Ecologie : l'histoire extraordinaire du village d'Ungersheim en Alsace

Publié le 20 avril 2016 par Bioaddict @bioaddict
La journaliste d'investigation, réalisatrice et écrivaine Marie-Monique Robin présente son nouveau film "Sacré Village !". Ce documentaire met en lumière la belle histoire et l'expérience d'Ungersheim qui est présenté comme un modèle en matière de transition écologique.

" Sacré Village ! ", c'est le titre du prochain film de Marie-Monique Robin. Il est consacré à Ungersheim, petite ville futuriste d'Alsace. Pourquoi futuriste ? Parce qu'Ungersheim s'est lancé depuis huit ans déjà dans une transition écologique globale et réfléchie, qui touche à la production alimentaire, l'énergie, le transport, l'habitat, la monnaie. Ce sacré village offre le modèle le plus abouti de transition écologique en France.

Après le film "Sacrée Croissance !" sorti fin 2014, qui montrait des expériences de transition à travers le monde, Marie-Monique Robin a décidé de filmer Ungersheim comme un témoignage de ce qu'il est possible de faire, ici et maintenant, et quels en sont les bénéfices humains et financiers.

Alors que la diffusion en avant-première de "Sacré Village !" a lieu ce jeudi 21 avril à Strasbourg, Marie-Monique Robin nous explique ses choix et ses motivations.


Votre film est consacré à Ungersheim : Qu'est-ce qui a motivé votre choix ?

Quand j'ai projeté mon dernier film "Sacrée Croissance !" en Alsace en 2015, un des spectateurs est venu vers moi après la projection. Et il m'a déclaré : " tout ce que vous montrez dans votre film, nous le faisons à Ungersheim ". C'était le maire de la ville, Jean-Claude Mensch. Ce qu'il m'a expliqué m'a tellement interpellée que j'ai décidé de me rendre sur place. Et quand je suis allée à Ungersheim, une petite ville de 2200 habitants située dans le Haut-Rhin près de Mulhouse, l'idée de faire un film s'est imposée aussitôt.

Qu'est-ce que cette ville a d'extraordinaire ?

La ville a lancé en 2008 un programme appelée " 21 actions pour le 21e siècle ", qui organise la transition écologique avec une cohérence d'ensemble. C'est ce qui est exceptionnel. Ce programme concerne la production alimentaire, l'énergie, le transport, l'habitat, la monnaie... et il réconcilie l'écologie, l'économie et les Hommes. Les actions de la commune sont décidées en démocratie participative, avec les habitants. De nombreuses activités citoyennes sont organisées autour de la transition, dès l'école communale qui s'appelle l'Ecole de la transition. Le bilan est positif. En dix ans, la ville n'a pas augmenté ses impôts, elle a réalisé une économie de 120 000 euros et a créé ou attiré une centaine d'emplois, tout en réduisant ses pollutions, ses déchets, et ses émissions de gaz à effet de serre de 600 tonnes de CO2 par an.

Pouvez-vous donner quelques exemples de ces actions ?

La ville travaille à son autonomie alimentaire. Elle s'est dotée d'une ferme urbaine bio, le Trèfle rouge, sur huit hectares de terrain qui lui appartiennent. Une association d'insertion la gère, elle emploie 25 personnes. Les produits sont vendus en paniers et à la cuisine centrale municipale qui sert 550 repas bio par jour à Ungersheim et dans cinq communes des environs. Une régie agricole complète l'approvisionnement en cultivant des terres municipales en permaculture et en achetant localement. Une conserverie met en boîte les produits déclassés pour éviter le gaspillage. Une brasserie bio est en projet ainsi qu'une épicerie -il n'y en a pas au village- sous forme coopérative. Ungersheim crée encore un atlas de la biodiversité pour connaitre les espèces à protéger sur son territoire.

Comment la commune réduit-elle ses émissions de gaz à effet de serre ?

Il y a quelques années, la ville a reconverti un ancien site minier - Ungersheim a été une cité minière jusque dans les années 90- en centrale photovoltaïque. C'est la plus grande d'Alsace avec une capacité de 5,3 mégawatts. Elle produit de l'électricité pour 10 000 habitants, hors chauffage. Les panneaux servent de toits à des bâtiments professionnels, le site est devenu une pépinière d'entreprises. La piscine est chauffée grâce à des panneaux photovoltaïques et, comme sept bâtiments municipaux, par la chaufferie centrale, alimentée en partie par les résidus des forêts. Deux chevaux font le transport scolaire et sont utilisés en maraichage, ils évitent 4600 kms motorisés par an. Un éco-hameau est en construction, sur le modèle de Bedzed, un éco-quartier de Londres : zéro carbone, zéro déchet, récupération de l'eau de pluie... Une éolienne va fournir la future Maison des natures et des cultures. L'exposition solaire de chaque maison est en cours d'étude pour savoir quel équipement peut y être installé.

Qu'est-ce qui a fait la réussite économique du programme ?

Tous les investissements sont décidés en commissions participatives, avec une commission par projet. Ils sont progressifs, pas très élevés et rentables. Les terres industrielles où a été construite la centrale photovoltaïque par exemple n'étaient pas très coûteuses. Aujourd'hui, la ville perçoit une part des bénéfices générés par la centrale. Elle veut créer une régie de l'énergie et aller vers l'autonomie énergétique. La ville a repris la régie de l'eau et divisé par deux le montant de la facture. Elle a créé une monnaie locale, le Radis. Avec le Radis, les achats se font dans la ville et font vivre ses commerces. Aujourd'hui, elle étudie la possibilité de pérenniser sous forme coopérative toutes les activités qu'elle a développées au meilleur coût pour les citoyens.

Quel est l'objectif ce nouveau film ? Quand sera-t-il diffusé ?

Ce film, qui s'appelle "Sacré Village !" comme un prolongement de "Sacrée Croissance !", montre le rôle des élus, l'importance qu'ils aient une vision pour leur ville et qu'ils aient du courage. Il peut inspirer certains d'entre eux et pousser des citoyens à aller les trouver pour les faire bouger. Bien des communes pourraient faire aussi bien qu'Ungersheim. Il sera diffusé en version de 52 minutes sur France 3 en mai -la date n'est pas encore arrêtée- puis sur Ushaïa TV. Une avant-première ouverte à tous aura lieu à Strasbourg le 21 avril à l'auditorium de France 3. Nous envisageons de faire une version longue pour le cinéma tant l'histoire est inspirante et le matériau riche.

Propos recueillis par Anne-Françoise Roger pour Bioaddict.fr