Famille

Par Gentlemanw

Une belle rage de dents, une couette douce, des babillements, sa chaleur tout contre moi, l'après-midi et sa lumière à travers les stores, je le regardais dormir tout contre moi, ce petit-fils chéri. Bébé de neuf mois, confié par ma fille pour la semaine, avec ses deux premières dents sorties l'une derrière l'autre, cela l'épuisait, et seul le corps à corps, maman-bébé le rassurait. Et je voyageais dans le temps.

Dans cette chambre d'ami qui avait été notre chambre d'amour, nous jeunes cadres, récemment mariés, nos après-midi câlins, nous aimions passé notre temps allongés ou dans d'autres positions, une complicité charnelle bien réelle. Que de gourmandise, de folies sensuelles, de soirées, de jours et de week-ends, nous étions jeunes et pleins d'énergie, avec de nombreuses envies, très nombreuses. Nous étions lovés l'un contre l'autre, parfois l'un dans l'autre, par passion et par amour. Je n'ai pas de souvenirs de balades ou d'expositions lors de nos vacances, mais de chambres délicates, de spas et de piscines, avant de retourner dans un lit, sur un canapé ou sur tous les fauteuils ou meubles à bonne hauteur. Nous étions de vrais lapins amoureux, s'amusant du corps de l'autre en toute circonstance, ne résistant jamais à nous déshabiller même juste avant un départ au restaurant où des amis nous attendaient. Nous arrivions en retard, avec une coiffure un peu chamboulée, deux grands sourires. Pardonnés.

Et si les enfants n'étaient pas notre premier objectif, nous pensions à notre premier bébé, aux prénoms pour une fille ou un garçon. Une fois, lors d'une sieste crapuleuse, nous avions ri des volontés de certains mâles de transmettre le nom voire le prénom, comme une photocopie d'eux-même. La fameuse particule "Jr" ajouté au prénom des américains, une rigolade assuréee dans cette volonté de perpétuer le nom, d'être inscrit comme un président dans le marbre de l'histoire. Ainsi dans une même famille, tous les premiers mâles avaient le même nom, le même prénom, un bon délire de confusion pour les repas. Et puis les prénoms improbables, les initiales facétieuses, les traditions misérables, nous avions fait deux listes. L'une pour nos enfants, l'une pour le pire du pire. Tout en refaisant encore l'amour.

Un fils, deux filles, un autre fils, une vie, un divorce, une vie différente dans la même maison. Mais tant de petits bonheurs quotidiens à les voir grandir, vivre leurs premiers amours, réussir leurs diplômes, vivre en croquant toutes les gourmandises, même certains interdits. La mode, le dressing devenu une chambre d'amis, mais surtout un lieu de stockage sur plusieurs décennies, avec la joie de partager des pièces vintage entre nous, mère, filles, belle-filles. Que de rires à revoir des tendances soit-disant nouvelles et finalement des retours du passé, la mode change, se renouvèle et se métamorphose, toujours avec des références passées mais une touche de modernité idéale.

Alors depuis quelques années déjà, je suis grand-mère, retraitée de plus, donc heureuse de recevoir les petits-enfants, faire des gâteaux avec eux, des expositions et des musées mais aussi des balades pour découvrir la forêt toute proche. Et pour les plus petits, juste des siestes, des compotes et des câlins, j'adore tout cela. Et leurs prénoms, ils n'étaient pas sur nos listes, retrouvées sur un bout de papier griffonné, dans un fond de tiroir. Leur génération a choisi avec des repères de tradition, une sagesse nouvelle.

Nylonement