Isabelle Artus : La Petite Boutique Japonaise

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

La Petite Boutique Japonaise d’Isabelle Artus   3,5/5 (11-05-2016)

La Petite Boutique Japonaise (312 pages) est disponible depuis le 27 avril 2016 aux Editions Fammarion.


L’histoire (éditeur) :

La jolie Pamela qui - allez savoir pourquoi - voulait devenir une geisha, grandit dans un pavillon à Melun-Sénart. Autant dire que ce n'était pas gagné d'avance.
Pendant ce temps, après une enfance morose rythmée par les épisodes de la série Kung Fu, le jeune Thad fini par devenir un homme... de main.
Leur histoire vous apprendra que pour trouver l'amour, il faut d'abord se connaître soi-même et en passer par maintes aventures et autres rebondissements au pays du Soleil Levant.

Mon avis :

Voilà un petit roman qui mélange l’absurde, le sentimental, la quête identitaire et le Japon avec panache, drôlerie et culture.

C’est en compagnie de Pamela et de Thad, en particulier, que nous partageons ces 300 pages.

L’une, qui a failli s’appeler Sue Ellen (rapport à la série Dallas dont sa mère était fan avant sa naissance), a choisi de laisser tomber ses études d’assistante de direction après le bac pour devenir Geisha (avec un  premier apprentissage dans un restaurant japonais tenu par des chinois et ayant pour cuisinier un pakistanais).

L’autre, visiteur improbable da le pette boutique où travaille actuellement Pam, précédent nommé Jean-Christophe Le Kervantec (avant d’être rebaptisé par sa mère célibattante à 10 ans en hommage au personnage du roman Hannah de  Paul-Loup Sulitzer), est un pseudo samouraï breton (plus chasseur de prime exerçant pour l’ex général Juntaro en verité).

Leur rencontre dans cette petite boutique de la rive gauche va sceller leur destin et provoquer de grands bouleversements dans leur vie. Mais on n’y est pas encore. Parce qu’un jour ce Thad s’éclipse et sa Pam devient malheureuse comme les pierres et les s’ensuivent aventures et mésaventures pour chacun d’eux.

Entre sourires et voyage japonisant, La petite boutique  japonaise (premier roman d’Isabelle Artus) est un récit pétillant et serein qui joue avec les clichés et nous entraine, avec légèreté, dans une romance peu commune et très rafraîchissante.

Découpé en trois parties (d’abord la rencontre/présentation, puis le parcours de Thad et enfin la « quête » de Pam), La petite boutique japonaise n’a pas été une lecture linéaire en terme de plaisir. Même si tout du long j’ai apprécié l’écriture d’Isabelle Artus, qui retranscrit bien  l’atmosphère du Japon dans des passages doux, lents, précieux et raffinés (qu’elle place avec brio dans un texte dans l’ensemble rapide et fougueux, à l’image de notre monde), j’ai trouvé l’intrigue de la deuxième partie beaucoup moins captivante. Moins sensible aux préoccupations de Thad, j’ai ressenti un vrai coup de mou, qui heureusement s’est vite envolé à l’arrivée de la troisième et dernière partie.

Dans l’ensemble, La petite boutique japonaise est un joli petit roman initiatique positif qui montre la difficulté à trouver sa place et son identité dans notre société sans cesse en mouvement. Tout ce qui a trait au Japon (codes, coutumes, traditions, mentalité) est travaillé et intéressant. A côté de cela, il  a  de multiples références au cinéma et aux séries TV des années 80-90 qui font sourire  et s’intègrent très bien dans l’histoire, lui apportant ces petites touches d’humour supplémentaires bien appréciables.

Quand les lecteurs de Babelio rencontrent Isabelle Artus, par Marie Delphine 

 

Ancienne journaliste chez Psychologie Magazine et actuellement directrice de la communication chez Guerlain, Isabelle Artus voue une certaine admiration au pays du soleil levant. C’est ce qu’elle démontre dans son tout premier roman, paru aux éditions Flammarion, La petite boutique japonaise, qu’une trentaine de lecteurs Babelio a eu la chance de découvrir le mardi 10 mai dernier dans les locaux de l’éditeur.

Elle, c’est Pamela, serveuse dans un restaurant japonais à Melun. Lui c’est Thad, breton amateur de kung-fu. Lorsque leurs chemins se croisent dans un magasin de bonsaïs, c’est l’amour fou. Si bien que lorsque Thad disparaît, Pamela n’hésite pas à s’embarquer pour le Japon afin de le retrouver.

