Pages en partage : Rencontre 1 avec Michèle Lesbre

Par Anneju71 @LesMotordus

Jeudi soir ,

Michèle Lesbre inaugurait Jeudi 28 Avril 2016, la manifestation Pages en Partage, organisée par la bibliothèque de Chalon sur Saône, de Chatenoy le Royal et La Mandragore.

Le lieu de rendez-vous était juste idéal : l’espace des arts.

Le programme était bien rodé :

17h – 18 h : Interview avec vivre à chalon et info chalon

18h – 19h : Tête à tête avec les lecteurs du groupe, dédicaces, révision des notes du modérateur . Bref, tout le monde se prépare.

19h : Lancement avec Sophie Fabre

Patrice commence par demander aux participantes (car que des femmes font parties du groupe de lecteurs) pourquoi elles ont choisi Michèle Lesbre ? La réponse est unanime : ses romans leurs parlent. Elles aiment prendre le train avec elle.Elles se retrouvent dans les narratrices, dans ce côté intemporel.

Depuis sa nouvelle sur Mai 68, Michèle Lesbre n’a pas reposé son stylo. Elle fait un acte de « résistance face au monde d’aujourd’hui où il n’y a plus d’imaginaire, plus d’utopie ».

Elle s’est essayée au roman noir, au début. Mais elle l’a vite quitté car pour elle, il a changé. » C’est comme une éponge. » Elle n’a plus envie. Elle se sent bridée par les contraintes. Ce qui l’intéresse maintenant ceux sont les trajectoires intimes, les vies intimes. « Je n’écris que quand c’est nécessaire. Je suis perdue dans son monde d’aujourd’hui ».

Après cette introduction, différents thèmes relevés dans ses romans vont être abordés.

La rencontre :

 » Ces femmes sont beaucoup de moi. » Grâce à elles, elle essaye de comprendre la vie. Comment elle peut être brisée ? Comment grandir ?. En aucun cas, ils ne sont autobiographiques. Elle aime relater des parcours, des relations entre hommes et femmes.  » Je ne veux pas écrire des romanes d’amour. ils sont mortellement ennuyeux. Mais les rencontres sont des moments magiques et éphémères et c’est cela que j’aime écrire. »

Le hasard et le mystère :

La notion de temps est nécessaire à son roman. Ses livres ne sont jamais construits. Ils se font au fil de l’eau. C’est comme durant ses voyages, elle ne supporte pas d’avoir un plan.  » Car avec un plan, on passe à côté de plein de choses. On ne lève pas forcément le nez. Je fais confiance à ma fluidité d’écriture. Je ne change jamais les chapitres de place. »  Ses romans se passent toujours sur des courts moments, denses où quelque chose se joue, ou va se jouer. « La vie, c’est l’errance entre le temps et l’espace. Et tout d’un coup tout prend de nouveau du sens ».

La mort :

« Oh surprise : ». Michèle Lesbre n’aurait jamais pensé à ce thème récurrent dans ses romans. La mort est un thème toujours difficile à aborder. Certes, il y a des suicides dans ses livres mais la mort ou le deuil ne sont pas les thèmes principaux de ces romans. Elle l’introduit car elle veut casser les tabous. La scène qui commence dans Le canapé rouge, où ce vieil homme se jette sous une locomotive devant ses yeux, elle l’a vécu. Un choc ? oui mais aussi elle l’a vu comme un message que cet homme lui transmettait. Elle lui a d’ailleurs dédié ce livre.

Les univers culturels :

Comme tout être humain, on est inspiré par des auteurs, des musiciens, des penseurs. Voilà ses inspirations : Dostoïeski, Jankelevitch, Bassani, Modiano pour la littérature, Claude Batho pour la photographie, Le jazz pour la musique et Visonti, Bertolucci et le cinéma américain.

« Je ne me prive pas dans les citations. C’est naturel et non publicitaire. Je les aime et j’aime les partager. Ca fait partie de mon bagage. »

L’engagement politique :

Pourquoi ?

« Attention, mes narratrices ne sont en aucun cas militantes ! ». On revient sur le monde d’aujourd’hui, dans lequel elle se sent perdue, catastrophée et très triste. D’ailleurs, son prochain roman parlera d’une femme du 18ème siècle, très pauvre, chef de bande, une rebelle en Bretagne.

