J'ai eu le privilège de la visiter presque en avant-première au cours d'une soirée Vivez Lézard ! Elles sont destinées et réservées aux 18-25 ans et sont l’occasion de découvrir une exposition temporaire, un jeudi en nocturne en compagnie des conférenciers des Arts Décoratifs. Chacun profite chaque fois de l’entrée et de visites découvertes gratuites. (voir les prochaines en fin d'article).
Et si j'ai choisi comme première illustration cette lithographie en couleur de Sem (Serge Goursat, dit) intitulée La revue des Folies Bergère, Footit, 1910-1914, c'est parce que la ressemblance est frappante, et pour cause puisque c'est lui, avec le clown du film Chocolat qui est en ce moment sur les écrans.
On peut voir dans la première salle une scène des Métamorphoses du jour, qui ont rendus célèbre Grandville (Jean Ignace Isidore Gérand, dit), 1854, gravure sur bois coloriée au pochoir. Le talent de caricaturiste de cet artiste né à Nancy en 1803 a éclaté avec cette série de 70 scènes dans lesquelles des personnages humains sont représentés en créatures hybrides, mi-hommes mi-animaux, qui deviendront dès 1820 la marque de son talent.
Un des caricaturistes de La Lune fut Nadar bien avant qu'il ne devienne photographe vers 1860.
Tout au long du XIXe siècle, suivant les régimes politiques, les caricaturistes affrontent, et déjouent la censure. Aussi lorsque les lois sur la libéralisation de la presse et de l’affichage sont votées en 1881 dans un contexte marqué par les nombreux scandales de la IIIe République, l’affaire Dreyfus, l’anticléricalisme avec la rupture en 1905 du Concordat de 1801, l'affaire Boulanger (Minsitre de la Guerre), l’anticapitalisme, la montée des opinions…
Le début du siècle voit s’éteindre ou se retirer de la scène, Toulouse Lautrec, Chéret, Mucha. L’absence de leurs images crée alors un sentiment de vide d’autant plus fort qu’elles étaient omniprésentes sur les murs de la ville. Mais l’art de l’affiche n'est pas pour autant moribond. Les caricaturistes sont très actifs, et certains deviendront des affichistes, après avoir quitté le dessin politique pour la publicité de produits manufacturés. Jusque là ils ont en commun de charger le portrait, avec un petit corps et une grosse tête.
Les annonceurs d’alors repèrent leur trait acerbe, leur maitrise du raccourci, leur art de l’ellipse, qui rejoignent les premières théories publicitaires. Ces dessinateurs prennent le relais et renouvellent le genre en profondeur. Parmi eux Henri Jossot, Sem, Adrien Barrère, Guillaume, Gus Bofa, Roubille, ou Léonetto Cappiello.
Lorsqu’ils sont affichistes, les caricaturistes ne font pas de caricatures. Ils en utilisent les ressorts techniques : la composition de l’affiche doit claquer comme la Une, avec peu de couleurs, allant à l’économie de moyens pour une plus grande efficacité. À cette époque l’affichage urbain devient un enjeu stratégique. Le réseau s’étend au quai des métros et des gares. L’affiche s’agrandit parce qu'on doit la voir de plus en plus loin. Il faut qu'elle accroche le regard en quelques secondes.
Cappiello (1875-1942), va renouveler l'art de l'affiche à son arrivée de son Italie natale. Il s’intéresse surtout au monde de l’art et du spectacle, croquant acteurs, écrivains, musiciens, actrices et femmes du monde. Il débute en publiant dans Le Rire en 1889, puis dans Le Sourire, Le Théâtre, Le Cri de Paris ou L’Assiette au Beurre. Il adapte au grand format les silhouettes dont il avait croqué les courbes et les attitudes.
Celle qu'il a conçue pour Remington, vers 1910, lithographie en couleur, 200 cm x 130 cm est encore d'une vivacité remarquable.
L'exposition place en vis-à-vis des affiches dont l'une (au-dessous) a été refusée par la censure au motif que la mariée est nue et la version autorisée par la censure (au-dessus) où la mariée porte une robe. Toutes deux ont été dessinées par Jules-Alexandre Grün, pour Scala. Enfin seuls ! 1901. La seconde est plus petite parce que l'argent manquait après la destruction des premières affiches.
On poursuit avec "la guerre des crayons" : les affiches de la guerre de 1914-1918, instruments de propagande destinée aux civils et d’appel à la solidarité, concourent massivement à la mobilisation des ressources humaines et financières.
De la caricature à l'affiche
Du 18 février au 4 septembre 2016
Les Arts Décoratifs
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
01 44 55 57 50
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h pour les expositions temporaires
Prochaines soirées Vivez Lézard ! pour les 18-25 ANS autour de l'exposition Barbie, Jeudi 17 mars 2016 de 18h 30 à 20h 30 et sur le thème Motifs et fragrances (en partenariat avec la Maison Givaudan) autour de Faire le mur et Tissus inspirés le jeudi 7 avril 2016.Inscription recommandée : adac@lesartsdecoratifs.fr