Paradoxes et préjugés

Publié le 16 juin 2008 par Energie2007

Sujet de philo du jour : la concurrence entre paradoxes et préjugés. Remise des copies le 1er juillet 2008.

"Je préfère être un homme à paradoxes, qu'un homme à préjugés".

Vous méditerez cette phrase de Jean-Jacques Rousseau en vous appuyant sur des exemples issus de la première année d'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz à la concurrence.
Préjugé: les nouveaux entrants seront surveillés de près pour éviter les dérives constatées dans d'autres pays (1).
Paradoxe: deux nouveaux entrants ont obtenu le "label" Clair'Energie, récompensant leurs pratiques commerciales vertueuses: Altergaz et Enercoop.
Paradoxe: ce sont surtout les fournisseurs historiques qui ont été montrés du doigt.
Préjugé: l'ouverture à la concurrence se traduira par des "départs" massifs de clients particuliers d'EDF et Gaz de France.
Paradoxe: un an après, ils sont à peine 1% à avoir quitté le giron d'EDF pour regarder ailleurs si l'électricité est plus verte.


Paradoxe: la majorité de ces "départs" s'effectue au profit de Gaz de France, qui revendique 80% des "basculements". Même jeu de vases communicants dans le gaz. Avec l'argument masse: une seule facture, comme avant.
Paradoxe: les nouveaux entrants qui ne ramassent que des miettes affichent un optimisme à toute épreuve. Altergaz annonce viser 450.000 clients d'ici 2010, Poweo prévoit 50.000 clients particuliers à fin juin 2008, 100.000 d'ici la fin de l'année (objectif qu'il s'était précédemment fixé pour... fin 2007) et 1,2 million pour 2010, Direct-Energie viserait un million de clients fin 2010...

Préjugé: les tarifs réglementés sont moins chers que les prix de marché.
Paradoxe: tous les fournisseurs proposent des offres à prix de marchés inférieures aux tarifs réglementés. A deux exceptions près: EDF (sans doute pour laisser du champ libre à la concurrence) et Enercoop, seul fournisseur à acheter directement, et sans le bénéfice de la CSPE, l'électricité auprès de petits producteurs d'énergies renouvelables.
Donc globalement moins cher... Pour combien de temps? La flambée des prix énergétiques se traduit déjà par une succession de hausses des tarifs réglementés de vente du gaz. Et une "rumeur" indique qu'une nouvelle hausse se profile pour cet été. Dans l'électricité, le Tartam est "mis à mal par la flambée des prix de l'électricité" (+ 30% depuis le début de l'année), indique les Echos (17 juin). Un fournisseur indique qu'il s' "alimente actuellement sur le marché à plus de 80 euros par mégawattheure (...) ce qui est presque deux fois plus que le niveau du Tartam. Or, avec le système actuel, je ne peux être remboursé qu'à hauteur de 74 ou 75 euros. Dans ces conditions, qui signerait de nouveaux contrats?"
Certes, le Tartam ne concerne pas les particuliers. Et l'inflation donne une petite marge de manœuvre à EDF (et l'Etat) pour augmenter les tarifs cet été. Mais, pour les nouveaux entrants, le "ciseau tarifaire" dénoncé par Direct-Energie est toujours là. Même si la décision du Conseil de la Concurrence le 10 décembre dernier leur donne un peu d'oxygène.
Préjugé: l'ouverture des marchés se fera au détriment des consommateurs.
Paradoxe: les consommateurs d'électricité ont aujourd'hui tous les choix. Ils peuvent garder les tarifs réglementés, changer de fournisseur pour "tâter" le terrain des offres au prix de marché et, si cela ne leur convient pas, bénéficier de la "réversibilité" pour revenir aux tarifs. Raison de plus pour garantir la coexistence pacifique des prix de marché et des tarifs réglementés après 2010.


Consulter notre suivi du marché domestique de l'électricité.


(1) En particulier au Royaume-Uni...