Père de Banlieue Plate

Publié le 22 juin 2016 par Hunterjones
Il n'y a rien de plus dur en ce moment de ma vie que mon rôle de père.
Avoir des enfants, c'est se signer un permis d'inquiétude pour la vie. Et je ne suis pas d'un naturel inquiet. Ce qui fait que lorsque l'inquiétude naît en moi, c'est toujours un apprentissage particulier.
Nous avons donné un téléphone intelligent à notre plus jeune à Noël dernier.
C'était donner au suicidaire la corde de pendu. Son niveau d'attention, qui se trouvait à peu près à 4 sur une échelle de 10, est tombé à 1.5. Rien n'est désormais plus important que de plonger dans son téléphone.

Le matin, la semaine, 2 fois sur 5, je ne suis pas là. Je travaille à l'heure où la chorégraphie matinale s'installe. Mais quand je m'y trouve, c'est tout simplement épouvantable. Je dois aller la réveiller entre 7 ou 8 fois, je dois pratiquement la faire manger à la cuillère (elle a 13 ans!!!!) sinon elle ne mangera pas et on doit lui pousser dans le cul pour qu'elle s'habille, se brosse les dents, se peigne et quitte pour l'école à temps...une chorégraphie que l'amoureuse coordonne seule, 2 jours sur 5. Dans ces 2 jours, l'amoureuse a pris la très fâcheuse habitude de servir au lit, les déjeuners. Donc, de siéger l'enfant-roi solidement sur son trône. Le tabouret et la corde au pendu. Sers-moi, valet!  Chose que je peine beaucoup à faire, voire que je refuse de faire. Descendez à l'étage, extirpez-vous du lit si confortable, et organisez-vous comme les grands que vous êtes. Car le grand de 16 ans, trône lui aussi dans son lit d'enfant-roi, très certainement incapable de se penser un déjeuner.

Ce sont de toutes petites choses qui ne seraient pas grave si le ton matinal n'était pas aussi intense. L'amoureuse, toujours, TOUJOURS, excédée par l'inertie de Punkee, ne cesse de lui crier après. Celle-ci réplique aussi de cris. Le ton est donné. Un ton auquel je suis parfaitement étranger. Monkee aussi. On se croise le regard parfois en se disant: "Qu'est-ce que ce mauvais film dans lequel nous avons atterri?"On se sent dans un aréna de hockey mineur dans un match de séries éliminatoires quand l'arbitre ne fait pas sa job. Les sons s'y trouvent. C'est insupportable. Mais l'arbitre ça pourrait être moi. Et tout aussi excédé par les cris et le ton dans lequel je ne reconnais rien, une fois les enfants levés réveillés, et leur déjeuner dans la cuisine près de leur lit, je retourne me coucher, je ne supporte aucunement l'ambiance. Je cauchemarde avec une forte importance sur les 5 dernières lettres du mot.
Une ambiance créée de toute pièce par nous, parents.

Qui échouons lamentablement là-dessus. Terriblement. Insupportablement.
Punkee est partie en larmes mercredi dernier car je lui enlevais le téléphone des mains pour la journée en conséquences de son inertie et surtout pour avoir fait crier sa mère tout le matin et être partie sans se brosser les dents. Punkee était dévastée.
Et c'est l'amoureuse et moi qui nous criions après par la suite.
L'horreur.
L'amoureuse a aussi choisi d'acheter un chauffe-eau pour la piscine. Sans me consulter d'aucune manière. Peut-être une bonne idée, je ne n'aurais jamais été d'accord. J'ai été élevé autour d'un lac, gérer la température de l'eau au lieu d'habituer son corps à l'eau ne fera jamais de sens pour moi. (en plus de faire grimper la facture d'électricité).
Son idée de chauffe-eau, avec laquelle je me suis englué les pieds pendant les deux dernières semaines. aura été un calever. Et le restera probablement. La chose est énorme, laide, et le plombier a dû faire deux trous sur le côté du cabanon pour y passer deux gros tuyaux laids, très visibles. Il est venu deux fois car la première fois, rien ne pouvait être simple, il fallait lui faire un passage et décrisser enlever trois une planche de la galerie, des planches qui n'avaient jamais été posées pour être enlevées. Quand il est revenu, il avait une attitude de marde parce qu'on ne lui avait pas fait de trou dans notre cabanon et qu'enlever une seule planche...enfin. Même si on m'en avait parlé la première fois, j'en aurai ri. Je paie 100$ d'installation, pourquoi faudrait-il que je m'invente menuisier? Ce que je suis teeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeellement pas. Nettement moins que lui.
Il a fait deux trous en moins de 8 minutes. Pour faire les trous seulement, ça m'aurait pris quelques heures. Et ça aurait été terrible. Quand le poseur a pris la peine de dire "y aurait fallu faire les trous, je suis plombier, pas menuisier".  J'ai pensé: "Si tu savais...". Il a tout fait en 30 minutes ce qui m'aurait pris minimum une semaine à faire.
Un électricien devait venir poser l'électricité lundi matin dernier. Un matin où je pouvais dormir car je ne commençais, exceptionnellement, qu'à 10h à l'entrepôt. On devait venir à 7h00. Personne n'est venu. J'ai laissé un message vers 8h10 et un autre vers 9h20. L'électricien avait oublié. Il est revenu jeudi matin. Me volant de 1029$ alors que, cette fois, les trous pour les fils étaient déjà faits (pas par moi! ils y étaient déjà depuis 2002).

Tout ça c'est ce que j'appelle de la vaisselle. du plate et agressant quotidien de banlieue. Mais je dirais que ce qui me chicote davantage aussi, c'est que l'amoureuse s'est convaincue que les enfants-roi se baigneront davantage. Se mettant maintenant une pression énorme de plus 3000$ sur les épaules. Si les enfants ne se baignent pas plus (ce dont je suis assez convaincu), sera-t-elle malheureuse?
Je me soucie des mes enfants beaucoup, mais je me soucie davantage de l'état d'esprit de l'amoureuse.
C'est aussi pourquoi je n'ai pas été plus insistant sur mon refus du chauffe-eau. Ça lui fera du bien à elle? tant mieux. Je ne demande que son bien à elle.

Mais si les enfants restent aussi ininterréssés par la piscine que présentement...ça lui fera vraiment du bien?
Enfin je ne veux pas vous emmerder avec mes histoires personnelles.
J'ai deux fins d'années scolaires à gérer.
Un début de secondaire et une fin de secondaire en soi.

Samedi dernier, mon père, si il avait été vivant, aurait eu 69 ans.
Il aurait aimé l'animation de ma maisonnée.
C'est ce que je me dis pour me consoler.
Il serait venu habiter chez nous pour nous aider à gérer le trafic.
C'était lui le roi.
Et on l'aurait tous écouté.
Moi, le premier.
Il aurait trippé installation du chauffe-eau.