$ Plus à leur service qu’à celui de leur administrés! $

Publié le 22 juin 2016 par Particommuniste34200

$ Balkany, Cahuzac, Guérini : les « affaires » françaises passent par le Panama $

C’est un bâtiment entièrement recouvert de vitres noires, desquelles aucune lumière ne s’échappe. Un cube opaque planté en plein cœur du centre financier de la capitale, Panama, d’où l’on pourrait presque apercevoir l’océan Pacifique, tout proche. C’est dans ce discret cabinet d’avocat, à près de 9 000 km de Paris, qu’ont été dissimulés pendant des années les secrets les mieux gardés des circuits financiers tortueux des « affaires » politico-judiciaires françaises.

Parcourir les 11 millions de fichiers internes de Mossack Fonseca obtenus par le Süddeutsche Zeitung et partagés avec le réseau du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), c’est dérouler les pages d’un livre embrassant les trente dernières années de l’histoire judiciaire française, où se côtoient les noms de Balkany, Cahuzac et de André Guelfi de l’affaire Elf, dit « Dédé la Sardine ». On y retrouve les traces de l’Angolagate, de l’affaire Technip et du premier cercle des fidèles de Marine Le Pen, soupçonné de financement frauduleux des campagnes du Front national.

La société aux Seychelles de Cahuzac

Nom : « Jérôme Cahuzac ». Qualité : « Bénéficiaire de la société Cerman Group Limited, immatriculée aux Seychelles ». Dans les « Panama papers », tout est là, du montage complexe mis en place par l’ancien ministre du budget pour dissimuler son argent aux yeux du fisc français, passant par les Seychelles, Panama et les îles Samoa… jusqu’à son numéro de compte caché à Singapour, en 2009, avec la complicité de la banque suisse Julius Baer.

Les fichiers de Mossack Fonseca livrent de précieux secrets sur l’affaire Cahuzac. De petites pièces de puzzle qui achèvent d’éclairer à la fois la chronologie et le fond de cette fraude fiscale révélée par le site d’information en ligne Mediapart. Ainsi, c’est mi-2009 que s’organise le transfert vers l’Asie des avoirs cachés de Jérôme Cahuzac en Suisse, dans la banque UBS. Ils y étaient restés dissimulés depuis le début des années 1990.

Alors en pleine ascension politique, le futur ministre socialiste ne veut pas se résoudre à dévoiler son infraction. Redoutant d’être découvert par les autorités françaises et suisses, il décide de déplacer son argent plus loin du continent européen.

Société-écran contrôlée par une coquille vide

Mandatée par un cabinet suisse, Mossack Fonseca s’occupe de la « logistique ». Le 27 octobre 2009, deux sociétés sont interposées entre Jérôme Cahuzac et son compte bancaire secret, déplacé de Suisse à Singapour grâce à l’aide de la banque Julius Baer : une société-écran immatriculée au Panama, Penderley Corp., contrôlée par une autre coquille vide aux Seychelles, Cerman Group Limited. C’est à Penderley qu’est rattaché le compte.

Jamais l’homme politique n’intervient. Les factures de Cerman sont réglées par l’ex-avocat et conseiller financier Philippe Houman, comme en attestent des courriels datés de novembre 2009.

Pour opacifier davantage le montage, Cerman est pourvu d’une gouvernance fictive : au poste de « directeur », la société Pimura Consultancy Limited, domiciliée aux Seychelles avec des ramifications au Panama et aux Samoa ; au poste d’« actionnaire », une autre coquille vide, Talway International Corporation. Leurs actes de naissance figurent aussi dans les « Panama papers ».

Lorsque les autorités françaises se mettent à enquêter sur la situation de Jérôme Cahuzac, en 2013, les Seychelles s’interrogent et questionnent Mossack Fonseca. Des documents montrant que Jérôme Cahuzac est le bénéficiaire réel du compte sont alors portés à la connaissance de la firme. Le 3 mai 2013, Mossack Fonseca met fin à sa collaboration avec Cerman Group en raison de ses liens avec l’homme politique français, « personnalité politiquement exposée » à haut risque. Cerman Group Limited est fermée en janvier 2015.

