Peut-on parler d'écosystème culturel?

Publié le 25 mai 2016 par Ep2c @jeanclp

Non ce n'est pas l'un des prochains sujets de philo du bac !

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Mais la question de savoir à quelles conditions cette formule "écosystème culturel" peut prendre sens au-delà de la simple métaphore est abordée dans deux contributions publiées sur la toile... et, comme on sait, le rôle de La Cité des sens, est de développer un espace propice aux échanges et au débat public
 

« Un écosystème est un ensemble vivant formé par un groupement de différentes espèces en interrelations (nutrition, reproduction, prédation…), entre elles et avec leur environnement (minéraux, air, eau), sur une échelle spatiale donnée. L’écosystème regroupe des conditions particulières et permet le maintien de la vie. Et réciproquement, cette vie constitue et maintient l’écosystème.
Par leurs interactions entre elles et avec l’environnement, les espèces modèlent l’écosystème qui de ce fait évolue dans le temps. Il ne s’agit donc pas d’un élément figé, mais d’un système issu de la coévolution entre les différents êtres vivants et leurs habitats. De plus, il est très difficile de délimiter un écosystème – et on le fait souvent de manière arbitraire – car il ne possède pas toujours de frontières physiques.
A partir de cette définition, il devient possible de déterminer une quantité infinie d’écosystèmes. »

Source CNRS

C'est dans la défunte Lettre du réseau culture du groupe Territorial.fr qu'une définition de cette notion d’écosystème dans le champ des arts et de la culture (employée par certains groupes et collectifs depuis quelques années) est proposée par Vincent Lalanne (dans son édito du 11 octobre 2015, encore consultable en ligne).

Qu'est- ce qu'un écosystème culturel ?


Depuis quelques temps je lis et j'entends souvent l'expression « d'écosystème culturel ». Cette formulation, qui me semble être une métaphore du secteur culturel, me paraît être une expression tout à la fois pleine de sens, de bon sens, et de complexité.

On ne peut pas limiter l'écosystème naturel au principe herbe-gazelle-lion qui renvoie au système de chaîne écologique limitée à la prédation. Rapporté à l'écosystème culturel, nous pourrions chercher qui est le prédateur suprême ? le marché, les industries culturelles, les politiques culturelles, la subvention publique ???

(...)

Ce qui me paraît important à retenir dans cette définition c'est la dimension de « réseau d'échange d'énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la vie », de la vie culturelle, pour nous.
Ainsi, selon Guillaume du Boisbaudry (Directeur de l'Institut des Hautes Etudes en Arts Plastiques) :

« La réflexion s'articule autour de l'idée de considérer les activités culturelles - au sens large du terme - comme un écosystème, où les différents acteurs ne sont pas isolés dans un univers cloisonné, mais en interaction permanente, se nourrissant mutuellement. Un système où l'on pense la naissance et la croissance des initiatives, leurs moyens matériels et leur économie, dans une logique qui n'est plus verticale, mais horizontale. En gros, nous travaillons sur le même objet, et partageons le même territoire, il est nécessaire de considérer l'ensemble du tissu culturel avec un même niveau d'importance, chacun étant nécessaire à l'autre. Une écologie, donc. »

Lire la contribution de Vincent Lalanne en intégralité

De son côté, Philippe Gimet, animateur du Cultural Engineering Group sur Linkedin vient de publier une note intitulée Ecosystèmes de la culture et du divertissement : préserver et assumer leur diversité.

Extraits :

Dans ce monde futur, tout sera marchandise au profit de l’individu consommateur, y compris le temps libre et si on observe attentivement les écosystèmes d’affaires en marche aujourd’hui, cela se caractérise très concrètement par la montée en puissance de deux grands domaines d’activités qui élèvent et transforment la « matière première » (le capital humain) à un niveau industriel et transhumain.

