L'Europe par la fenêtre pour revenir par la grande porte

Publié le 14 juin 2008 par Nicolas J
« L’Europe manque d’Eire » : c’est le titre que j’avais imaginé pour ce billet. Il n’est probablement pas original mais il m’amuse car il m’a sauté au nez comme mon copain Djibril saute une ménagère de plus de cinquante ans pourvu qu’elle dispose de suffisamment de chair pour en assurer la pitance.

C’était en lisant les quelques analyses du partisan de ce traité sur internet qu’il m’est venu. « Ils ne manquent pas d’air ! Ils n’ont toujours pas compris ». Il en reste en effet quelques uns qui continuent à parler d’un non « populiste » alors qu’il s’agit d’un non « populaire ». Laissons les rêver. Trois ans après le non Français, ils n’ont toujours pas analysé.

Tiens ! J’entendais François Bayrou sur France Info vers 18h15 hier. Lui a analysé et pourtant on peut difficilement la qualifier d’antieuropéen. Ca me fait mal de dire du bien de lui, mais tant pis. A un moment, il a interpellé le journaliste qui l’interviewait en ces termes (à peu près, faut pas déconner non plus) : « Vous, vous êtes un journaliste politique important, vous faites parti des 50 ou 100 français les plus informés, sur 60 millions. Hé bien, vous savez quels sont les sujets en cours de discussion à Bruxelles et à Strasbourg ? ». « Heu… non ».

C’est résumé. J’ai envie de rajouter « tout est dit » mais il y a d’autres raisons. Toujours est-il que le résultat est simple : l’Europe, on ne sait pas ce que c’est, ce qu’elle fait, à quoi ça sert…

Pendant la campagne présidentielle, Ségolène Royal avait dit « Il faut faire l’Europe par la preuve ». Elle avait parfaitement raison (ce que je disais déjà fin 2006) mais les eurotechnocrates se foutaient de sa gueule. Ils sont cons et nous ont pondu un texte encore plus incompréhensible que le précédent sans éclaircir le fonctionnement de l’Europe.

On lit souvent que les Irlandais sont des ingrats de voter non alors que l’Europe a assuré leur prospérité. Je rappelle que les Irlandais ne sont pas les seuls à avoir voté non, il a aussi les Hollandais et les Français même si ça me fait un peu mal au cul de dire du bien des Pays-Bas ce matin après la raclée d’hier soir.

J’entends maintenant des zozos indiquer qu’il faut un referendum Européen avec tous les électeurs qui votent le même jour et que c’est la seule solution pour refaire passer le traiter. Ca ne tient évidemment pas la route puisque aucune Constitution Nationale ne prévoit ça et c’est donc grotesque mais ça n’est qu’un détail. Il est surtout grave que ces Eurandouilles ne se rendent pas compte que le résultat serait le même. Plus de 50% des Européens diraient « Non ». La seule solution pour que le oui passe serait que les électeurs ajoutent au bulletin non « et vous commencez à nous les gonfler ». Ca rendrait nul ces votes.

Je vais donc leur expliquer calmement. Déjà, la moitié de la population s’en fout royalement ou n’y comprend strictement rien. Il y a donc 50% de votants. Les partisans du non sont nécessairement plus mobilisés que ceux du oui. C’est logique car dans les partisans de oui, la plupart (un peu comme moi, d’ailleurs, en 2005) pensent « bon, d’accord, prenons cette constitution puisqu’il en faut bien une pour sortir du merdier et le jour du vote, je préfère avoir le prétexte du vote pour éviter d’aller bouffer chez la belle-mère ». Alors que ceux du non pensent : « Ils commencent à nous les briser avec leurs trucs, ce n’est pas ça qu’on veut, la belle-mère ira se faire foutre, ce jour là, je vais voter pour freiner leurs délires ».

Pour résumer, il n’y a pas 10% de la population qui veut vraiment ce texte en pensant benoîtement « Oui, il n’est pas mal, c’est un bon compromis entre les désirs de toutes les nations » dont la moitié pense « Bon, on aurait quand même pu trouver mieux ».

Ceux qui restent (quoi, 5% ?) sont tous impliqués fortement dans la politique, se convainquent mutuellement de leurs idées et ne vont jamais discuter avec les gugusses au bistro. Ils ne comprennent pas. On ne va pas voter pour un non projet qui nous enfonce dans un système à bout de souffle auquel on ne comprend rien.

J’imagine quelques lecteurs hilares arrivés à ce stade de la note se préparer à écrire un commentaire « Ha ha ! Pauvre con ! C’est justement parce que le système est à bout de souffle, qu’il faut le changer ! ».

C’est ce qu’on me répondait déjà à chaque fois que le sujet est abordé. Mais le NON progresse. Ils n’ont rien compris.

Ca me rappelle samedi dernier. Une petite dame m’a appelé. C’était une vendeuse de fenêtres. Si ! Ca existe. Il y a des gens payés pour appeler des quadragénaires rondouillards pendant qu’ils bloguent pour tenter de leur vendre des fenêtres. Je lui ai dit : « Merci Madame, mais mon appartement n’a que vingt ans, mes fenêtres sont comme neuves ». « Vous savez, avec les nouvelles technologies, patati, patata, … » « Heu, Madame, je vais rester poli car je ne vous en veux pas mais, mais au revoir, bonne journée ».