Au Monde, l’avocat de l’ex-ministre, Jean Veil, fait savoir que son client réserve ses explications aux juges, pour la réouverture de son procès, prévue le 5 septembre. L’entourage de Jérôme Cahuzac a toujours fait valoir que celui-ci n’avait jamais été associé aux montages financiers conçus par ses conseillers financiers.

Le riad du couple Balkany

Les « Panama papers » ont également permis au Monde de croiser la route du désormais célèbre riad de Patrick et Isabelle Balkany à Marrakech : la villa Dar Guycy. C’est Mossack Fonseca qui a enregistré au Panama en juillet 2007 la société Hayridge Investments Group Corp., propriétaire indirecte du riad, à la demande de la fiduciaire suisse Gestrust, qui agissait elle-même pour le compte de Jean-Pierre Aubry, le bras droit du couple de Levallois-Perret.

Tout comprendre : de la Villa Pamplemousse au riad de Marrakech, les affaires des Balkany

Voir aussi notre vidéo sur l’affaire Balkany : Comment cacher sa résidence secondaire au fisc ?

Les données internes de Mossack Fonseca montrent que, loin d’agir en connaissance de cause pour les Balkany, la firme panaméenne s’est plutôt retrouvée victime de ses propres négligences et de l’opacité structurelle du paradis fiscal qu’est le Panama.

Hayridge a en effet toujours eu des actions au porteur, un mécanisme qui permet au véritable actionnaire de ne pas révéler son identité. Le Panama est l’un des derniers pays du monde à avoir mis fin à ce système opaque d’actionnariat, fin 2015. Quant à l’obligation pour les sociétés de domiciliation de connaître la véritable identité du bénéficiaire de la société (KYC, pour « Know your client »), elle n’est pleinement entrée en vigueur qu’en février 2016.

Panique quand la justice rattrape les Balkany

Résultat : Mossack Fonseca n’a appris le nom de Jean-Pierre Aubry et des époux Balkany que lorsqu’elle a reçu une demande d’information du fisc panaméen en 2015. Ce n’est donc que deux ans après l’ouverture de l’information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale par le parquet de Paris, en décembre 2013, que la panique a saisi la firme panaméenne : « En raison des informations que nous avons trouvées et du risque que représente la société, je suggère que nous renoncions [à son administration] », écrit ainsi le 19 octobre 2015 une employée du département « compliance » (vérification de conformité) après avoir pris conscience de la situation par quelques recherches Google. Une semaine plus tard, son conseil était mis en œuvre.

L’empressement de la fiduciaire suisse Gestrust à couper tous ses liens avec Hayridge aurait pourtant pu mettre la puce à l’oreille des employés de Mossack Fonseca beaucoup plus tôt. Dès le 30 janvier 2014, un mois après la judiciarisation de l’affaire Balkany, Gestrust demande en urgence à Mossack Fonseca de lui fournir des prête-noms panaméens pour remplacer ses employés qui apparaissaient comme administrateurs de la société. « Nous ne voulons plus avoir aucun lien avec cette société dans le futur », explique Gestrust, qui a toujours nié avoir eu connaissance que les Balkany étaient les véritables propriétaires du riad.

La fiduciaire a aussi tenté de faire disparaître le nom de Diana Brush, l’un de ses employées, du capital de la SCI Dar Gyucy, propriétaire du riad de Marrakech. Mme Brush était censée transférer ses 1 % d’actions dans la SCI vers une fondation panaméenne proposée comme prête-nom par Mossack Fonseca. Un projet jamais concrétisé, Jean-Pierre Aubry n’ayant pas fourni à Gestrust les documents nécessaires au transfert.

Pendant près de deux ans, entre janvier 2014 et octobre 2015, la correspondance entre Gestrust et Mossack Fonseca atteste que la fiduciaire suisse a tenté de se débarrasser du boulet représenté par Hayridge en renvoyant vers le cabinet d’Arnaud Claude, l’associé historique de Nicolas Sarkozy. Si Me Claude n’a jamais répondu à ces courriers, un échange interne du 19 octobre 2015 entre Gestrust et Mossack Fonseca confirme qu’il a, « par le passé », « téléphoné » à la fiduciaire suisse pour lui « donner des instructions » au sujet de Hayridge.

