[Critique] VIRTUAL REVOLUTION

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Virtual Revolution

Note:
Origine : France
Réalisateur : Guy-Roger Duvert
Distribution : Mike Dopud, Jane Badler, Maximilien Poullein, Jochen Hägele, Kaya Blocksage, Petra Silander, Melissa Mars…
Genre : Science-Fiction/Thriller
Date de sortie : inconnue

Le Pitch :
Paris, 2047. La majeure partie de la population passe son temps connectée, évoluant dans des univers virtuels, grâce à une technologie aussi sophistiquée qu’omniprésente. Nash, un agent de l’ombre, qui travaille pour l’une des plus grandes multinationales derrière ces réalités virtuelles, est dépêché afin d’enquêter sur les agissements d’un groupuscule terroriste dont l’objectif est de détruire l’intégralité du système afin de rendre sa liberté à la société…

La Critique :
Qui, en France, à part Luc Besson, a déjà tenté de s’attaquer de front à la science-fiction ? Ici, la tendance n’a jamais vraiment été à l’utilisation des effets-spéciaux ni à l’élaboration d’univers à part entière. Généralement, on laisse ça aux américains qui en ont fait leur spécialité. Luc Besson donc, qui depuis son Cinquième Élément, déjà largement copié/collé sur ses modèles plus ou moins avoués produits de l’autre côté de l’Atlantique, a aujourd’hui définitivement remisé au placard toute forme d’originalité au profit d’une démarche beaucoup plus mercantile et forcément moins stimulante. Guy-Roger Duvert lui, n’a pas attendu d’être endorsé par un grand studio pour tenter sa chance. Armé d’une volonté à toute épreuve et d’un désir manifeste de prouver que même en France, ce genre de cinéma est possible, le cinéaste a mis les mains dans le cambouis, retourné ses manches et s’est attelé à une tâche des plus ardues. La mise en chantier de Virtual Revolution, un pur film de science-fiction, voulu à la fois spectaculaire et profond, avait de quoi encourager une certaine prudence. Comment le réalisateur allait-il donner corps à sa vision sans un gros appui financier ? Pourrait-il nager longtemps à contre-courant d’une industrie qui de toute façon, se garde bien de prendre le moindre risque, à l’heure où elle n’a toujours pas vraiment intégré les changements qui ont bouleversé son fonctionnement ? Certes, le projet avait largement de quoi exciter les amateurs, désireux qui plus est, de pouvoir enfin soutenir un pur métrage de genre bleu-blanc-rouge, qui comprendrait leurs attentes et respecterait le style auquel il se rattache. Pour autant, le risque de voir à l’arrivée débouler quelque-chose de décevant était tout aussi grand.

Virtual Revolution dénote d’un courage assez incroyable. Guy-Roger Duvert a tout fait ou presque. Il a écrit le scénario, réalisé, produit son film et composé la musique. Comme John Carpenter en son temps. Le tout en supervisant et dirigeant bien sûr les autres aspects de la production, à commencer par le casting, voulu dès le départ international.
Les premières images de Virtual Revolution confirment en partie tout ce que le trailer promettait. Non, le film n’est pas un produit cheap et fauché digne d’une diffusion en troisième partie de soirée sur une chaîne du câble. Cela dit, une remise en perspective est tout de même nécessaire. Virtual Revolution n’est pas Pacific Rim pour autant, et les effets-spéciaux, si ils sont globalement très convaincants, n’arrivent bien entendu pas à égaler le niveau d’excellence des blockbusters qui déboulent tous les ans par paquets de douze dans les salles. En revanche, ces derniers parviennent à encourager l’immersion. Le Paris futuriste de Virtual Revolution en premier lieu. Peut-être un peu trop « extrapolée » par rapport à l’année où se déroule l’action (en 2047), la ville ressemble à une jungle hostile, où tout peut se produire. Y compris le pire. Dans la grande tradition de Blade Runner, Guy-Roger Duvert a imaginé le cadre de son histoire comme un dédale de rues mal famées, peuplées d’une faune de créatures humanoïdes déconnectées (ou trop connectées c’est selon). Sur le plancher des vaches ou dans les airs, les visions de cette mégalopole illustrent les thématiques du scénario, tout en contribuant très largement à la montée d’une mélancolie et d’une angoisse propres aux enjeux.

