Dans les jardins du Malabar, roman d'Anita Nair

Par Mpbernet

Tous les amoureux de l’Inde apprécieront comme moi ce nouveau livre d’Anita Nair, bien différent de « Compartiment pour dames » puisqu’il nous transporte en plein XVIIème siècle, plus précisément entre 1625 et 1661 … si loin de notre civilisation européenne qui pourtant commence à s'incruster dans le subcontinent par le biais des Portugais, des Hollandais, juste avant les Français et les Britanniques …

Le Malabar, c’est la pointe sud-ouest de l’Inde, cette côte où viennent commercer tous ceux qui trafiquent les épices, les perles, les pierres précieuses, les étoffes de soie les plus riches, entre Goa et le cap Comorin -  aujourd’hui les états du Kerala et du Karnataka. Les grandes villes en sont Calicut (Kozhikode), Cochin, et le roman nous conduit jusqu’à Golconde … Y cohabitent, sans se mélanger, sous le règne du Zamorin, de nombreuses communautés et l’on y parle des foultitudes de langues.

Il s’agit d’un roman d’initiation, un road-movie à épisodes où nous suivons Idris Maymoun Samataar Gulid, originaire de Dikhil, éternel voyageur qui cherche la mesure de la Terre et de l’homme. Un grand somalien athlétique, priant peu, parlant plusieurs langues, et qui tout jeune a perdu un œil lors d’une violente tempête.

Au cours d’une de ses pérégrinations, il fait une rencontre torride d'une seule nuit avec une jeune indienne à laquelle il fait un enfant, Kandavar, qu’il retrouve dix années plus tard et emmène, avec l’accord de sa mère, découvrir le monde. Plus tard, Idris rencontre Sala Pokkar qui l’aide à s’embarquer pour de nouveaux horizons. Ils se feront pécheurs de perles, extracteurs de diamants, feront d’autres rencontres avec des hommes sages, des animaux étonnants, et enfin, une femme libre et altière.

Le roman est un collage : un prétexte pour décrire les différentes facettes du monde indien, ses légendes, ses sagesses et ses croyances, ses rigueurs et ses traditions, ses permanences immémoriales et ses contradictions entre non-violence et cruauté extrême. Idris est un sage qui ne sait cependant où se fixer. Il découvre soudain la paternité et ses obligations, mais la différence de caste – il est musulman, l’enfant est hindou – vont finalement les séparer.

L’écriture est belle, la traduction fluide – même si tous les termes en italique ne sont pas renseignés dans le glossaire de fin d’ouvrage – les décors et les sentiments particulièrement envoûtants. Et la fin n’en est pas une : il y aura une suite aux aventures d’Idris et de Kandavar …

Dans les jardins du Malabar (Idris, Keeper of the Light), roman par Anita Nair, traduit par Dominique Vitalyos, édité chez Albin Michel, 441 p. 23€