De quoi corroborer les soupçons de la justice sur le rôle actif qu’il aurait joué dans l’évasion fiscale du couple Balkany. Arnaud Claude a fait savoir au Monde, par l’intermédiaire de son avocat, Cyril Gosset, qu’« il ne répondra pas sur une pièce qui n’a pas encore été produite dans l’instruction », rejetant la responsabilité sur la fiduciaire Gestrust. Les avocats des époux Balkany et de Jean-Pierre Aubry ont également refusé de s’exprimer.

Les montages du clan Guérini

Encalminée par de multiples recours exercés par plusieurs mis en cause, la tentaculaire affaire Guérini, qui a fait trembler le tout-Marseille ces dernières années, a elle aussi fait étape au Panama, dans les précieux livres de comptes de la société Mossack Fonseca.

Le juge Charles Duchaîne aujourd’hui chargé de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) avait déjà mis au jour l’essentiel des circuits financiers offshore empruntés par les différents protagonistes de l’affaire.

Il s’agissait alors pour les intéressés de faire sortir des fonds issus de marchés truqués surfacturés portant sur des projets immobiliers, des marchés de gardiennage, des maisons de retraite médicalisées, la gestion de décharges, ou encore celle de ports de plaisance départementaux. Une opacité organisée pour mieux dissimuler autant d’infractions par ailleurs révélatrices des liens entre le grand banditisme local et la classe politique. Cet argent détourné était ensuite réinvesti dans d’autres projets.

Des liens forts avec les Guérini

De nombreux protagonistes de l’affaire apparaissent dans les « Panama papers ». C’est par exemple le cas de l’ancien dirigeant la société ABT, Patrick Boudemaghe, d’où est partie l’affaire. Selon les données auxquelles Le Monde a eu accès et qui viennent confirmer l’enquête judiciaire, cet entrepreneur, proche d’Alexandre Guérini et de Bernard Barresi, possède alors un mandat de gestion sur cinq sociétés, enregistrées entre le 7 décembre 2006 et le 23 avril 2007. Delta Real Estate Group, Kenos, Islington Associates, Lamballe ou encore Tarlac Business seront toutes liquidées à partir de janvier 2010 et les mois qui suivront, soit un mois après les révélations par la presse de l’existence d’une enquête judiciaire sur le système Guérini.

Dans la société Tarlac, créée comme les autres par le cabinet luxembourgeois Meester, M. Boudemaghe n’est pas le seul à avoir un mandat de gestion. C’est le cas aussi de Damien Amoretti, le deuxième dirigeant de la société marseillaise ABT, qui était par ailleurs actionnaire à 49 % de la SMA Vautubière, présidée par Alexandre Guérini.

Le 23 janvier 2014, dans une note de synthèse transmise aux magistrats, le service national des douanes judiciaires (SNDJ) notait « que les relations particulières entre les décideurs publics et Patrick Boudemaghe, Bernard Barresi et Alexandre Guérini sur d’autres dossiers pourraient expliquer la capacité de la SARL ABT a remporter des marchés publics au sein d’autres collectivités territoriales ».

Une opacité organisée

Toutefois, on retrouve quelques sociétés dont la justice a établi qu’elles étaient liées à Alexandre Guérini. C’est le cas par exemple de Farman Inc, immatriculée au Panama, en mars 2006, et dont le compte no 485264 aux îles Vierges britanniques a reçu de l’argent avant que celui-ci ne soit ventilé auprès de ceux qui avaient concouru à truquer les marchés. Une autre société, baptisée Deliboz, créée elle aussi en mars 2006, et dont l’enquête judiciaire a établi qu’elle remontait à Bernard Barresi, apparaît elle aussi. Mais c’est encore une fois l’avocate luxembourgeoise Véronique de Meester qui possède une procuration. Devant les enquêteurs, elle avait indiqué ne pas avoir connaissance du dessous des montages financiers.

Preuve ultime de l’efficacité de ces circuits financiers, ni les noms de Barresi ou de Guérini ne figurent dans les documents de Mossack Fonseca. Tous sont aujourd’hui mis en examen pour blanchiment en bande organisée.

Les mauvaises affaires offshore de « Dédé la Sardine »

André Guelfi a toujours aimé les sociétés offshore, mais elles ne le lui ont guère rendu. L’histoire des différentes sociétés gravitant autour de lui qu’a pu reconstituer Le Monde à partir des « Panama papers » ressemble en effet à une succession de déconvenues.

