Gérard Mottet, poèmes

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

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Stigmates du seuil inhumés aux confins de l’absence
parole convulsée au for des coquillages énigmatiques
la grande traversée du corps sur l’axe des crépuscules.
N’atteindrai-je que les rives claires sous le solstice des mensonges
or quel signe guidera mes pas ultimes vers les éclipses
là-bas où s’est inscrite la blessure inaugurale.
Sous les arches baroques du rêve y passent des fleuves invisibles
ténébreuse mémoire ô fruit d’oubli des nuits arborescentes
voici que rouge d’avoir trop mûri la lune éclate.
Ô rire qui s’aiguise à l’œil étincelant des louves
souveraine quelle main tient ce glaive ensanglanté de lumière
perçant jusqu’au silence l’écorce des forêts natales.
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(Précédemment paru dans « Petite suite pour ombre et lumière », chez Encres Vives, mars 2016)

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Voyageurs du silence
ils ont fait boire à leurs chameaux
des mirages de sources claires.

Portant fardeaux d’absences
une longue caravane de mots
traverse mon désert.

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(Précédemment paru dans « Petite suite pour ombre et lumière », chez Encres Vives, mars 2016)

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Le vent voudra ce soir peut-être
entrer par ta fenêtre.
Qui peut savoir ? Ne t’enclos pas dans ta maison
ouvre ton âme à la fraîcheur du soir qui tombe
et si ce n’est le vent ce pourrait être
l’une ou l’autre de ces étoiles
du firmament
qui voudra venir se poser
sur le bord de tes yeux
comme une larme.

Le monde est vaste et rien n’est encore achevé.

Demain quand tu iras par les chemins
ne marche pas trop vite et ne fais pas de bruit
écoute les fleurs qui te disent
leur joie ou leur tristesse
qui te parlent de leurs désirs de leurs destins
écoute le silence immense
de la forêt qui t’enveloppe.
Tu n’es pas seul.

Et puis laisse autour de tes pas un peu d’espace
il se peut que des ombres que tu ne vois pas
veuillent chemin faisant te tenir compagnie
et dialoguer tout en secret avec ton âme.

Elles pourraient quelques instants
à ton insu guider tes pas
mais peut-être leur auras-tu toi-même
fait signe de t’accompagner
par peur de n’en pouvoir finir
de ton errance…

Le monde est vaste et les chemins inachevables.

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(Précédemment paru dans « Petite suite pour ombre et lumière », chez Encres Vives, mars 2016)

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Faisceau des yeux
visible indivisé par l’ubiquité du visage
image
obsession spéculaire

le soir devenu paupière
effacera
des miroirs trop lucides les phosphènes du jour.

Ici
prendre écailles de lueurs
luth et coquillage anacoluthe

y
recueillir la pyrite occulte des étoiles
et porter masque de lune.

Puis
ne simplement nouer
en cercle
sur la nappe nocturne la trace diverse des choses

que pour
en mémoire à jamais
les clore
par regards inversés.

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Extrait de « Suites pour ombre et lumière 2. Empreintes & résonances », Recueil inédit (2016)

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Taries les fontaines de l’avenir
croupies les eaux dormantes du passé
mirage en ce désert
à nos yeux abusés

y aura-t-il encore quelque part
ici
un peu d’eau frissonnante
à boire

un mince filet d’eau coulant
de la couleur du temps
pour étancher
nos soifs
de vivre
?

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Extrait de « Suites pour ombre et lumière 3. Par les chemins de vie», Recueil inédit (2016)

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Depuis longtemps je tourne en rond
traçant autour de moi
inutile circonférence
qui va s’amenuisant de jour en jour

quand le cercle se sera rétréci
pour n’être plus
qu’un point
sans épaisseur

vous aurez mes coordonnées exactes
en x, y
où déposer vos fleurs
en souvenir de moi.

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Extrait de « Suites pour ombre et lumière 3. Par les chemins de vie», Recueil inédit (2016)
Mis en ligne sur Facebook.

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La vie
est un tapis roulant
qui se déroule
en sens inverse sous mes pas

marcher marcher encore
aveuglément
je ne peux pas ne pas marcher
faisant sans cesse du sur-place

car le néant
au moindre arrêt
m’avalerait

et je ne sais toujours pas où je vais
obstinément
faisant sans cesse du sur-place.

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Extrait de « Suites pour ombre et lumière 3. Par les chemins de vie», Recueil inédit (2016)
Mis en ligne sur Facebook.

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NOTICE BIOGRAPHIQUE

Né le 18 mars (comme Mallarmé), en 44 (comme Verlaine), mais un siècle plus tard, Gérard Mottet a vécu plusieurs vies.
De 1962 à 1970, il poursuit des études supérieures sur de multiples fronts : philosophie, psychologie, sociologie, histoire des sciences, s’inscrivant dans la lignée des œuvres et des leçons de G. Bachelard, G. Canguilhem, F. Dagognet, M. Serres, mais aussi J. Wahl et V. Jankélévitch…
Agrégé de philosophie, il consacre l’essentiel de sa carrière à la formation des enseignants, animant au plan national, de 1975 à 1985, le Comité de coor¬dination des Ecoles normales puis le réseau Média-Formation pour le développement des techniques modernes d’éducation. Intervenant tour à tour sur le terrain des Écoles normales, au CNDP, au Ministère de l’Éducation, à l’INRP, enfin au niveau des IUFM, ses actions d’animation et de recherche concernent plus particulièrement le développement de nouvelles approches de la vidéo-formation, à travers les « laboratoires d’essais pédagogiques » (Synthèse dans un ouvrage « La Vidéo-formation » publié chez L’Harmattan en 1997), et le rôle des images dans la construction des démarches scienti¬fiques à l’école (Quatre ouvrages publiés à l’INRP – Série : « Des images pour apprendre les sciences » et une centaine d’heures de vidéogrammes sur les démarches d’apprentissage des élèves).
Poète, écrivant ses premiers poèmes dès l’âge de 14 ans, il ne renoue avec la poésie qu’un demi-siècle plus tard. Il publie Petite suite pour ombre et lumière aux Editions Encres Vives (mars 2016), qui réunit 24 poèmes extraits d’un ensemble inédit de trois recueils (de 80 pages chacun). Il est prévu que d’autres poèmes paraissent en 2016 dans plusieurs revues ou collectifs : 7 à dire, Cahiers de la Rue Ventura, N 47, Comme en Poésie, Coin de Table, Recours au Poème, Collectifs Ecrit(s) du Nord, Dehors, etc.… Il est lauréat du 15e Concours de Poésie Paul Verlaine 2016, organisé à l’occasion de la disparition du poète « de la musique avant toute chose »…

Petite suite pour ombre et lumière est disponible ici http://encresvives.wix.com/michelcosem#!encres-blanches/cx2x