INCONTINENCE du résident âgé: La nécessité d'une prise en charge pluridisciplinaire – Fiche technique

Publié le 19 mai 2016 par Santelog @santelog

Avec l’accroissement de l’espérance de vie, il est désormais possible de vieillir en restant actif et de maintenir une vraie qualité de vie. Pourtant, de nombreuses personnes âgées souffrent de maladies chroniques et doivent faire face aux contraintes de la dépendance. La prise en charge, de certaines d’entre elles, résidentes en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), nécessite une grande pluridisciplinarité.

Les personnels doivent en effet savoir gérer des situations cliniques complexes et relèvent au quotidien, le défi qui consiste à concilier qualité des soins et préservation d’une vie sociale. Leur dévouement, leur présence attentive auprès des personnes hébergées, mais aussi et surtout leur connaissance et leur maîtrise des bonnes pratiques, constituent le meilleur gage de succès pour cette mission exigeante. Ainsi, la formation des personnels constitue ici un déterminant essentiel de la qualité des soins. Il n’est de progrès possible dans la dispensation des soins en EHPAD qu’à condition que tous les acteurs de l’institution puissent bénéficier, dans leur pratique, des dernières connaissances validées en gériatrie. Pour éclairer la décision, il convient de surcroît de s’ouvrir à la réflexion pluridisciplinaire.

L’incontinence est l’exemple par excellence d’une pathologie dont la prise en charge, complexe, se doit d’être pluridisciplinaire. Qui plus est, plus de trois millions de personnes souffrent d’incontinence urinaire en France. Sa prévalence est très élevée en EHPAD, dépassant les 50%. Les trois quarts des personnes incontinentes sont des femmes, ce qui s’explique par l’anatomie féminine notamment l’urètre qui est plus court, et par les modifications du corps liées aux grossesses, aux accouchements et aux déficits hormonaux de la ménopause qui affaiblissent le plancher musculaire pelvien. Cette prévalence de l’incontinence chez les femmes, principalement âgées, suppose que l’ensemble des professionnels confrontés à ces cibles soient formés à sa prise en charge, tant thérapeutique et palliative que psychologique. Car le retentissement social est souvent très important.

Particularités des types d’incontinence chez la personne âgée :

·   Les incontinences urinaires transitoires liées à un facteur déclenchant ou précipitant :

   iatrogène : diurétiques, anticholinergiques, psychotropes, myorelaxants, alpha-bloquants, antagonistes des canaux calciques, etc…

   infections urinaires basses,

   fécalome.

·   Les incontinences urinaires chroniques pouvant être intriquées :

   Incontinence urinaire organique par atteinte du système vésico-sphinctérien liée à des problèmes physiologiques :

   incompétence sphinctérienne (carence en œstrogène chez la femme ménopausée, affaiblissement du plancher pelvien),

   urgence mictionnelle (impériosités, instabilité vésicale urodynamique),

   incontinence urinaire mixte (incontinence d’effort et urgenturie),

   rétention chronique d’urine,

·   Incontinence urinaire fonctionnelle induite :

   par l’environnement ou l’état physique et/ou psychologique de la personne liée au handicap, la personne n’a pas le temps d’aller au toilette ou de se déshabiller du fait de troubles locomoteurs, visuels ou praxiques, d’un environnement inadapté ou non connu, d’une immobilisation imposée (et d’une réponse insuffisamment rapide des soignants),

   par certaines maladies neurologiques comme la sclérose en plaque et la maladie d’Alzheimer et démences apparentées, ou psychiatriques comme la dépression, etc…

   Troubles métaboliques (polyurie du diabète ou d’une hypercalcémie).

   Ablation d’une sonde à demeure, etc…

Le personnel soignant a un rôle essentiel à jouer dans la reconnaissance et la prise en charge de ce type d’incontinence. Un examen clinique par le médecin est indispensable et reste le pivot de la prise en charge (toucher rectal, examen gynécologique, neurologique et urologique) ; il doit être accompagné d’une évaluation minimale des fonctions supérieures (MMS, praxies, critique des histoires absurdes).

Les représentations de l’incontinence urinaire en EHPAD :

L’incontinence urinaire peut être une des raisons d’entrée en institution. Selon la littérature, l’incontinence est non seulement prédictrice d’institutionnalisation mais elle motive aussi 50 à 80% des entrées. Les personnes âgées institutionnalisées sont peu impliquées dans les décisions de gestion de leur incontinence, elles sont dépendantes de la structure institutionnelle et de la vision médicale lorsque le symptôme n’est pas négligé.