L’aventure commençait pourtant bien. En 1994, l’homme d’affaires né au Maroc est l’un des personnages incontournables pour les Français qui souhaitent profiter de l’ouverture économique de l’ex-URSS. « Dédé la Sardine » joue les intermédiaires entre le pétrolier français Technip et le président ouzbek Islam Karimov pour le gigantesque contrat de la raffinerie de Boukhara. Pour encaisser la commission de 18 millions de dollars promise par Technip, il ouvre la société Collister Overseas Corp. aux îles Vierges britanniques. C’est par elle que circuleront les rétrocommissions de 3 millions de dollars reversées sur les comptes offshore des anciens patrons de Technip et d’Elf Georges Krammer et Alfred Sirven – qui vaudront au premier trois ans de prison et 200 000 euros d’amende en 2010, le second étant mort avant le procès.

Ce sont ces soupçons de rétrocommissions qui valent à André Guelfi son bref séjour à la prison de la santé, en 1997, où il se lie d’amitié avec Bernard Tapie. A leur sortie de prison, les deux hommes scellent un pacte : ils s’aideront mutuellement à « récupérer leur argent » (celui d’Elf pour Guelfi, celui d’Adidas pour Tapie) et le partageront dans un pot commun, baptisé Superior Ventures Capital Ltd (SVCL), une discrète société britannique chapeautée par une holding malaisienne.

Système de commissions

A l’actionnariat de SVCL, on retrouve trois nouvelles sociétés offshore installées aux îles Vierges : 49 % pour Umbrella International Ltd (André Guelfi), 49 % pour Pacesetter Investments Ltd (Bernard Tapie) et les 2 % restants placés en fiducie (c’est à dire en garde) chez Ridgetop Investments Ltd, la société de l’avocat Eric Duret, chargé de trancher leurs différends en cas de brouille. Les trois hommes prévoient même un système de commissions pour permettre à leur société commune, SVCL, d’empocher 5 % sur les contrats conclus par chacun d’entre eux.

Mais le plan parfait se fissure à mesure que les affaires de la paire Tapie-Guelfi tombent à l’eau, et tourne carrément au vinaigre quand le premier empoche dans un arbitrage 405 millions d’euros en 2008 et refuse non seulement de partager le pactole, mais aussi de rembourser les généreuses avances consenties par le second pendant des années. Alors que Bernard Tapie exulte, André Guelfi est embourbé dans l’affaire Elf, dans laquelle sa condamnation à trois ans de prison ferme vient d’être confirmée.

Son grand âge lui permet toutefois d’échapper à l’incarcération et, une fois son ultime boulet judiciaire enterré avec sa relaxe en 2010 par la cour d’appel de Paris dans l’affaire Technip, « La Sardine », 91 ans, repart à l’attaque avec son inséparable avocat Eric Duret.

Dix-huit mois d’efforts juridiques vains

Ce dernier use de sa vieille camaraderie avec Ramon Fonseca pour convaincre le cabinet panaméen Mossack Fonseca de l’aider à réveiller Collister et Ridgetop, leurs deux sociétés offshore en sommeil depuis près de dix ans, malgré les réticences du service « compliance » (vérification de la conformité) du cabinet à s’encombrer d’un client au pedigree si fourni.

Leur première cible : Bernard Tapie. « Réactiver Ridgetop me permettait de peser dans la négociation avec Bernard Tapie, afin de faire valoir mes 2 % dans Superior Ventures Capital », explique au Monde Eric Duret. Finalement, Bernard Tapie acceptera au terme d’une médiation, en 2012, de verser un peu plus de 4 millions d’euros sur les 11 réclamés par André Guelfi.

Mais ce dernier vise plus haut : en redonnant vie à Collister, il entend obtenir lui aussi « son » arbitrage, en réclamant 45 millions de dollars d’indemnités à Technip pour les contrats pétroliers annulés dans les années 1990 à cause de l’affaire Elf. Las ! Les dix-huit mois d’efforts juridiques mobilisés par son avocat pour réactiver Collister seront vains : entretemps, l’affaire a été prescrite, empêchant tout recours à l’arbitrage.

