Valérie Cabanes
À l’heure où la prédation de l’homme sur son environnement n’a jamais été aussi intense, un mouvement mondial est lancé pour que le crime d’écocide soit reconnu au niveau du droit international comme un crime contre la paix. Un moyen juridique indispensable et urgent pour que les agressions des grandes entreprises sur l’environnement ne restent plus impunies.
En 2010, la juriste britannique, Polly Higgins, a proposé que le crime d’écocide soit reconnu. Elle a ainsi proposé à la Commission du droit international des Nations Unies que le crime d’écocide devienne le cinquième crime contre la paix, au côté des crimes contre l’Humanité ou des crimes de guerre.Dans la foulée, il y a deux ans, sept citoyens européens ont lancé une « initiative citoyenne européenne » (ICE) (1) dont le but était de faire reconnaître en Europe le crime d’écocide par le biais d’une directive européenne. Depuis janvier 2014, à la suite de l’ICE, le mouvement End Ecocide s’est globalisé en revendiquant la mise en place d’une justice internationale de l’environnement et de la santé.Un nouveau concept juridique traduisant une réalité inquiétanteLe terme « écocide » est construit à partir du préfixe « éco- » - la maison, l’habitat (oikos en grec) – et du suffixe « -cide » - tuer (caedo en latin). Un écocide se définit par un endommagement grave et étendu d’un ou de plusieurs écosystèmes ou leur destruction, qui peut avoir des conséquences sur plusieurs générations.L’écocide répond ainsi à plusieurs qualifications, en tant qu’atteintes au droit fondamental à la vie, au droit de l’homme à un environnement sain, aux droits des peuples autochtones à vivre selon leurs traditions ancestrales, aux droits des générations futures.Le terme Ecocide avant l’ICE était quasiment inconnu du grand public en France, même si le concept de crime d’écocide est débattu depuis plus de quarante ans au sein de la Commission du droit international, en tant que crime de guerre suite à l’usage de l’agent orange au Vietnam dans un contexte de conflit armé et pour un comportement intentionnel aux effets particulièrement graves.Puis en temps de paix pour qualifier des catastrophes environnementales hors du commun commises délibérément ou par négligence, dénommées selon les juristes écocide, géocide ou biocide. Cette commission avait à charge de préparer le Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, ancêtre du statut de Rome sur les crimes contre la paix adopté en 2002. Nous avons eu le mérite de réactualiser le terme et de rouvrir un vieux débat juridique qui n’a jamais fait l’affaire des gros Etats pollueurs.
- Mine à ciel ouvert de Hambach en Allemagne -Des efforts à poursuivre au niveau européenEn Europe, nous voulons que l’Écocide devienne un crime pour lequel des sociétés et des personnes puissent être jugées responsables selon le droit pénal et le principe de la responsabilité supérieure. Nous espérons faire interdire et empêcher tout Écocide sur les territoires européens ou le domaine maritime relevant de la législation européenne, ainsi que tout Écocide provoqué par des ressortissants européens, personnes physiques ou morales, en dehors de l’Europe.Et nous demandons de prévoir une période de transition pour permettre la mise en place d’une économie durable.A l’échéance de l’ICE le 21 janvier 2014, nous avons demandé à la Commission européenne l’autorisation de conserver les signatures récoltées, n’ayant pas atteint le million requis, et de transformer l’ICE en pétition traditionnelle à soutenir sur endecocide.eu. La Commission a donné son accord et a accepté que nous lui présentions le projet de directive en octobre 2014.La nécessité d’une justice internationale de l’environnement et de la santé mondialeParallèlement, le mouvement est devenu mondial. Nous avons lancé un appel collectif le 30 janvier 2014 au Parlement européen pour la création d’une justice pénale internationale de l’environnement et de la santé. Une charte a été rédigée de concert avec neuf autres organisations qui peut être signée par toute association dans le monde. Une pétition citoyenne est aussi en ligne sur iecc-tpie.org.Plus de 90 organisations nous ont déjà rejoints et des dizaines de milliers de citoyens la soutiennent. La pétition sera remise à Ban Ki-Moon au mieux à l’ouverture du Sommet sur le Climat de l’assemblée générale des Nations Unies en septembre prochain à New York.Cette charte demande ultimement la reconnaissance du crime environnemental dans le statut de la Cour pénale internationale. Afin d’avancer dans sa mise en œuvre, nous réunissons en ce moment des experts du droit international et du droit de l’environnement pour préparer un amendement à ce statut afin qu’il soit porté par un ou plusieurs Etats devant l’Assemblée des Etats signataires et soumis au vote.Il suffit en effet qu’un seul Etat soit volontaire pour que l’amendement soit porté à l’agenda et que 81 Etats votent en sa faveur pour qu’il soit retenu. Nous menons donc un plaidoyer diplomatique à l’heure actuelle pour que des Etats comme l’Equateur en procès contre Texaco Chevron ou des Etats insulaires victimes du changement climatique s’emparent de notre proposition.Toutes les bases juridiques sont posées – ce dont nous avons besoin maintenant c’est d’une volonté politique et d’un vaste appui citoyen.Notre mobilisation devient mondiale officiellement le 31 juillet 2014. End Ecocide in Europe devient End Ecocide on Earth, soutenez-nous en signant notre appel mondial !
- Surpêche : 400 tonnes de chinchard du Chili pêchées par un senneur chilien. -Exemples d’écocides que vous pouvez retrouver sur notre site endecocide.eu :1. La fracturation hydraulique
2. Rosa Montana en Roumanie
3. La surpêche
4.Tchernobyl
5. Le barrage d’aluminium d’Ajka en Hongrie
6. L’assèchement de la rivière du Parc National de Mavrovo en Macédoine
7. La déforestation de la forêt des Carpates en Europe
8. L’extinction des abeilles
9. La pollution du delta du Niger
Notes1 - L’ICE permet à n’importe quel citoyen européen d’inviter directement la Commission européenne à présenter des propositions législatives. Elle doit être soutenue par au moins un million de personnes issues d’au moins sept pays sur les vingt-huit que compte l’UE.2- Période à partir de laquelle l’influence de l’homme sur le système terrestre serait devenue prédominante.3- Consulter l’Atlas des conflits élaboré par the Environmental Justice Atlas : Mapping ecological conflicts and spaces of resistance. EJOLT sur ejatlas.org/
Source : Ma vérité sur.comValérie Cabanes est juriste porte-parole du mouvement européen End Ecocide.Photos :. Chapô : Pixabay (CC 0 1.0 - Domaine public)
. Gaz de schsite : Wikimedia Commons (Crédit : Ruhrfisch / CC BY-SA 3.0)
. Surpêche : Wikipedia (Crédit : C. Ortiz Rojas / Domaine public)
. Mine de Hambach : Wikipedia (Crédit : Johannes Fasolt / Domaine public)Lire aussi : Un tribunal international des crimes climatiques est nécessaire
28 juillet 2014
http://reporterre.net/Les-crimes-contre-la-nature-sont