La gestion de l’incontinence urinaire se doit d’être spécifique au degré de dépendance de la personne. Pour les résidents encore autonomes, le personnel mettra discrètement à disposition le nécessaire de toilette et les protections. Inversement, si la personne a des difficultés à se déplacer, si elle est alitée ou confuse, elle sera tributaire des soins des soignants. Les personnes dépendantes deviennent alors parfois des corps qu’il faut laver et habiller, selon les disponibilités du personnel.

Pourtant, le besoin d’uriner et la continence sont aussi objets de demande du patient âgé, demande de soins mais aussi demande de reconnaissance et de présence humaine.

Car perdre le contrôle physique sur ses fluides corporels met l’identité et la dignité du patient à mal, perturbe ses relations sociales, peut mener à l’arrêt de certaines activités et à l’isolement social et intime.

Conduite à tenir chez la personne âgée en EHPAD : Chez la personne âgée institutionnalisée, poly-médicamentée, la prise en charge sera limitée et cherchera surtout à préserver la qualité de vie, plus qu’à traiter l’incontinence urinaire de façon  » radicale « . Ainsi, la prise en charge de l’incontinence de la personne âgée nécessite une double approche :

·   gériatrique des facteurs de risques spécifiques de la personne âgée,

·   spécifique selon le type d’incontinence.

Cette prise en charge implique donc la pluridisciplinarité.

   Elle se centre sur la rééducation comportementale avec des mictions programmées, c’est-à-dire des horaires imposés en fonction des épisodes d’incontinence. Cette rééducation peut être associée à d’autres types de prises en charge cognitivo-comportementales ou médicamenteuses : cependant, les thérapies comportementales induisent en institution une surcharge de travail importante pour le personnel, ce qui explique leur fréquent abandon. De plus, leur bénéfice n’est durable que chez les personnes âgées non dépendantes.

   La rééducation pelvi-périnéale par essence non iatrogénique a également un intérêt majeur. Elle permet une approche conservatrice de la continence du patient âgé.

   Les traitements chirurgicaux (bandelettes sous-urétrales : TVT, TOT) et pharmacologiques (traitements hormonaux, alpha-bloquants, anticholinergiques) restent des traitements de dernière intention, chez le résident en EHPAD.

Enfin, il faut souligner l’importance de la gestion des changes et du choix de protections adaptées à chaque patient, selon son degré d’autonomie et la sévérité de son incontinence. Une protection inadaptée est néfaste pour le patient, car elle induit une atteinte corporelle, un risque de lésion cutanée par macération, mais aussi une perte de l’estime de soi. Une protection inadaptée est également néfaste pour les soignants (plus de soins d’hygiène, plus de changes) et plus coûteuse aussi pour l’établissement. Ainsi, on déconseillera, chez les résidents en EHPAD le recours aux filets et aux  » couches  » qui malgré un premier abord moins coûteux laissent passer les fuites… Il existe en effet des culottes haute performance (ex : TENA Pants) à plusieurs niveaux d’absorption et adaptées au cas clinique du patient qui offrent aux patients comme aux soignants confort et sécurité.

Les indications de ces traitements et de ces palliatifs sont du ressort des gériatres, des urologues, des gynécologues, du médecin traitant, aidés dans leur décision par le médecin coordonnateur pour l’estimation du bénéfice et du risque encouru, en l’absence de troubles cognitifs graves.

En conclusion, l’incontinence urinaire affecte la qualité de vie de la personne âgée. Elle ne se limite pas à un trouble physiologique et est facteur de fragilité reconnu. Son impact est non négligeable sur la qualité de vie, dans la sphère relationnelle, privée et émotionnelle. Il importe, compte tenu de cet impact de prendre en considération la personne âgée, dans sa globalité, en incluant la dimension psychologique, sociale et environnementale.

Prendre en charge l’incontinence urinaire chez une personne âgée n’est pas seulement, proposer un traitement, une rééducation ou des protections mais c’est aussi et surtout accompagner, redonner confiance et faire en sorte qu’elle redevienne acteur de sa propre continence.

Auteur: Dr Lamia Fourni Consultation d’urodynamique Unité de Gériatrie Aiguë Hôpital Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP)

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