Au pays de la gale

Publié le 08 juin 2016 par Dominique Le Houézec


La gale est une maladie infectieuse parasitaire caractérisée par une atteinte cutanée source de démangeaisons intenses. Son diagnostic est volontiers méconnu à son début, source de contaminations des proches. Son traitement a été grandement amélioré par l'utilisation d'un antiparasitaire, l'invermectine. 


Comment attrape-t-on une gale ?


Le parasite de la gale humaine est microscopique (la femelle adulte mesure 0,4 mm). Il fait partie de la classe des acariens et a pour dénomination Sarcoptes scabiei hominis. C'est pour cette raison que la gale est également appelée scabiose. Après une contamination cutanée, le sarcopte femelle, fécondée par le mâle qui meurt, pénètre sous la peau et y creuse une galerie sous la partie superficielle de l'épiderme et y pond ses œufs. Ces galeries sont parfois visibles à la surface de la peau (sillons) de même que l'endroit où loge l'acarien (vésicule perlée). La période d'incubation est de 3 semaines, plus courte en cas de ré-infestation. Il existe également en cas de rechute une immunité protectrice qui expliquerait l’atténuation des symptômes ainsi qu’une charge parasitaire plus faible.

Dans la gale commune, la population parasitaire est habituellement peu importante, de l'ordre de 10 femelles. Le cycle parasitaire, c'est-à-dire l'éclosion des œufs et la maturation de l'acarien adulte est de 10 à 15 jours. Les échantillons de poussières prélevés sur le sol des maisons de patients infectés montre la présence de sarcoptes dans la moitié des cas.

Les parasites adultes peuvent être tués à des températures relativement modérées, (50°C pendant dix minutes). La congélation tue les adultes (-25°C en 1h 30). Les sarcoptes survivent entre deux à trois jours à température ambiante (21° à 25°). Leur survie augmente lors de températures plus faibles qui ralentissent leur activité biologique (14 jours à 14°). 

Cycle parasitaire de la gale

La contamination est strictement inter-humaine, à l'occasion d'un contact direct par un peau à peau prolongé ou répété. La transmission indirecte par les vêtements, la literie, un canapé est plus rare sauf dans les formes de gale dites "hyperkératosiques". Chez l'adulte, cette parasitose peut être considérée comme une infection sexuellement transmissible, car survenant volontiers lors du partage d'un même lit. Chez l'enfant, elle en général intrafamiliale. La gale peut parfois occasionner de petites épidémies au sein de collectivités (internats, foyers, maisons de retraite, hôpital, crèches...), ou encore dans des milieux sociaux défavorisés lorsqu'il existe une forte promiscuité. La gale peut toucher toutes les tranches d'âge, toutes les populations et tous les milieux socio-économiques. Malgré tout, l'image de la gale reste très dévalorisante, considérée comme une maladie honteuse.
Il n'y a pas de guérison spontanée de la gale. Il semble que la fréquence de cette maladie soit en augmentation en France ces dernières années si l'on se base sur les données concernant la vente des produits anti-scabieux [1]

Comment se manifeste la gale ?


Le symptôme d'appel est habituellement la survenue d'un prurit cutané avec des démangeaisons prédominant la nuit et entraînant des réveils multiples.


Sillons scabieux

Les lésions cutanées comportent de petites vésicules perlées qui contiennent des œufs. Elles sont parfois reliées à un sillon sous-cutané qui contiennent un sarcopte femelle et ses œufs. Les sillons scabieux dessinent un trait fin, sinueux, blanchâtre, de 5 à 15 mm et se voient surtout dans les sillons interdigitaux et sur les poignets. On constate des lésions de grattage multiples, parfois surinfectées. Il existe parfois des nodules scabieux, tuméfactions plus grosses rougeâtres, réactions allergiques de la peau, ne contenant pas de parasites mais assez durables, même après guérison.

Vésicules perlées


La topographie de ces lésions se situe volontiers entre les doigts, sur la face antérieure des poignets, la face antérieure du corps (seins, ombilic, creux axillaires), les fesses, les organes génitaux, rarement le dos.