Le premier domaine est constitué par les banques, les assurances et les agrégateurs de données, que Jacques Attali qualifie de « maîtres de demain ». Il est clair qu’ils ont façonné le nouvel ordre économique mondial en marche, et cela est très largement lié au fait qu’ils ont su évoluer et engager leur mue au changement de siècle et de millénaire. Ils sont maîtres de leur destinée, prescripteurs des usages de demain et se situent tout en haut de la chaîne alimentaire des écosystèmes.

Il n’est pas question de nier, d’excuser ou de minimiser le fait que ces « maîtres de demain » façonnent un monde multifacettes et de plus en plus complexe, qui est aussi celui d’un capitalisme prédateur et destructeur de nature et d’humanité. Mais cela serait trop manichéen et loin de décrire avec objectivité la réalité, car ils contribuent aussi (parfois malgré eux) à la création des conditions qui favorisent le développement de ce qu’on appelle l’économie positive, capable de libérer des moyens et des énergies considérables pour une construction positive et responsable de l’avenir où l’intelligence collective joue un rôle essentiel.

(...)

Le second domaine qui ne cesse de monter en puissance est celui de l’ « entertainment », autrement dit en français au sens très large du terme, le divertissement. Il faut en effet prendre au sens le plus large possible ce terme car il recouvre en réalité de nombreuses activités qui produisent et participent à une économie (formelle et informelle) très dynamique, où la demande est toujours en forte croissance car elle se fonde sur la combinaison de l’expression d’aspirations humaines on ne peut plus naturelles avec des missions (publiques ou privées) ou des services (marchands ou non) supposés être le plus adéquation possible avec ces aspirations, ou mieux encore, en les anticipant.

Dans tous les cas, Il s’agit d’une chaîne de métiers à forte valeur ajoutée, symbolique, polémique et économique, qui au fil du temps a fini par recouvrir l’avant, le pendant et l’après de « l’expérience » en question.

(…)

Il s’agit d’un secteur d’avenir à l’échelle globale et mondiale qui est constamment en mouvement. Il a toujours connu la croissance, même en période de crise, et il nécessite en théorie des écosystèmes capables de combiner de la façon la plus harmonieuse possible des « lois naturelles » fondées sur les tensions entre initiative publique et initiative privée, dimensions individuelle et collective, le symbolique et l’anecdotique, le matériel et l’immatériel, le marchand et le non-marchand.

On retrouve dans ce grand « magma » : la culture, le tourisme, le sport, les loisirs, l’événementiel, etc. Impossible de boucler la liste tant ces écosystèmes s’adaptent et évoluent en quasi temps réel. 

(…)

Mais la dichotomie qui oppose une certaine noblesse supposée peu rentable à une économie très performante et profitable est devenue la caricature du cycle actuel qui est entré dans une nouvelle phase de transformation, d’adaptation et de préparation d’un nouveau cycle.

(…)

Qu’adviendra-t-il des écosystèmes et des leurs opérateurs économiques privés et publics à l’ère du ici et maintenant ? L’accélération de ces dernières années a peu à peu instauré une dictature du présent, de l’immédiateté et du court termisme. Il est grand temps de retrouver un minimum de vision prospective qui ne se contente pas de se situer par rapport à la notion de rupture, pour que les acteurs des écosystèmes renouvellent leur vision et trouvent les bons leviers pour leur développement.

Pour cela, il est donc essentiel de préserver et d’assumer la diversité des écosystèmes d’affaires par une régulation qui intègre parfaitement les dynamiques en jeu.

Ceci constituerait une première étape pour permettre une dynamique capable d’enclencher un nouveau cycle avec une sérénité envers l’avenir enfin retrouvée. La pleine et entière compréhension par tous de ce qu’est un écosystème en est le préalable nécessaire.

Lire l'intégralité de la contribution de Philippe Gimet

Comme on peut le voir (et mieux encore si on lit ces deux contributions dans leur intégralité), le recours au vocabulaire écologique et à la syntaxe systémique laisse entières, au-delà de l’intérêt de l’analyse, la question des valeurs à promouvoir et des objectifs à assigner à l'action publique comme aux initiatives de la société civile.

