Eddy Mitchell Big Band, le blues du rocker

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Ce vendredi 1er avril, nous avons pu assister, tranquillement assis dans le fauteuil de notre cinéma préféré au concert unique d’Eddy Mitchell au Palais des Sports à Paris, Eddy Mitchell Big Band. Sur le parterre de la salle qui a vu débuter Les chaussettes noires, les têtes grisonnantes ont remplacés les jeunes têtes blondes depuis longtemps, ainsi que sur scène. Et pourtant, le rocker français swingue toujours aux confluences du jazz, du blues, de la country et du rockabilly avec une énergie étonnante, accompagné de son Big Band fidèle.

Eddy Mitchell Big Band reprend une formule que l’artiste a déjà mis en place plusieurs fois, notamment en 1995 avec Big Band au Casino de Paris. Découpé en trois partis consacrées aux trois grands types de musique qui l’ont inspiré, le concert se fait dans une explosion de cuivre, avant que ne vienne s’y mêler l’entrain du guitariste et les voix groovies des choristes. Eddy Mitchell prend son public par la main et lui avoue les influences qui berce sa musique. C’est ainsi que la première partie du show fais la part belle aux orchestrations du Big Band pour offrir un florilège de chansons jazzy parmi lesquelles certain de ces derniers succès comme Quelque chose a changé, hommage à Martin Luther King ou encore Il faut vivre vite, consacré à Frank Sinatra, issu de son album Big Band. S’il n’est pas avare de confidence sur les grands hommes qu’ils aiment et sur les musiciens célèbres qui l’ont mené à la musique, Eddy Mitchell verse d’ailleurs parfois dans la redite. Écouter un concert entier revient à se demander s’il ne tire pas les thématiques de ses chansons au chapeau tant les textes se ressemblent parfois. Avant le concert, comme un écho de cette petite remarque que l’on s’est faite, Jean Dujardin (que l’on a vu dans Un + Une, La French, Monuments Men et 9 mois ferme) répondait au journaliste qui l’interrogeait qu’il s’étonnait du nombre d’occurrence du mot « frigo » dans la discographie du chanteur fringant.

« Frigo », c’est un peu significatif de l’univers de cet artiste dont le cœur penche à gauche et qui, dans ces chansons, parle beaucoup de la classe moyenne. Mais surtout, comme on le disait plus haut, Mitchell évoque constamment ses idoles parmi lesquelles Eroll Garner ou Chuck Berry. Il a même sous le coude, une chanson consacrée à Serge Gainsbourg avec qui il enregistra Vieille canaille. Au milieu des hommages artistiques et politiques, Les vrais héros, morceau de 2013, dont la thématique trahie des préoccupations vieillissantes, est un drôle d’instant où le rocker septuagénaire s’en prend aux idoles de papier que constituent, pour lui, les héros de comics. Il en appelle à vénérer les vrais héros, ceux du quotidien, ceux qui turbinent au taf pour payer leurs crédits (sic). Pour nous, il est évident que l’on cherchera plutôt les nôtre du côté de ceux qui mettront fin à l’usure s’il le faut en châtiant quelques banquiers. On a des héros à la hauteur de ces renoncements. C’est ainsi que le meilleur moment de Eddy Mitchell Big Band est certainement la dernière partie, consacrée à ses plus grands tubes, où s’enchaînent hymne à la libération sexuelle (Pas de Boogie Woogie), provocation de vieux marginal (C’est un rocker) et même appel à la faillite personnelle (A crédit et en stéréo). Nashville ou Belleville rappelle où son cœur balance tandis que La fille aux yeux menthe à l’eau termine la cérémonie pour que l’on oublie pas qu’Eddy est, surtout, un sacré crooner.

Même si l’on sent parfois les redites, qu’une chanson d’Eddy Mitchell, bien souvent, peut-être interchangeable, c’est néanmoins un moment très agréable que nous avons passé avec l’artiste, peu avare en blague et qui sait prendre soin de son public. Sur scène, on a senti une véritable osmose avec son orchestre, une complicité sans faille qui se ressentait et qui a poussé la salle du Dôme de Paris a se lever pour danser dans la fosse. Ils ne restent plus, pour les amateurs qui voudrait avoir un petit arrière-goût de l’ambiance de la salle, à se procurer l’album Big Band. De notre côté, on se contentera tout de même du concert.

Boeringer Rémy

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