George Martin 1926-2016 : le grand réalisateur moderne n’est plus

Publié le 12 mars 2016 par John Lenmac @yellowsubnet

Sir George Martin n’est plus.

Ringo Starr a partagé la nouvelle par l’entremise de Twitter.

Martin avait eu droit au surnom de cinquième Beatle — devant les Neil Aspinall, Brian Epstein, Pete Best ou encore Stuart Sutcliffe — et, bien qu’il en avait pris modestement ses distances, le patronyme illustrait à quel point il a été crucial dans l’ascension et le son des Fab Four.

George Martin a pratiquement inventé le rôle de réalisateur moderne, grâce à son instinct, son talent, son leadership, sa sensibilité, sa culture, son inventivité. Avec lui, le studio ne servait pas qu’à graver des chansons, il permettait de les élever à un autre niveau.

Le travail de Martin impliquait, dans un premier temps, un tri parmi le matériel des artistes. Puis l’emballage même des chansons. Et, enfin, l’utilisation de la technologie d’enregistrement, qui devenait un instrument en soi.

Le réalisateur, compositeur, musicien et arrangeur britannique avait des idées géniales, qui ont permis à la musique des Beatles de faire plusieurs liens avec l’univers classique. On songe à l’ensemble à cordes qui soutient seul le chant de McCartney sur Eleanor Rigby, au solo mémorable de trompette piccolo de Penny Lane ou encore au piano à la Bach qu’il a joué lui-même dans In My Life.

In My Life synthétise d’ailleurs sobrement l’apport de Martin: comme il n’arrivait pas à jouer le solo de piano à la vitesse de la chanson, il a ralenti les bandes, le temps d’enregistrer ses partitions, puis il les a accélérées ensuite, ce qui confère au piano un son évoquant, par moment, le clavecin.

Avec Martin, on ne faisait pas que jouer avec les vitesses des bandes, on les découpait, puis les recollait, on utilisait des effets sonores préenregistrés ou, carrément, on les créait. Les exemples sont nombreux, puisqu’à partir de Revolver, les Beatles ont vraiment mis les bouchées doubles en studio. Avec la complicité de Geoff Emerick derrière la console, Martin a pu donner forme aux idées les plus éclatées du quatuor, avec une technologie primitive au regard de ce que l’on connaît aujourd’hui. Fait important: il apportait une touche qui était sienne et qui ne dénaturait pas le matériel des Fab four. La manière dont les cordes côtoient l’univers hindoux sur Within You Without You est assurément mémorable.

Comme il était plus agé que les Beatles et Emerick, il était une figure d’autorité, qui a su mettre de l’ordre là où il y avait le chaos. On le disait aussi parfait gentleman et il avait ainsi le don de tirer le meilleur des artistes en évitant la confrontation. On peut mesurer son apport quand on fait tourner l’album Let It Be, auquel il n’a pas participé. En dépit de compositions pertinentes, cet enregistrement, revu par Phil Spector, est demeuré dans l’ombre de ceux des Beatles réalisés par Martin.

Seul faux pas de Martin, alors qu’il travaillait avec Lennon, McCartney, Harrison et Starr? Avoir sous-estimé l’apport de George Harrison, ce qu’il a admis lui-même par la suite.

Bien sûr au lendemain de -et parallèlement à- l’aventure des Beatles, il a travaillé sur plusieurs enregistrements marquants, en particulier le fameux Blow By Blow de Jeff Beck. Et sa liste de collaborations va du Mahavishnu Orchestra à Céline Dion en passant par Elton John, Paul McCartney, Ringo Starr, Stan Getz et tellement d’autres. Tout ça sans compter sa carrière dans les autres sphères musicales, comme la musique de film.

En plus d’avoir mis sur pied les studios AIR, George Martin a été impliqué dans les projets posthumes des Beatles et a passé la main à son fils Giles, qui a fait un boulot digne de son paternel sur Love, la bande sonore du spectacle du Cirque du Soleil. Et encore là, même s’il était à un âge où il aurait pu prendre sa retraite et même si son audition était atteinte, Martin père a signé du superbes arrangements de cordes pour la version dénudée de While My Guitar Gently Weeps (qu’on pouvait tendre sur Anthology) de l’autre George, avec lequel il est peut-être en train de discuter, ou jouer, désormais…

Sa plus grande réalisation? Au risque de ne pas être original, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, de par son foisonnement, sa diversité qui n’exclue pas une unité et son incroyable créativité, y compris avec la boucle sonore qui conclut l’album sur le vinyle.

Publié le: Samedi 12 Mars 2016 - 23:45Source: lapresse