Ainsi, par exemple, on observera que dans l'une comme dans l'autre contribution, les domaines de l'instruction, de l'éducation et de la formation semblent « hors système », ce qui, selon moi, mérite une sérieuse discussion.

Quitte à sembler un peu obsessionnel, je rappelle qu'une des premières interrogations un peu construites sur ces questions est formulée dans laDéclaration d'Arc et Senans (1972) « Prospective du développement culturel » qui promouvait ce nouveau référentiel en le mettant explicitement en rapport, même si l’expression n’était pas encore employée, avec la question du développement durable.

La preuve :

Le futur a déjà commencé, mais, dans un système industriel fragmenté en éléments hétérogènes et contradictoires, on refuse de le reconnaître.

Dans leur disparité, ces éléments ne doivent cependant pas être regardés isolément, car ils sont concomitants et interdépendants. Leurs répercussions sur les conditions mêmes de la vie humaine constituent un tout menaçant.

Il est dès lors impossible d’accepter que se poursuive le jeu irresponsable qui consiste pour les gouvernements à laisser les techniques développer le cours illimité de leurs possibilités, au lieu de reconnaître les besoins indispensables et de donner la priorité à ceux-ci sur des besoins artificiels engendrés par la mécanique du profit.

(...)

S’il ne peut être question d’arrêter la croissance économique (ne serait-ce qu’en raison de la situation du tiers monde), il est indispensable qu’un sursaut -de nature culturelle- conduise à transformer une croissance quantitative en amélioration qualitative du niveau de la vie.

(…)

Parler aujourd’hui de culture signifie parler des systèmes scolaires, des grands moyens de communication de masse, des industries culturelles (du journal au livre, du disque à la vidéo-cassettes, du cinéma, de la publicité, de l’habitat, de la mode). On ne peut donc s’en tenir à une démocratisation de la culture qui vise à étendre à tous la diffusion et la consommation des beaux-arts.

Le système scolaire est en crise, il ne correspond plus aux besoins de nos sociétés ni aux aspirations des individus. Aussi bien l’accélération du renouvellement de la connaissance que les innovations technologiques exigent la transformation urgente du système actuel en un système d’éducation permanente dont les impératifs comportent une « déscolarisation » des programmes et des institutions scolaires.

Il faut aussi signaler, plus proche de nous et du référentiel des droits culturels. (pas si récent que ça, comme je l'ai montré ici), l'ouvrage de Jean-Michel Lucas :

CULTURE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE.

IL EST TEMPS D’ORGANISER LA PALABRE...

Présentation de l'ouvrage

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Débat avec Jean-Michel Lucas sur ses thèses (mai 2012), compte rendu de François Deschamps..

A suivre, bien sûr...

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Votre blog a donné lieu à une création de notice bibliographique dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France.

Il lui a été attribué un numéro international normalisé

ISSN : 2270-3586

Type : document électronique, publication en série
Auteur(s) : Pompougnac, Jean-Claude (1946-.... ). Auteur du texte
Titre clé : La Cité des sens
Titre(s) : La Cité des sens [Ressource électronique] : le blog de Jean-Claude Pompougnac
Type de ressource électronique : Données textuelles et iconographiques en ligne
Publication : [Fresnes] : [Cité des sens], 2006-
Note(s) : Blogue. - Notice rédigée d'après la consultation de la ressource, 2013-11-14
Titre provenant de l'écran-titre
Périodicité : Mise à jour en continu
Indice(s) Dewey : 020.5 (22e éd.) ; 301.094 4 (22e éd.)
ISSN et titre clé : ISSN 2270-3586 = La Cité des sens
ISSN-L 2270-3586
URL : http://cite.over-blog.com/. - Format(s) de diffusion : HTML. - Accès libre et intégral. - Consulté le 2013-11-14
Notice n° : FRBNF43711075

http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43711075f/PUBLIC

 

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