Le vieil homme, presque centenaire, a alors dû quitter Malte pour Saint-Barthélemy, à cause de son assignation à résidence en France. Jamais à court d’idées, il se met en tête de financer la construction d’une digue pour protéger le port de Gustavia et ses yachts de milliardaires. Et bien sûr, il monte pour cela chez Mossack Fonseca en février 2011 une nouvelle société offshore baptisée Darlen International SA, à laquelle il associe sa femme et sa fille. « C’était plus avantageux pour la fiscalité », reconnaît sans ambages son avocat Eric Duret, qui rappelle que son client avait déjà à ce moment-là la nationalité maltaise. Mais comme si l’histoire balbutiait, le projet échoue et Darlen est liquidée deux ans plus tard.

Erratum : contrairement à ce qui était écrit dans une première version de l’article, Eric Duret n’a pas aidé André Guelfi à créer Collister et les 2 % de Ridgetop dans SVCL étaient en « fiducie ».

Les commissions de Karachi exhumées par les « Panama papers »

L’archéologie judiciaire rendue possible par les « Panama papers » a aussi permis au Monde de déterrer l’un des fossiles de l’affaire dite de Karachi, où la justice française soupçonne que des rétrocommissions à la marge de grands contrats d’armement entre la France et l’Arabie saoudite puis le Pakistan ont financé la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, voire ensuite le camp chiraquien.

Lire : Affaire de Karachi : si vous avez raté un épisode

Parinvest Management Corp, une société-écran immatriculée aux îles Vierges britanniques et incorporée par Mossack Fonseca, supposée avoir hébergé plusieurs dizaines de millions d’euros issus des commissions versées aux intermédiaires, est citée dans de nombreux documents qui viennent préciser les étapes de sa vie offshore.

Créée le 2 octobre 1996 à la demande de la fiduciaire Indosuez, elle est administrée par une société intitulée Newgest Management. Deux personnes, dont les noms apparaissent aussi dans les données, possèdent un mandat de gestion sur Parinvest. Il s’agit de Khalid Bugshan et Wahib Nacer. Le premier est un homme d’affaires saoudien qui traite depuis de nombreuses années avec des grands groupes français. Le second fut son ami et il était alors employé au sein d’Indosuez, qui sera plus tard rachetée par le Crédit agricole.

C’est à sa demande que la société Parinvest fut créée. Selon des éléments établis par l’enquête judiciaire, Bugshan aurait touché 85 millions d’euros de la société française Sofresa via Parinvest.

A quoi cet argent était-il destiné ? A-t-il servi, comme l’a longtemps dit un autre intermédiaire, Ziad Takieddine, à payer des rétrocommissions au camp chiraquien ? Le banquier Wahib Nacer est un proche de l’homme d’affaire Alexandre Djouhri, lui-même alors très proche du secrétaire général de l’Elysée, Dominique de Villepin.

« Ce sont des comptes anciens »

Interrogé en mars 2015 par la justice française en marge de l’affaire des tableaux de Claude Guéant, M. Bugshan a indiqué à propos de Parinvest qu’il avait découvert son existence récemment. Il y a quatre ou cinq ans, « Wahib m’a dit que cette société avait des comptes dans la banque où Wahib travaillait, et ce sont des comptes anciens ». De fait, il semble que M. Nacer ait bénéficié d’une grande confiance de M. Bugshan dans la gestion d’un certain nombre d’affaires. Tel un notaire, c’est par exemple M. Nacer qui se porte garant auprès de Mossack Fonseca quant à l’authenticité du passeport de M. Bugshan lors de l’enregistrement d’une autre société, baptisée Tradexim.

Pour des raisons inconnues, le 7 mai 1998, la banque Indosuez demande à Mossack Fonseca que le pouvoir de M. Nacer sur la société soit annulé. Ce qui est fait. Plus tard, en novembre, un contrat de nantissement est signé au nom de M. Bugshan avec la fiduciaire Crédit agricole Indosuez. Cela revient à mettre en garantie la société Parinvest et des actifs qu’elle abrite. Pour quelle contrepartie ? M. Nacer est-il toujours à la manœuvre ? Est-ce un moyen de faire sortir de l’argent blanchi ? Contactés, ni M. Nacer ni M. Bugshan n’ont répondu à nos questions. Le 29 décembre 2003, la société sera finalement dissoute et avec elle les mystères sur la destination de l’argent.

Les « Panama papers » en trois points

  • Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
  • Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
  • Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.
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