La gare

Par Vertuchou

Il s'est formé depuis un siècle dans chaque ville ou bourg de quelque importance ( et beaucoup de villages, de proche en proche, se sont trouvés atteints par contagion),
Un quartier phlegmoneux, sorte de plexus ou de nodosité tubéreuse, de ganglion pulsatile, d'oignon lacrymogène et charbonneux.
Gonflé de rires et de larmes, sali de fumées.
Un quartier matineux, où l'on ne se couche pas, où l'on passe les nuits.
Un quartier quelque peu infernal où l'on salit son linge et mouille ses mouchoirs.
Où chacun ne se rend qu'en des occasions précises,
...
Un lieu d'efforts maladroits et malheureux, où rien ne s'accomplit sans grosses difficultés de démarrage, manœuvre et parcours,
...
,-- et jusqu'au bureau du chef de gare, cet irritable gamin :

C'est LA GARE, avec ses moustaches de chat.

Francis Ponge