Allister Coetzee, nouvel entraîneur des Springboks

Publié le 12 avril 2016 par Sudrugby

Son portrait

Âgé de 52 ans, le natif de Grahamstown dans l’Eastern Cape, passé par la Mary Waters Secondary School, n’a pas connu une grande carrière de joueur mais a tout de même représenté les espoirs Sud Africains en 1992 puis l’Eastern Province en Currie Cup et Super 10 (ancêtre du Super 12) avant de prendre sa retraite en 1996, une saison après la mise en place du professionnalisme dans le rugby. Toetie enchaine directement avec sa carrière de technicien en tant qu’entraîneur adjoint de l’EP pendant deux saisons auprès de Johan Kluyts et Steve Baker avant de se rendre plus à l’est et d’occuper le poste de team manager (organisation et logistique) des Sharks entre 1998 et 1999. Il devient ensuite l’adjoint de Wayne Fyvie lors du Super Rugby 2000 de la province du KwaZulu-Natal et commence également à enchainer des responsabilités nationales en secondant le sélectionneur Harry Viljoen lors des matchs de semaines des tournées mais aussi auprès de l’équipe nationale “A” et des Emerging Boks.

Jake White et Allister Coetzee entourent Eddie Jones, conseiller des Springboks en 2007

Son premier poste d’entraîneur en chef lui sera proposé par sa province natale de l’Eastern Province, nommée à l’époque les Mighty Elephants, entre 2001 et 2003 pour des résultats peu probants au sein d’une province aux finances exsangues lui empêchant de conserver ses meilleurs talents (c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui). Il rejoint ensuite Gert Smal au sein du staff technique de Jake White nommé sélectionneur des Springboks en 2004. Un excellent travail de quatre saisons conclu par un second titre de champion du Monde pour la nation arc en ciel en 2007 au Stade de France.

Sa carrière se prolonge l’année suivante sur la côte Ouest où il rejoint Cape Town et les Stormers comme adjoint de Rassie Erasmus en 2008 et 2009. Il prend cependant la succession de Gary Gold (lui même nommé adjoint de Peter de Villiers auprès des Springboks) à la tête de la Western Province dès 2008, casquette qu’il cumulera à partir de 2010 avec celle de head coach des Stormers jusqu’en 2015 et son départ pour Kobé au Japon. S’il n’a jamais ramené le trophée du Super Rugby au Cap, il faut toutefois se rappeler qu’il a emmené une équipe moribonde habituée au milieu de tableau à la première place du classement général en 2012 ainsi que sur le podium des phases de poule en 2010, 2011 et 2015, s’inclinant dans les quatre cas en play off. Le succès aura cependant été au rendez vous en Currie Cup avec deux titres en 2012 et 2014 ainsi que 2 finales en 2010 et 2013. Malgré le manque enthousiasme que semble susciter cette nomination auprès des observateurs Sud Africains, Allister Coetzee est pour moi le meilleur choix disponible… derrière Heyneke Meyer qui n’a pas été conservé. Il devra toutefois travailler pendant quatre ans avec une épée de Damoclès politique au dessus de sa tête!

La question politique

La politique risque en effet d’interférer fréquemment au sein du rugby Sud Africain ces prochaines saisons avec en toile de fond la politique de transformation souhaitée par le ministère des Sports. Malgré une gros manque de crédibilité et d’exemplarité comme en attestent les nombreuses “affaires” liées au président Jacob Zuma, il est attendu de la SARU des résultats concrets sur ce sujet qui semble prioritaire par rapport aux résultats de l’équipe nationale. En effet des soutiens financiers, publics et privés, sont en jeu. 50% des Springboks doivent être “non whites” (dont 60% black africans) lors de la prochaine Coupe du Monde et Allister Coetzee aura bien du mal à jongler avec les égos et les critiques. Mais s’il y a bien un entraîneur capable de ménager l’environnement politique Sud Africain tout en mettant en place une ambiance de travail saine, c’est bien lui comme le pense l’ancien capitaine des Springboks Corne Krige.

I think @ahccoetzee is a great appointment. He understands SA politics and he knows how to create a great environment for the team.

— CorneKrige (@CorneKrige6) 12 avril 2016

Actuellement aux Southern Kings, Mzwandile Stick devient entraîneur des arrières des Springboks

Alors que les noms de Robbie Fleck, Johan Ackermann, Matthew Proudfoot voire Rassie Erasmus étaient annoncés laissant augurer d’un staff technique prestigieux, ce sont finalement Johan van Graan et Mzwandile Stick qui accompagneront Allister Coetzee jusqu’au Japon, respectivement en charge des avants et des arrières. van Graan, seul rescapé de l’ère Meyer, était toujours sous contrat avec la SARU et, n’ayant pas été retenu pour succéder à Frans Ludeke à la tête des Bulls, il prolonge son bail avec les Springboks. La nomination de Stick est plus surprenante et semble plus politique que sportive. En effet le président de la SARU Oregan Hoskins a annoncé vouloir la présence d’un “black african” au sein du staff et, Coetzee n’ayant pas souhaité travailler avec Chester Williams, c’est l’ancien Blitzbokke Stick qui a été retenu. L’actuel entraîneur des arrières des Southern Kings manque cruellement d’expérience du haut niveau mais ses débuts restent toutefois intéressants avec un titre national gagné par les -19 ans de l’Eastern Province en proposant un superbe jeu offensif.

Ses challenges

Si la sélection des joueurs expatriés reste possible au cours de l’année 2016, il est probable que la donne change dès 2017 et que seuls les joueurs évoluant en Super Rugby soient éligibles. Une piste pour tenter de rapatrier au pays les meilleurs joueurs évoluant à l’étranger. Dans le cas contraire, il faudra renouveler une équipe qui a connu le départ de nombreux cadres tout en assurant la fameuse transformation. Mais Coetzee pourra s’appuyer sur son ancienne franchise des Stormers où des joueurs comme Siya Kolisi, Bongi Mbonambi, Scarra Ntubeni, Nizaam Carr voire Skuna Notshe sont appelés à évoluer au plus haut niveau.

Nous comprenons que les joueurs doivent gagner leur vie, mais nous devons aussi placer les besoins de rugby Sud Africain en premier – Oregan Hoskins à propos de la sélection des joueurs évoluant à l’étranger.

Il va également devoir manier les chiffres et gérer les égos car, avec 50% de joueurs non whites dont 60% de black africans, plusieurs joueurs non sélectionnés pour des critères raciaux vont être déçus, la performance n’étant plus la qualité principale de sélection. De plus les franchises de Super Rugby et à moindre niveau les provinces de Currie Cup voire les prestigieuses high school d’où sont issus les joueurs ne semblent pas pour le moment jouer le jeu de la fédération. C’est tout un système national qui doit être revu avant d’exiger des changements aussi drastiques de la part de l’équipe phare! Des joueurs assurés de faire partie du squad pour des raisons de quotas vont-ils se sentir autant en danger que les autres et rester compétitifs? De nombreux challenges sensibles que Coetzee va devoir relever.

Enfin, last but not least, les supporters et plus globalement les amateurs du rugby dans le monde espèrent un changement dans le jeu des Springboks, minimaliste et peu expansif sous Heyneke Meyer. Les All Blacks, les Wallabies et les Pumas ont montré la voie lors de la dernière Coupe du Monde, aux Boks de désormais suivre le mouvement. Coetzee nous a en tout cas habitué à un jeu alléchant avec les Stormers ces dernières années.