Le livre de la jungle

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Jungle Book

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jon Favreau
Distribution : Neel Sethi/Voix (en V.O.) : Ben Kingsley, Bill Murray, Idris Elba, Scarlett Johansson, Christopher Walken, Lupita Nyong’o, Giancarlo Esposito…/(en V.F.) : Lambert Wilson, Leïla Bekhti, Eddy Mitchell, Cécile de France…
Genre : Aventure/Adaptation
Date de sortie : 13 avril 2016

Le Pitch :
Mowgli, un petit garçon, vit dans la jungle depuis son plus jeune âge. Élevé par une meute de loups, protégé par la panthère Bagheera, il mène une existence paisible au milieu des autres animaux. Cependant, un jour, le terrible tigre Shere Khan resurgit après une longue absence. Pour lui, la présence du jeune humain est intolérable. Pourchassé, Mowgli doit alors prendre la fuite pour rejoindre le village des hommes. Sur son chemin, il rencontrera des amis, comme l’ours Baloo, mais aussi des ennemis…

La Critique :
On le sait, depuis quelque temps déjà, Disney dépoussière son prestigieux catalogue et offre à ses classiques d’animation des versions « live ». Alice au Pays des Merveilles y est passé, Cendrillon aussi, La Belle au Bois Dormant (rebaptisé Maléfique) et maintenant Le Livre de Jungle. Un film en prises de vues réelles, avec un vrai petit garçon (le formidable Neel Sethi) et plein d’animaux en image de synthèse, créés par les artisans de chez Jim Henson, grâce à la technologie de la motion capture.

Premier constat : le spectacle est ahurissant de beauté. Aux manettes, Jon Favreau, soit celui qui eut la lourde tâche de présenter Iron Man au public et ainsi, d’une certaine façon, de poser les premières pierres de l’univers partagé de Marvel au cinéma. Un réalisateur que l’on sait généreux et sincère et qui ici, après le plus personnel et confidentiel #Chef, orchestre ce gigantesque barnum en forme d’incroyable défi technique. Certes habitué à gérer les effets-spéciaux, le cinéaste s’est en effet retrouvé à la tête d’une machinerie assez impressionnante et le moins que l’on puisse dire, c’est que son travail force l’admiration. Plongé dans un écrin de verdure à la richesse sans cesse renouvelée, l’aventure qu’il nous conte prend vie sous nos yeux dès les premières minutes grâce à un soucis constant du détail. La jungle est luxuriante et les animaux incroyablement réalistes. Que ce soit Bagheera le bienveillant, le terrifiant Shere Khan ou bien sûr l’attachant et bon vivant Baloo, tous traduisent un travail ahurissant. Les expressions qu’ils adoptent, les postures, leur façon de se mouvoir, tout est d’un réalisme particulièrement pertinent, au vu de leur fonction au sein du récit. Bien sûr, le doublage, avec pour la version originale, de prestigieux comédiens comme Bill Murray, Scarlett Johansson, Idris Elba ou Ben Kingsley, finit de conférer de la personnalité à leurs personnages, leur permettant de prendre vie, aux côtés du jeune Neel Sethi, sans jamais trahir leur condition « artificielle ». On peut simplement affirmer qu’à l’écran, si on fait un tant soit peu l’effort d’oublier ce que nous savons sur les effets-spéciaux, ce sont de vrais animaux qui évoluent. À l’image du King Kong de Peter Jackson, ou des primates des deux derniers volets de La Planète des Singes, les animaux du Livre de la Jungle sont d’authentiques personnages. Pas des faire-valoir ou de simples intervenants. C’est d’ailleurs à se demander si, tout en restant dans le genre dans lequel s’inscrit le métrage, nous avons déjà vu quelque chose d’aussi beau et d’aussi saisissant.

Mais pour faire un bon film, la technique ne suffit pas. Il faut aussi de la maîtrise et une bonne histoire. Pour ce qui est de la maîtrise, Jon Favreau s’est surpassé. Qu’il s’agisse des folles courses-poursuites, dans les arbres, au sol, au milieu d’un troupeau de buffles ou au sein d’un temple abandonné par les hommes et désormais habité par les singes du Roi Louie, ce film recèle d’authentique morceaux de bravoure. L’action est lisible, et jamais Favreau ne se laisse aller à la pure démonstration, toujours guidé par une histoire qu’il se plaît à illustrer avec la plus grande justesse, avec une mesure qui se fait rare dans une production de ce calibre.
Une histoire par ailleurs très fidèle aux écrits de Rudyard Kipling, qui n’hésite pas à laisser parler une certaine noirceur, par ailleurs mise de côté par le film d’animation sorti en 1967. Et puisqu’on en est à parler du dessin-animé, autant dire que cette nouvelle version aime aussi faire de multiples clins d’œil à son aîné. Notamment via l’utilisation de deux des chansons emblématiques. Des chansons qui ont d’ailleurs poussé les détracteurs du long-métrage à brandir leur argument favoris quand il s’agit de lever les fourches contre Disney, à savoir le fameux fan service. Oui, Le Livre de la Jungle 2016 se rapproche du classique de Disney, mais non ce n’est pas une mauvaise chose, tant les références s’avèrent toutes pertinentes et surtout plutôt discrètes, compte tenu de leur utilité au sein de la progression de l’intrigue. On peut tout à fait choisir de bouder son plaisir en argumentant sur tel ou tel détail, mais une telle approche interdit de toute façon de reconnaître les grandes qualités de ce blockbuster incarné et passionné, dont Kipling aurait probablement été fier. Et jusqu’à preuve du contraire, vouloir faire plaisir aux fans en plaçant ici ou là des petits « easter eggs » n’a rien de mal. Surtout si, comme ici, la dynamique ne s’y repose pas entièrement.

Virevoltant, incroyablement spectaculaire, d’une beauté à couper le souffle, Le Livre de la Jungle incarne une certaine idée du film familial parfait. Du genre qui fédère petits et grands autour d’une aventure enlevée, drôle, émouvante et parfois carrément poétique. Forcément, ceux qui connaissent bien le livre n’auront pas vraiment de surprise. Le film adopte une progression connue et embrasse des lieux communs vus et revus. Mais après tout, une telle chose est normale. Trop changer pour à tout prix vouloir prendre à revers le public aurait peut-être mené le projet à sa perte. Car il n’est pas donné à tout le monde de modifier des classiques pour ensuite livrer tout de même des œuvres ambitieuses. Certains y parviennent, comme récemment Joe Wright avec Pan, mais un grand nombre se plantent. En jouant la sécurité, en restant humble et respectueux du matériau d’origine, Jon Favreau a avant tout voulu faire entrer Mowgli et ses amis dans l’époque moderne, sans les dénaturer. Juste en leur faisant profiter d’une technique ici poussée à son paroxysme par des artisans talentueux. Favreau qui a soigné les personnages, sur le fond et sur la forme, toujours avec ce même respect, pour les rendre attachants, muscler l’empathie et faire resurgir une émotion salvatrice, qui pourrait bien faire retomber en enfance ceux qui ont grandi avec le dessin-animé. On vibre, on rit, on chante et on s’émeut. L’émerveillement est total. Comme le spectacle, qui nous laisse des étoiles plein les yeux.

@ Gilles Rolland

 Crédits photos : The Walt Disney Company France