Je suis probablement un connard de ne pas avoir voulu changer mes fenêtres pour bénéficier des progrès fabuleux de la science des fenêtres dans les vingt dernières années mais je n’ai pas que ça à foutre.

Les Eurandouilles pensent probablement que les électeurs sont des connards mais ça ne change rien au fond du problème. Il faut leur vendre du réel ! Mes fenêtres dureront encore bien 10 ou 20 ans avant qu’il faille réellement les changer.

Ce billet serait fini. Mais j’ai dit du bien de François Bayrou et des Hollandais. Il faut aussi que je dise du bien de Nicolas Sarkozy : il nous avait vendu un mini-traité qu’avait pu revendre ses partisans dans les commentaires des blogs. Ce mini-traité s’est transformé en usine gaz et a été recalé. On est encore plus dans la merde qu’avant. On n’a plus aucune légitimité pour faire de nouvelles propositions puisque les dernières ont abouti à un fiasco gigantesque mais parfaitement prévisible.

On assure la Présidence de l’Europe et notre TGH arrivera bien à nous sortir de ce bourbier.

Mais la prochaine fois, il faudrait réussir à le faire intelligemment, c'est-à-dire sans imaginer un texte presque cuit à l’avance, ce qui nous fait perdre deux ou trois ans à chaque fois.

Cette fois, ça va en prendre 10 ou plus car il n’y a probablement plus 36 solutions…

Il faut commencer par faire de la pédagogie. C’est un mot qui me fait toujours rire dans la bouche des politiciens. L’autre jour, un ministre, voire Nicolas Sarkozy lui-même, je ne sais plus, disait que la loi TEPA ne s’était pas accompagnée de suffisamment de pédagogie. C’est grotesque. Elle n’a pas marché car elle était nulle. Néanmoins, quand on a le carburant qui augmente et qu’on dit « on va baisser la TVA » puis, deux jours après, « On ne peut pas, c’est Europe qui nous en empêche ». Ce n’est pas une bonne pédagogie. Comment voulez-vous que les braves gens adhèrent à l’Europe quand on leur dit que c’est à cause d’elle que le budget carburant empêche de boucler les fins de mois ?

Après avoir compris ça et en espérant que les soutiens actuels de la droite Française se rendent bien compte que c’est une des grandes causes des échecs successifs (vous vous rappelez la TVA sur la restauration ?), il faut faire de la construction Européenne le principal enjeu de la prochaine élection… Européenne, dans un an. Je ne sais pas comment, mais il est temps que les Elections Européennes servent à quelque chose et c’est bien à nos élus de décider des textes qui seront présentés aux peuples, pas à d’obscures commissions de technocrates.

Il faut travailler dans le bon sens. La constitution doit vernir des peuples, des nations, … Ca me fait toujours mal de parler de nations mais c’est indispensable : c’est la souveraineté qui est en jeu. Donc le boulot pour préparer les nations à franchir le pas (je ne sais pas lequel et elles non plus, le débat reste à mener) doit être fait par les nations pas par l’Europe.

Ca veut dire que préparer un nouveau texte Européen ne sert strictement à rien. Il faut que les nations aient modifié leurs constitutions avant pour admettre pouvoir perdre un peu de souveraineté, ce qu’elles ne feront sans certaines précautions, j’espère ! C’est pour ça qu’il faut que les peuples voient le travail de leurs élus au Parlement Européen (notons d’ailleurs que les guignols qui ont transformé les élections Européennes en élection « super régionales » méritent des baffes, puisque ça éloigne encore plus le peuple de l’Europe) et qu’ils puissent décider de renforcer le pouvoir de ces élus. Pas des technocrates.

Ca prendra 20 ou 30 ans. Je sais. Je ne suis pas pressé. Ca ne m’empêchera pas d’aller prendre l’apéro avec les copains ce midi car je vous rappelle que la Comète rouvre aujourd’hui. Il est d’ailleurs fort probable qu’on y bouffe. Le Monde et l’Europe ne s’arrêtent pas de tourner contrairement à la Comète qui a stoppé 15 jours.

Pendant ces 20 ou 30 ans, ces technocrates pourront travailler pour sortir du pétrin dans lequel ils nous ont fourrés… qui nous oblige à insérer des putains de textes à caractère législatif (les traités, les directives et autres singeries) dans un truc qui se voudrait constituant.

Un dernier mot. On va sûrement avoir des gugusses qui vont trouver des solutions pour décoincer ça et nous faire bouffer un nouveau truc qui sera probablement encore refusé…. Mais s’il ne l’est pas, ça ne changera rien au problème de base… On ne construit pas l’avenir des peuples sans eux. C'est le problème de la démocratie...

Peut-être existe-t-il aussi d’autres solutions que la force ou une constitution pour permettre à différents pays de bosser ensemble dans la joie et la bonne humeur.