Chez le nourrisson, la gale peut revêtir un aspect atypique avec une atteinte du visage et du cuir chevelu, des vésiculo-pustules de la paume des mains et de la plante des pieds sont très fréquents et parfois des nodules scabieux péri-axillaires et inguino-génitaux. 
La gale hyperkératosique (croûteuse), aussi surnommée gale norvégienne, est plutôt observée en cas d’immunodépression (infection par le VIH, traitement
immunosuppresseur...). La prolifération des parasites y est énorme.
La principale complication de la gale est la surinfection, l’impétiginisation des lésions de grattage. Les principales bactéries en cause sont les Streptocoques et les Staphylocoques.

Le diagnostic de gale commune est très habituellement clinique, surtout dans un contexte de contage connu. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à demander un avis dermatologique pour un examen au dermatoscope des lésions. A fort grossissement (x 40), cet appareil permet de visualiser le sarcopte comme une structure triangulaire ressemblant à un avion.


Les armes antiparasitaires pour traiter la gale


- Le benzoate de benzyle à 10% (ASCABIOL lotion - prix 14,62 € remboursé) est le traitement de référence en France [2]. Cet acaricide liquide est à badigeonner avec un pinceau sur le corps humide et tiède avec un ou deux badigeons, en insistant sur les lésions visibles, après un bain ou une douche. Toutes les régions du corps sont traitées, y compris les paumes ou les plantes, les sillons rétro-auriculaires, le pli inter-fessier et les ongles. La description de rechutes liées à l'atteinte persistante du cuir chevelu incite à le traiter systématiquement. Le visage doit également être traité dans les formes profuses et, chez l'enfant, en protégeant soigneusement les yeux et la bouche. Il est recommandé d'envelopper les mains de l'enfant en bas âge dans des moufles. Le produit est laissé durant 24 H chez l'adulte ou 12 H chez l'enfant, 6 H entre les âges de 1 mois et 2 ans.  On le rince ensuite soigneusement sous la douche ou dans un bain et l'on change de vêtements et de literie. L'application est à renouveler au bout de 8 jours. Une sensation de cuisson de la peau est habituelle à la fin de l'application (dilution du produit dans le l'éthanol à 96 pour cent).


L'inconvénient de l'Ascabiol est l'apparition fréquente d'une irritation cutanée voire d'un eczéma de contact. Il existe un risque de convulsions en cas de surdosage chez l'enfant de moins de 2 ans ou d'ingestion accidentelle. - L'esdépalléthrine + pipéronyle (SPREGAL aérosol, prix libre, non remboursé). Ce produit est pulvérisé sur l'ensemble du corps, avec un coton sur le cuir chevelu. Ne pas utiliser sur le visage. Il est laissé en place 12 H. Ce traitement semble moins efficace que le benzoate de benzyle. Ce produit en spray est contre-indiqué chez les sujets asthmatiques, les nourrissons ou les enfants ayant des antécédents de bronchite asthmatiforme.- le crotamiton (EURAX crème, non remboursé) est peu efficace. Il peut être irritant pour la peau. On peut l'utiliser pour le traitement des nodules scabieux de l'enfant. Il a de plus un bon effet antiprurigineux.