C’est dans ce monde détrempé et criard, qu’évolue Nash. Un anti-héros parfait. Le digne héritier de tous les plus grands qui l’ont précédé, incarné par le solide Mike Dopud, un second couteau vu notamment dans X-Men : Days Of Future Past. Un acteur qui prouve que ceux qui ne l’ont pas mis au premier plan par le passé ont eu bien tort. Charismatique, sombre et physiquement impressionnant, quand il s’agit de se battre, il est impeccable. Pilier du film, armé d’une force tranquille qui ne demande qu’à exploser, garant d’une émotion sous-jacente qui fait mouche, Mike Dopud jouit de plus d’une partition sur-mesure qu’il sait sublimer.
À ses côtés, Jane Badler, la Diana de la série culte V, est précisément là où on l’attend. Certes peu présente, elle impose néanmoins une froideur avec laquelle ses fans se sentiront tout de suite à l’aise, tandis que son jeu véhicule un savant mélange de menace et de séduction, dont elle se fait brillamment le vecteur. Pour autant, c’est surtout Maximilien Poullein qui impressionne, dans la peau d’un hacker lessivé. Second rôle parfait, droit dans ses bottes, il saisit au vol l’occasion que lui offre le film de composer un personnage aux petits oignons, quelque-part entre le comique de service et l’indispensable compagnon du héros, à grand renfort de gimmicks qu’il s’approprie, tout en conservant un sens de la mesure très appréciable (on pense un peu à Steve Buscemi). À eux deux, Mike Dopud et Maximilien Poullein offrent au long-métrage une large partie de son sel. Leur complicité est évidente et leurs joutes verbales, aussi rythmées que généreuses en punchlines, permettent au scénario de mettre en lumière sa condition d’hommage à peine déguisé à tout un pan du cinéma d’action policier américain des années 80/90. La voix-off de Mike Dopud se chargeant quant à elle de conférer à l’ensemble un côté film noir du plus bel effet, parfaitement raccord avec l’univers en place, dont les accents futuristes n’altèrent en rien les aspects vintage assumés.

À l’instar de Strange Days, de Kathryn Bigelow, l’un des grands films sur la réalité virtuelle, auquel il est impossible de ne pas penser ici, Virtual Revolution fait une large place aux divagations « en ligne » de ses personnages. En revanche, conformément à la ligne directrice de Guy-Roger Duvert, qui n’a manifestement pas souhaité copier quoi que ce soit, mais plutôt rendre hommage à ses modèles, le film ne se prive pas de faire progresser son récit au sein même de ces réalités virtuelles. Un aspect du scénario qui permet au cinéaste de créer d’autres mondes, tantôt médiévaux, tantôt encore plus futuristes, où les personnages changent de visage, et plongent au cœur de batailles armées violentes. C’est d’ailleurs généralement là que Virtual Revolution se montre le plus spectaculaire. Le savoir-faire de Guy-Roger Duvert est indéniable. Et tant pis si l’utilisation trop fréquente de la slow motion vient donner à certaines séquences des airs de démonstrations de force car au fond, c’est bien de cela dont il s’agit. Mention spéciale à la fusillade dans un monde post-apocalyptique et son plan-séquence. Du travail de passionné à n’en pas douter. Un passionné qui a su se donner les moyens de ses ambitions, tout en parvenant à offrir à son talent une occasion de s’exprimer librement. On imagine à peine de quoi il serait capable avec un budget de quelques millions…

Racontant une histoire classique mais efficace, et plutôt stimulante de par sa propension à distiller un discours politico-social pertinent, portant notamment sur nos habitudes vis à vis des nouvelles technologies, Virtual Revolution parvient à éviter les pièges les plus grossiers qu’il aurait pu se prendre en pleine poire. C’est bien simple : jamais en France, à ce niveau, quelqu’un n’avait réussi à livrer un pareil film. Un film très ambitieux, dont les faiblesses formelles ne sont finalement dues qu’à un budget modeste. Et encore, il faut tout de même préciser que le film est bien plus beau et maîtrisé que beaucoup d’autres, pourtant boostés par une production poids-lourd (chapeau à Cyril Bron pour la photographie). La preuve par A+B qu’au fond, dans le cinéma, tout n’est pas une question d’argent. Pur film de desperado, hommage brutal à toute une époque et à un style dans son intégralité, polar vintage et pur trip de science-fiction, Virtual Revolution est tout cela à la fois.

@ Gilles Rolland