Chacun le sait désormais, ce sera la grande journée de mobilisation dans tout le pays –la rue, la grève–, alors que les sondages d’opinion laissent peu de place au doute: une grande majorité de nos concitoyens rejettent le projet d’El Khomri. Le tour de passe-passe gouvernemental, qui a consisté à laisser croire à des reculs et à des réécritures, fut inopérant. Manuel Valls n’a rien modifié d’essentiel dans ce texte si outrancièrement régressif qu’il inquiète les plus jeunes d’entre nous, au point de les inciter à battre le pavé avec hargne et intelligence.
Nous vivons une période tellement inédite, cadenassée par de multiples crises –économique, morale, sociale, politique, de civilisation, etc.–, que nulle expérience du passé ne peut nous servir de point de référence, encore moins de modèle, pour nous prédire ce qu’il adviendra de cette loi inique qui menace l’équilibre même des derniers droits des salariés. Ce que nous pouvons affirmer, en revanche, c’est que le gouvernement se trouve en grande difficulté. Mais osons dire, aussi, que cela ne suffit pas. Maintenant, il convient de le mettre en échec. Le front du refus doit continuer de s’exprimer massivement pour obtenir le retrait de ce texte afin d’éviter que le monde qu’on veut nous imposer, déjà si présent, ne devienne l’alpha et l’oméga de nos avenirs communs. Les citoyens le peuvent, nous le pouvons. C’est à leur portée, à notre portée. Le 31 mars au soir, forçons le premier ministre à comprendre que les jeux ne sont pas faits – et même à comprendre tout le contraire.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 30 mars 2016.]