- La perméthrine cutanée (TOPISCAB 5% crème - prix 18,72 €, remboursée) est à appliquer à raison d'un tube (30 g) chez l'adulte et l'enfant de plus de 12 ans, un demi-tube entre 6 et 12 ans et un quart de tube (15 g soit environ deux noisettes) entre 1 et 6 ans et enfin l'équivalent d'une noisette ente 2 mois et 1 an. Au bout d'au moins 8 H d’application, ôter le produit à l'eau et savon. Chez l'enfant, le visage peut être traité en évitant les zones autour des yeux et de la bouche (léchage possible). Si nécessaire faire porter des gants à l'enfant. Un seconde application est réalisée 8 jours plus tard. A chaque fois, le changement de vêtements et de literie est obligatoire. Outre sa faible toxicité, la perméthrine a une absorption percutanée 20 fois plus faible que le lindane, classiquement utilisé dans certains pays anglo-saxons dans le traitement de la gale, et elle est rapidement métabolisée puis éliminée dans les urines. Cette molécule s'est révélée plus efficace que l'ivermectine et le lindane en termes de guérison clinique et de réduction du prurit. Du fait de sa faible toxicité, ce produit peut être utilisé chez le nourrisson de plus de 2 mois, la femme enceinte et la mère qui allaite.
- Le lindane (ELENTOL poudre) est un peu moins efficace que le benzoate de benzyle. Il a surtout une toxicité neurologique potentielle et n'est plus commercialisé en France.- L'ivermectine orale (STROMECTOL 3 mg comprimés, prix 19,56 €, remboursé ) est le premier traitement par voie générale de la gale humaine. Ce traitement est administré en deux prises à 8 à 15 jours d'intervalle (200 µg/kg), le matin à jeun. Le produit n'est efficace que sur les acariens matures, mais pas sur les œufs, d'où la nécessité de la seconde prise. Il n'a pas d'autorisation d’utilisation chez le jeune enfant pesant moins de 15 kg. Son utilisation est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante. La guérison est obtenue dans 70-75 % avec une prise unique et atteint 90-95 % avec deux prises à 15 jours d'intervalle. La facilité d’utilisation avec une observance surement meilleure est un argument important en faveur de ce traitement surtout en cas d’épidémies dans une collectivité ou dans des situations de précarité.

- En complément du traitement local et/ou général, une désinfection des vêtements portés les 3 jours précédents, des serviettes de bain, des peluches et de la literie par un passage à la machine à laver à 60° est une obligation. Tout le matériel (chaussures) ou les tissus (couettes...) ne pouvant pas passer en machine seront enfermés dans un grand sac fermé durant 3 jours, à une température supérieure à 20°. 

Le traitement de l’environnement du domicile comporte un passage de l’aspirateur, (matelas, sommier, moquette, canapé, fauteuils...) voire le recours aux détergents-désinfectants. La pulvérisation de molécules acaricides (A-Par, Enviroscab) ne parait pas nécessaire sauf cas exceptionnels (gale profuse ou récidivante) et inutile en cas de gale commune. 
L'application locale par la perméthrine et/ou la prise orale d'ivermectine sont les traitements de premier choix de la gale. Ils peuvent être faits séparément ou en association selon les cas.

En cas de surinfection, d'impétiginisation importante, un traitement antibiotique est prescrit pendant 7 jours et précédera de 1 à 2 jours le traitement acaricide.


Le secret de la réussite repose sur un trépied:



- Le traitement simultané de tout l'entourage du patient (conjoint, partenaires sexuels et enfants) de la même façon, même en l'absence de toute démangeaison.

- La désinfection scrupuleuse de tous les tissus ayant été en contact avec la peau.
- Ne pas zapper la seconde application locale de produit acaricide au bout de 8 jours et/ou la seconde prise d'ivermectine.

Les démangeaisons à la suite du traitement peuvent persister jusqu’à quatre semaines après la fin de celui-ci, ce qui est généralement considéré comme une réaction allergique aux parasites morts et pas nécessairement l'indicateur d’un échec thérapeutique. En cas de prolongation du prurit, ceci peut être le fait de:

- un traitement excessif irritant la peau, à traiter par émollient- une eczématisation, à traiter par corticoïdes locaux- une phobie de rechute- Les échecs avérés du traitement initial ont souvent des cause intriquées. En dehors d’une résistance au traitement, ce peut être une recontamination à partir de l’entourage ou des linges, ou la mauvaise réalisation des traitements locaux (portage au niveau du cuir chevelu non traité).
Des nodules scabieux peuvent persister plusieurs semaines malgré un traitement efficace. Ils ne contiennent pas de parasites et peuvent être traités par une pommade corticoïde ou du crotamiton.

Dominique LE HOUEZEC




[1] Haut conseil de santé publique. Survenue de un ou plusieurs cas de gale. Conduite à tenir. 09.11.2012
[2] Haut conseil de santé publique. Ascabiol. Commission de la transparence. Avis du 7.10.2015