 

Travailler et écrire : Après 19 ans passés à rédiger des articles pour un magazine, on peut dire qu’Isabelle Artus n’est pas une écrivain débutante. D’ailleurs, cela fait plusieurs années que ses personnages existaient en elle : “J’ai porté ce livre en moi pendant très longtemps. Je l’écrivais uniquement pendant mon temps libre et je n’en avais que très peu. Comme vous vous en doutez, j’ai mis énormément de temps à l’écrire.” Loin d’être négatif, ce délai a au contraire permis à l’auteur de construire ses personnages avec soin : “Cette démarche lente m’a permis de véritablement cohabiter avec mes personnages. Rien n’était décidé à la base, j’ai vraiment voyagé avec eux. L’idée initiale que j’avais de mon roman a énormément évolué au fil du temps et du ressenti que je développais vis à vis d’eux, comme avec de vrais personnes. Je ne voulais surtout pas que mes lecteurs jugent mes personnages trop vite. J’avais peur qu’on les mette dans une case. Je n’aime pas du tout les cases.”  

Devenir quelqu’un : Avant même l’intrigue de son roman, Isabelle Artus connaissait déjà ses personnages, qui constituent le point de départ de son écriture : “Le premier chapitre est sorti tel que vous le lisez, presque exactement. Pamela était là, dès le départ, portant le Japon en elle sans que j’y ai vraiment réfléchi.” Si elle a choisi cette jeune femme, c’est parce que l’écrivain s’intéresse depuis longtemps à la question de l’adolescence : “C’est un âge qui m’a toujours beaucoup intéressé car il s’agit de l’époque où l’on se cherche. Souvent, on se donne un genre pour essayer de devenir quelqu’un, on se rajoute des attributs visibles en pensant bêtement que cela va nous faire grandir. Je me souviens de ce rouge à lèvre nacré horrible que mes copines et moi nous mettions à l’époque…C’est dans cette démarche intérieure que se situe Pam au début du livre.”  

Le livre de ma vie : Pamela, dans le roman d’Isabelle Artus, découvre sa passion pour les geishas suite à la lecture du roman d’Arthur Golden. Curieux, les lecteurs interrogent l’auteur sur sa propre relation au livre : “A l’adolescence, les livres peuvent devenir de véritables mythes fondateurs de notre personnalité. Souvent, il s’agit de grande littérature comme Belle du seigneur et autres. Ce genre d’ouvrage où, lorsqu’on l’ouvre, on se dit qu’il a été écrit pour nous. Pamela vit dans la fin des années 1990, où les référents culturels sont plutôt sombres et sa provocation adolescente va être d’en prendre le contre-pied.”  Plus généralement, Isabelle Artus avoue son admiration pour l’écrivain  Murakami et pas uniquement à cause de sa nationalité : ”J’adore son écriture car il parvient à flirter comme personne avec l’absurde, ainsi qu’à flouer la frontière entre le réel et l’imaginaire. Si je cite la ville de Sapporo dans mon ouvrage, c’est en référence à plusieurs de ses romans qui s’y déroulent. Il m’a beaucoup influencé dans mon écriture.”

Spiritualité et meubles : D’où provient cet intérêt d’Isabelle Artus pour le pays du soleil levant ? La réponse est loin d’être prévisible : “ Deux influences importantes m’ont amené vers le Japon. La première est ma grand-mère. Elle était une personne très érudite et particulièrement portée sur la spiritualité asiatique. J’ai été imprégnée de cette culture depuis toute petite. L’autre influence, c’est celle de mon premier job. J’ai travaillé dans un entrepôt d’import-export à Pantin, spécialisé dans l’ameublement japonais. Pour ceux qui l’ignorent, leur ameublement est complètement différent de ce que l’on connaît en occident. Là bas, le rapport aux meubles est tout autre, du fait des séismes : les meubles sont faits pour tenir le choc, être récupérés et déplacés dans le nouveau logement. J’étais fascinée par ces constructions complexes et cela a continué d’entretenir ma fascination pour ce pays.”

