenciaga et s’entretenait avec la délicieuse Masha, Romande d’origine slovaque ayant elle aussi consenti au déplacement Genève-Zurich.

Le déluge extérieur s’écrasait contre les fenêtres de la fausse tour de Babel dans laquelle nous nous trouvions. Roulant bruyamment les “r” de leur patois, deux journalo-bloggeuses à la chevelure rose progressaient vers le haut du bâtiment, chancelantes sur leurs échasses, alors que pas une goutte de champagne n’avait encore été servie. L’idée, lumineuse, de Dom Pérignon: faire vivre aux invités l’expérience de l’attente, en écho à celle nécessaire à parfaire les millésimes de la maison. Ce qui ne semblait pas beaucoup plaire au sosie d’Andy Warhol, un homme d’obédience suisse-alémanique âgé d’une soixantaine d’années et rehaussé d’une tignasse blonde-blanche. Agacé, il cherchait éperdument les bouteilles à l’écusson. Le périple vers le sommet de l’édifice où étaient dressées les tables se faisait en remontant le temps par étapes, de 2015 à 1998, année du Dom Pérignon P2 dont la dégustation clôturerait le dîner avec panache.Mais ça, l’ersatz pop ne le savait pas encore.

– Catherine Cochard

Dom Pérignon P2 1998

Dans les caves de Dom Pérignon, le champagne mue pour atteindre ce que les spécialistes appellent la plénitude. Après sept années de maturation sur lies, la première plénitude est atteinte. Il faudra cinq autres années pour que le Dom Pérignon entre dans sa seconde plénitude, le P2 dont il est question ici, un champagne qui aura travaillé durant 12 ans. Puis, après 20 ans de maturation, le vin entame sa phase de complexité et vient alors la troisième plénitude. Mais c’est une autre histoire.