The Aliens est une nouvelle série de six épisodes diffusée depuis le début mars sur les ondes d’E4 en Angleterre. Cet amalgame de science-fiction, action et de comédie se déroule 40 ans après que des extra-terrestres aient atterri sur la Terre. Le gouvernement britannique, ne sachant que faire avec eux a finalement opté pour la ghettoïsation dans la ville fictive de Troy, mais ce qui a de quoi réellement inquiéter les autorités est le commerce de la drogue qui y sévit. Au cœur de ce conflit, il y a Lewis (Michael Socha), un simple douanier qui se retrouve obligé malgré lui de collaborer avec des malfaiteurs, dont la redoutable Lilyhot (Michaela Coel) au même moment où il découvre qu’il est lui-même à moitié extra-terrestre. Création de Fintan Ryan, The Aliens marque une grande partie de ses points lorsqu’elle se concentre sur les scènes d’action et les multiples retournements de situation, grâce notamment à ses deux personnages principaux. Par contre, le côté science-fiction est plutôt bâclé, voire même inutile d’autant plus qu’on a déjà un autre filon solide qui tienne la route.
Un futur bien conservateur
Sans véritablement savoir de quoi il en retourne, il semble que la chevelure, tout comme les poils pubiens de ces extra-terrestres contienne un fort addictif puisque lorsqu’ils sont fumés (cette drogue est surnommée « fur »), ils produisent des effets hallucinogènes. La « traite » de ces poils semble assez importante pour que le gouvernement ait décidé de sévir puisque chaque jour, ils sont aspergés d’un produit aseptisant. Évidemment, certains réussissent à se faufiler entre les mailles du filet, ce qui génère des retombées importantes pour les trafiquants. C’est justement le rôle des douaniers de veiller à empêcher ce commerce, mais voilà que depuis plusieurs mois, Lewis, un être un peu paumé est tombé sous le charme de Lilyhot, une extraterrestre qui se déshabille pour lui via une webcam. Après avoir découvert qu’il est à moitié alien lui-même, il accepte de l’aider à faire transiter de la fur et celle-ci lui révèle l’identité véritable de son père, Antoine (Michael Smiley), un baron de la drogue qui croupit en prison. En compagnie de son copain Dominic (Jim Howick), ils parviennent à le faire évader, mais Lilyhot qui espérait qu’il reprendrait du service est déçu puisque ce quinquagénaire n’aspire qu’à la retraite. Cependant, un événement inattendu pourrait le persuader de changer ses plans.
Entre le scénario de The Aliens et ce que l’on voit à l’écran, on ne peut qu’être déçu, ne serait-ce qu’au niveau de la mise en scène. En effet, jamais on n’a vu un futur aussi conventionnel : peu d’efforts ont été mis dans les costumes, les technologies ou les différentes locations, à commencer par la ville de Troy qui ressemble à n’importe quel ghetto que l’on retrouve dans la plupart des grandes villes. E4, sans nécessairement être le parent pauvre de la télévision anglaise ne roule pas non plus sur l’or et c’est peut-être ce qui explique cette vision pour le moins minimale du futur. Pourtant, on n’a qu’à penser à Trepalium, cette série futuriste récemment diffusée sur Arte dans laquelle les travailleurs et les chômeurs étaient littéralement séparés par un mur. Avec des effets spéciaux minimaux, un peu de fantaisie dans les costumes et les coiffures, on parvenait tout de même à nous transporter dans un tout autre univers à (probablement) moindres coûts.
Et comme dans la série française, on a droit à deux classes de citoyens, mais là aussi The Aliens se montre peu convaincante. Les extra-terrestres sont ostracisés, mais à la mi-saison, on ne comprend toujours pas pourquoi. Ils vivent littéralement comme les humains, ont la même intelligence, la même palette de désirs (même que Dominic est homosexuel), si bien qu’outre quelques négligeables particularités, il n’y a aucun signe extérieur ou intérieur qui permette de les différencier, si ce n’est le sang qui coule dans leurs veines. Dès lors, le concept de l’exclusion que l’on tente de mettre de l’avant se révèle plutôt bancal. En entrevue, le journaliste du Guardian Gabriel Tate a évoqué un parallèle entre la série et la crise des migrants qui secoue particulièrement l’Europe depuis quelques années, ce que le créateur Ryan a confirmé. Pourtant, il est difficile de mettre l’accent sur les discordes lorsqu’on ne comprend pas l’enjeu. Côté science-fiction, Ryan avait été bien plus efficace avec sa série précédente In the Flesh dans laquelle les zombies, assagis, peinaient à s’intégrer à la société. Même chose pour 100% Humains (Äkta Människor) de Suède dans laquelle c’étaient des robots (hubots), identiques aux humains qui venaient bouleverser l’ordre établi. Dans ces deux cas, l’aspect physique distinguant les laissés pour compte nous aidait à prendre la mesure des disparités entre les différents intervenants de ces séries. Dans la nouveauté d’E4, les extra-terrestres ne sont rien de plus que des revendeurs de drogues divisés entre deux clans.
Tout ça pour du poil
Justement, c’est là où The Aliens capte véritablement notre attention, notamment grâce à ses têtes d’affiche. Lewis / Michael Socha est excellent dans le rôle de l’homme peu sûr de lui, très influençable et surtout maladroit. Par contre, malgré des méthodes bancales, il finit toujours par accomplir ses missions, mais ce qu’il y a de plus divertissant, c’est la relation qu’il entretient avec Lilyhot qui finit toujours par le mener par le bout du nez. Pour ceux qui auraient la mémoire courte, son interprète, Michaela Coel, c’est Tracey de Chewing Gum, cette jeune fille naïve à l’extrême et mal dans sa peau qui s’est métamorphosée en femme fatale tout aussi convaincante pour E4. Son personnage a toujours une longueur d’avance sur ses acolytes masculins qu’elle n’a aucun remords à planter là dès que ça sent le roussi. La chaîne qui nous a régalé avec The Inbetweeners de 2008 à 2010 et plus récemment avec Tripped connaît très bien son public cible, les 18-35 ans et parvient toujours à aborder des sujets tabous, qu’il s’agisse de l’intimidation, des problèmes de consommation, de sexualité, etc., sans pour autant se faire moralisatrice. Avec The Aliens, on a droit à de multiples missions aussi emballantes qu’à l’issue incertaine et on ne s’autocensure pas lorsqu’il est question de scènes de violence sans pour autant mettre (inutilement) l’accent sur la souffrance infligée à autrui. Enfin, c’est le ton en général qui fonctionne puisque derrière ces éléments de tension ou de course contre la montre, l’humour n’est jamais bien loin, mais on nous sert aussi quelques trames plus touchantes, notamment dans la relation entre Lewis et son père biologique.
Entre autres grâce à une série de campagnes publicitaires efficace, le premier épisode de The Aliens a attiré 540 000 téléspectateurs en direct et 900 000 en incluant les enregistrements, ce qui est impressionnant pour une si petite chaîne. Par contre, les deux semaines suivantes, la série a disparu du top 30 qui exclue les grands joueurs (BBC, ITV, Channel 4 & 5), se plaçant ainsi sous la barre des 780 000 et 650 000 téléspectateurs respectivement. On ne sait pour le moment si une saison 2 est prévue ou a été commandée.