L’eau :

Dans la plupart de ses romans, la présence de l’eau est importante. Pour elle, c’est porteur aux rêves et à l’abandon. Mais c’est aussi un excellent moment pour suspendre le temps.L’eau ressemble à sa fluidité d’écriture.

Suite à ce thème un passage d’Ecoute la pluie a été lu par Sophie.

Après ses différents thèmes, la parole était donnée au public.

Pour elle, l’écriture permet de se connaître. Même à 75 ans, on ne se connait pas. Elle aime écrire des livres qui vont vers la lumière, une ode à la vie. Pour le choix de ses titres, elle veut qu’ils ne disent rien sur l’histoire.

Quand elle écrit, la première page est déterminante. Tout se joue à ce moment. « C’est particulier comme état, l’écriture. On fait attention à tout. Tout fait sens ! ».

On pourrait avoir le sentiment en l’écoutant qu’elle est nostalgique. Car elle n’hésite pas à dire que l’on monde actuel avec toutes ses technologies la dépasse. Les gens ne communiquent plus. Mais non ce n’est pas le cas. Elle se sent quand même bien dans son temps mais ne veut pas adhérer à cette rupture. Mais la mémoire est très importante pour elle. « Perdre la mémoire est un drame. Gommer la mémoire d’un pays est une blessure. ».

Voilà ce que j’ai pu retenir de cette rencontre. Une auteure que je ne connaissais pas du tout. Un petit comité était convié à un buffet avec l’auteure. Un autre moment de partage où elle nous avoue qu’elle n’avait jamais fait ce genre de manifestation et qu’elle a adoré. Même si elle n’est pas fan des réseaux sociaux, elle a accepté gentiment de faire une photo avec moi😉.

Première rencontre réussie !

Si vous êtes tentés par ses romans, en voici quelques uns :

Parce qu’elle était sans nouvelles de Gyl, qu’elle avait naguère aimé, la narratrice est partie sur ses traces. Dans le transsibérien qui la conduit à Irkoutsk, Anne s’interroge sur cet homme qui, plutôt que de renoncer aux utopies auxquelles ils avaient cru, tente de construire sur les bords du Baïkal un nouveau monde idéal. A la faveur des rencontres dans le train et sur les quais, des paysages qui défilent et aussi de ses lectures, elle laisse vagabonder ses pensées, qui la renvoient sans cesse à la vieille dame qu’elle a laissée à Paris.

« Puis le ronflement sourd de la rame qui s’approchait à grande vitesse a provoqué un frémissement parmi les rares voyageurs. Le vieil homme s’est tourné vers moi avec toujours ce sourire limpide, j’ai cru qu’il allait me demander quelque chose, mais il a sauté sur les rails comme un enfant qui enjambe un buisson, avec la même légèreté. »
Avant que le vieil homme ne se jette sur la voie en lui adressant son dernier sourire, la narratrice partait rejoindre l’homme qu’elle aime à l’hôtel des Embruns. Le choc a fait tout basculer. Plutôt que d’aller à la gare, elle s’enfonce dans les rues de Paris pour une longue errance nocturne sous l’orage. Revenue chez elle au petit matin, toujours incapable d’expliquer à son amant pourquoi elle n’était pas au rendez-vous, elle murmure à son intention le récit de sa nuit blanche. Lui, le photographe pour qui les mots ne sont jamais à la hauteur, sera-t-il capable de comprendre l’énigmatique message qu’elle finit par lui laisser: « Écoute la pluie »?

« D’un geste machinal, j’avais mis la montre en marche.
Le tic-tac avait surgi avec une violence inattendue. J’avais cru ne pas survivre à ce bruit presque imperceptible, cette course inexorable de la petite trotteuse qui me donnait le vertige. Trente ans après sa mort, mon père me quittait de nouveau. La douleur était entrée en moi d’un seul coup. »
Depuis qu’elle a retrouvé cette montre, la narratrice s’est elle-même mise en mouvement: suivant une impulsion implacable, elle visite des maisons, comme pour retrouver le lieu d’un rendez-vous manqué.
Alors qu’elle est au bout de son improbable quête, le présent se substitue de plus en plus souvent au passé et peu à peu se construit, sous nos yeux et presque à l’insu de la narratrice, un magnifique et subtil roman des origines. Jamais Michèle Lesbre n’est allée si loin dans l’entrelacement de son expérience intime et de la fiction, et jamais elle n’a montré de manière si lumineuse le pouvoir rédempteur des mots qu’elle tisse comme un enchantement.