Merci Raymond !

Publié le 19 juin 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

« Merci Raymond par Bertrand Lavier »

« Au Louvre, ils s’efforcèrent de s’enthousiasmer pour Raphael. »
Difficile de ne pas évoquer cette phrase magnifique de Flaubert dans « Bouvard et Pécuchet » en sortant de l’exposition « Merci Raymond par Bertrand Lavier » à la Monnaie de Paris. Car l’affiche associant le personnage incroyable de Raymond Hains et son ami Bertrand Lavier ne pouvait qu’être porteuse de grandes promesses. Si bien que, malgré l’estime portée aux deux artistes, c’est en sentiment mitigé qui demeure au terme de la visite.

Palissade de skis – Raymond Hains, 1997

L’idée d’un dialogue posthume avec Raymond Hains aurait, j’imagine, bien plu à celui qui non seulement a produit une œuvre à redécouvrir sans cesse mais peut-être davantage encore laissé le souvenir d’une vie impossible à contenir dans un cadre raisonné. C’est peut-être cette vie de Raymond Hains qui restera comme son œuvre majeure. Car il était vain de vouloir domestiquer l’itinéraire de cet homme ingérable, indocile, indomptable. Non pas qu’il fut comme un lion en cage, mais plutôt comme un personnage sur lequel le réel semblait ne trouver aucune prise. Je ne peux m’empêcher de repenser à la description qu’en faisait celui qui l’a peut-être le mieux connu depuis les bancs de l’école des Beaux-arts de Nantes : Jacques Villeglé. Affichiste lui aussi au sein des Nouveaux Réalistes, Jacques Villeglé a observé à un poste privilégié le comportement de son ami Hains et témoigné sur le quotidien de cet homme insaisissable.

Donc Bertrand Lavier met en scène cet hommage à son ami Hains sous la forme d’un dialogue à travers les calembours, jeux de langage : Deux automobiles rutilantes séparées par une rangée de six troènes : entre la C2 Picasso rouge et la Ford Matiz bleue ( Matisse, ami et rival de Picasso), les arbustes appuient l’évocation de Citroen. Soit !
« La foire aux Skis » : la salle Antoine rassemble des œuvres visuelles ou sonores de Christian Boltanski, Gérard  Gasiorowski, Vassily Kandinsky et Igor Stravinsky avec, en contrepoint, une palissade composée de skis (Raymond Hains en avait réalisé une). Soit ! Comme les personnages de Flaubert, je me suis efforcé de m’enthousiasmer pour cette complicité posthume entre Hains et Lavier sans y parvenir vraiment. Des palissades au Lapalissades, Raymond Hains a certes joué en permanence sur les mots pour de devenir ce « dialecticien des lapalissades ».

Hains le désordinateur

Certes, association de mots, associations d’idées, associations d’objets relient les œuvres des deux artistes et l’argument de l’exposition n’est pas en cause. Mais, à titre personnel, il m’a manqué la surprise, le décalage, l’inattendu pour emporter cet enthousiasme tant souhaité. Les jeux  entre les mots et les choses ne me semblent pas dépasser dans l’exposition un premier degré quelque peu décevant. Raymond Hains, se présentant lui-même comme un « désordinateur« ,  estimait que les liens qu’il établissait entre les mots et les choses pouvaient être considérés comme autant de «logorrhées interprétatives» .

« Dolly » 1993 Bertrand Lavier

C’est peut-être ce  « supplément d’âme » que Raymond Hains attendait de chaque nouvelle trouvaille et qui manque ici. La montgolfière « Dolly », baudruche dégonflée échouée sur les balustrades du salon Dupré, « désigne également le dispositif cinématographique qui permet à la caméra de prendre de la hauteur, et de changer de point de vue ». Ce sont, en effet, deux aptitudes de ce matériel cinématographiques qui font défaut avec cette montgolfière inutile. L’exposition en hommage à Raymond Hains reste à faire (je crois), mais est-elle possible?  L’idée même d’un hommage posthume correspondrait-elle vraiment à ce personnage lunaire, libre avec lequel Bertrand Lavier, a tenté de dialoguer ? Dans cet Hôtel de la Monnaie de Paris, quelles surprises nous aurait réservé un Raymond Hains ? C’est à cette aptitude au décalage que le « Merci Raymond ! »
mérite son titre.

Photos: Monnaie de Paris

« Merci Raymond »
par Bertrand Lavier

Du 17 mai au  17 juillet 2016
Monnaie de Paris
11, quai de Conti,
75006 Paris.

 

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