Fascination : Dans La petite boutique japonaise, le personnage de Pamela veut devenir geisha. Isabelle Artus explique ensuite à son public la raison de ce curieux choix : “ Les geishas m’ont toujours fascinées. La complexité de leur tenue, la souffrance nécessaire pour accéder à ce statut… Autrefois, elles faisaient partie intégrante de la culture japonaise mais aujourd’hui,il est plus difficile de faire perdurer ces traditions.” C’est justement l’intemporalité de leur condition qui interroge l’écrivain française : “ Tout bouge autour d’elles mais elles demeurent pourtant inchangées. De multiples rituels symboliques rythment leurs journées, elles vivent dans une codification extrême alors qu’aujourd’hui le monde prône la liberté totale, de geste comme de parole.” L’autre aspect qui intéresse Isabelle Artus, c’est la dimension de résistance qu’incarnent les geishas à l’heure actuelle : “Aujourd’hui, beaucoup de choses disparaissent, même au Japon, ça n’est pas un pays à la culture immuable. A la très grande vitesse du monde et à ses changements constants, les geishas répondent par une extrême lenteur et des gestes répétitifs. La liberté devient code stricte chez elles. J’y vois comme un acte de résistance. Elles opposent une apparente stabilité, au monde et à ses multiples changements.”

Entre rêve et réalité : Provoquant la question que personne n’a pensé poser à l’auteur jusque-là, Isabelle Artus prend les devants, face à un public loin d’imaginer sa réponse : “Personne ne me pose la question, mais je ne suis jamais allée au Japon ! Dans mon livre, on trouve du très vrai ainsi que du très faux. La seule chose à savoir, est que j’estime avoir suffisamment travaillé mon sujet pour éviter que ce soit mon ignorance qui me fasse faire des erreurs. C’est donc consciemment que j’ai choisi de dire ou non la vérité.” Si aucun voyage en Asie n’a permis à l’écrivain d’obtenir des informations sur le pays du soleil levant, elle a en revanche effectué quelques recherches : “J’ai consulté plusieurs types de supports mais je n’ai jamais étudié tout cela d’un bloc. J’ai récolté des informations au fil de l’eau, sans me presser. J’ai d’ailleurs rencontré des geishas à Paris, grâce à des amis qui connaissaient mon intérêt pour leur communauté. J’en ai appris tout autant que si je m’étais rendu dans une maison de geisha, ce qui m’était de toute façon impossible.” La vision du pays que donne Isabelle Artus dans son ouvrage est donc la sienne, au travers des témoignages qu’elle en a reçu : “Je voulais que mes personnages soient lâchés dans un Japon fantasmé et qu’ils se cognent à leurs rêves. J’ai finalement confronté mes personnages à mon Japon. Enfin le leur…”

Une histoire de retenue : Rire. Voilà ce que recherche Isabelle Artus lorsqu’elle s’adonne à l’écriture. En revanche, la recherche de l’humour, ne doit pas être factice explique ensuite l’écrivain à ses lecteurs : “Il est très facile de trop en faire. Je ne voulais surtout pas forcer ce trait et créer des situations factices simplement parce qu’elles m’amusaient. L’immense proximité que j’avais avec mes personnages m’a également permis de ne pas tomber dans cet excès comique, car je ne voulais surtout pas que les lecteurs rient à leurs dépends ! Cette remarque est hautement schizophrène, je parle d’eux comme s’ils existaient vraiment, mais c’est exactement ce que j’ai ressenti.” C’est donc tout en retenue que l’écrivain a rédigé son manuscrit : “J’ai simplement intercalé quelques pointes d’humour dans mon texte, d’amusantes pirouettes comme la vie nous en offre au quotidien, mais rien de plus. J’ai supprimé beaucoup de scènes drôles de peur de trop en mettre. C’est un exercice vraiment périlleux.”

Futur ? Avant de conclure la rencontre, les lecteurs ont interrogé Isabelle Artus sur ses projets à venir. Cette première expérience d’écriture a visiblement séduit l’écrivain, qui malgré un emploi du temps bien chargé a décidé de renouveler l’expérience : “ Mon prochain livre comprendra beaucoup de personnages, car j’adore ça ! J’aime les gens et ce sont eux qui sont à l’origine de mes histoires. En revanche, si ce livre évoquera encore la notion d’identité, il sera complètement différent. J’ai choisi cette fois de raconter l’histoire d’un jeune homme à la personnalité dissonante après un réveil comateux lui ayant provoqué une amnésie partielle. Finalement, après le Japon, ma nouvelle Terra Incognita sera le cerveau humain !”

Émue par cette toute première rencontre avec ses lecteurs, Isabelle Artus a tenu à les photographier avant de procéder à l’habituelle séance de dédicace, pendant laquelle elle a demandé à chacun ses avis et ressentis sur ses personnages.