Cameroun : l'efficacité "low-tech" des comités de vigilance anti-terroriste

Publié le 15 mars 2016 par Charles Bwele @blog_e_sphere

Dans la province Extrême-Nord camerounaise, frontalière du Nigéria et régulièrement victime d'attaques à l'arme lourde et d'attentats-suicides perpétrés par la secte djihadiste Boko Haram (1100 civils et 67 policiers/militaires tués depuis 2013), les autorités locales et les habitants ont instauré des comités oecuméniques de vigilance mêlant chrétiens et musulmans.


Ceux-ci patrouillent dans les localités et les villages à la recherche d'intrus ou d'éléments suspects et sifflent l'alerte en cas de risque très probable ou avéré. Leur tactique la plus innovante consiste à faire appel à leurs membres chrétiens pour protéger les mosquées lors de la prière du vendredi, et aux membres musulmans pour protéger les églises lors de la prière dominicale. En effet, les foules amassées dans les lieux de culte sont littéralement du menu fretin pour des attaques terroristes...

Selon la revue bi-hebdomadaire (qui publie sur papier et souffre d'une édition numérique trop souvent hors-ligne), ces comités de vigilance ont fait la preuve de leur efficacité en quelques mois et l'ont récemment démontré en quelques jours :

Les comités de vigilance sont de plus en plus efficaces. La preuve, cinq attentats-suicides se sont déroulés entre le 10 et le 13 mars 2016, dans l'Extrême-Nord, sans causer de victimes en dehors des kamikazes eux-mêmes. Un double attentat a été perpétré dans la matinée du 13 mars 2016 dans la localité de Tolkomari, dans le Mayo-Sava. Selon des sources locales, les kamikazes - une femme et une jeune fille - se sont introduites à Tolkomari aux environs de 6h du matin. Mais elles ont été vite repérées par un membre du comité de vigilance local, Massabak Adji, qui a aussitôt sonné l'alerte dans le village. Aussitôt, c'était la débandade, les populations cherchant à se mettre à l'abri pendant que d'autres membres du comité de vigilance, accourus sur les lieux, ont commencé à harceler les kamikazes (...) Au final, épuisées, les kamikazes se sont dirigées vers deux maisons appartenant à Madi Gali et Mechebé et où elles se sont fait exploser . Elles sont décédées sans faire de victimes. Le 12 mars 2016, un berger du nom de Bahama et ses 300 boeufs étaient enlevés par des membres de Boko Haram dans cette localité. Aussi, à Houmaka, le 11 mars 2016, deux kamikazes se sont fait exploser à l'entrée de cette localité, ne causant la mort de personne. Le 10 mars 2016, c'est à Achigachia qu'un kamikaze, refoulé vers le Nigeria par les membres du comité de vigilance, s'est fait exploser dans la rivière qui sépare les deux pays " . Là encore, pas de perte en vie humaine

En janvier 2015, " un attentat suicide a été évité de justesse, dimanche matin, dans la localité de Kolofata, située près de la ligne de front, à la frontière avec le Nigeria. Une jeune femme kamikaze a été repérée avec une charge explosive qu'elle s'apprêtait à activer dans un marché. De jeunes gens, organisés en groupe d'autodéfense, l'en ont empêché. La kamikaze est tout de même parvenue à faire exploser sa charge et est décédée seule, sur le coup. Ce dernier attentat à Kolofata a été déjoué, rapporte-t-on, grâce à l'action des membres d'un comité de vigilance local. Ces derniers, après avoir repéré la kamikaze, l'ont pris en chasse, ne lui laissant d'autre choix que de se faire exploser sans faire d'autre victime que elle-même. " ( ).


Conscients de l'indéniable efficacité des ces comités de vigilance, la présidence camerounaise et l'administration provinciale de l'Extrême-Nord ont offert 40 motos tout-terrain, une centaine de vélos tout-terrain (avec casques dans les deux cas), des détecteurs de métaux, des jumelles, des machettes, des lampes de poche et des mégaphones. Les frais d'entretien et de carburant sont supportés par les communes. Par ailleurs, ces comités ne manquent jamais d'arcs, de flèches et de fusils artisanaux d'abord destinés à la chasse.