Natacha Mercier: Exposition « Vasistas? » à Toulouse

Publié le 30 mai 2016 par Savatier

Tout spectateur d’une œuvre d’art finit par découvrir qu’il est à la fois le sujet et l’objet d’un jeu optique qui s’apparente au voyeurisme : comme l’avait noté Jacques Lacan, il regarde certes le tableau, mais le tableau le regarde tout autant. Cette découverte, forcément troublante, ne saurait trouver cadre plus approprié que l’exposition de Natacha Mercier intitulée « Vasistas ? », accueillie jusqu’au 24 juin au CIAM-La Fabrique de Toulouse.

Cette artiste plasticienne y propose des peintures, des installations, des performances et des vidéos spécialement créées pour cet événement, qui traduisent une recherche esthétique longuement élaborée. Interroger l’art, le regard, la perception du visiteur, tel est le sens de sa démarche qui réserve d’étonnantes surprises. Le spectateur, campé devant un tableau qui lui semble au premier abord un panneau blanc découvre progressivement l’image qui s’en dégage (on pourrait ici parler « d’Outreblanc » par analogie à « l’Outrenoir » de Pierre Soulages). Il croit reconnaître une œuvre emblématique de l’histoire de l’art, peinte par Boucher, Duchamp, Manet ou Goya, mais son œil le trompe ; il s’aperçoit vite que, derrière les apparences, se font jour des détails qui s’opposent à son impression première : là où il était persuadé – à juste titre – de trouver une femme dans la beauté lisse d’une peinture de style rocaille ou académique (L’Odalisque brune de Boucher ou La Petite baigneuse d’Ingres), apparaît un homme étonnamment velu et réaliste ; là où la pose renvoyait à un modèle si familier qu’on le pensait facilement identifiable, surgit un autre modèle, tout à fait inconnu.

Natacha Mercier brouille les pistes ; en revisitant des toiles célèbres aux connotations le plus souvent érotiques, elle nous propose d’aiguiser notre regard, d’exercer notre esprit critique, de remettre en cause jusqu’à nos propres sens – notamment devant un immense panneau (3 x 4 m) réalisé in situ qui réinterprète L’Origine du monde de Courbet. Elle porte aussi le questionnement sur le sujet – ô combien brûlant aujourd’hui – des marqueurs de genre, de la sexualité avec, pour support, non un éclairage cru, dénué de nuances, mais au contraire un jeu de voilement/dévoilement subtil où le visible et l’invisible se répondent. Utilisant pour ce jeu une superposition de couches monochromes successives dérivées des techniques de la peinture des carrosseries automobile, l’artiste ne cède pas à un minimalisme apparent; la découverte des images qui se dissimulent derrière le voile révèle une démarche sophistiquée – dans le sens positif du terme – qui rend son style unique.

En parallèle, d’autres peintures et dessins de Natacha Mercier, très complémentaires des œuvres qui occupent le vaste volume du CIAM-La Fabrique, sont exposés à la Galerie Exprmntl de Toulouse.

Ayant eu le plaisir d’écrire un texte assez long sur le travail de l’artiste, j’invite les lecteurs à s’y reporter en suivant ce lien.

Illustrations : Natacha Mercier, L’Origine du monde exposée dans le Cube – Natacha Mercier, Le Tube.