[Critique série] PENNY DREADFUL – Saison 3

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Penny Dreadful

Note:
Origine : États-Unis/Grande-Bretagne
Créateur : John Logan
Réalisateurs : Damon Thomas, Toa Fraser, Paco Cabezas.
Distribution : Eva Green, Timothy Dalton, Rory Kinnear, Reeve Carney, Billie Piper, Harry Treadaway, Josh Hartnett, Patti LuPone, Wes Studi, Sarah Greene, Shazad Latif, Christian Camargo, Brian Cox…
Genre : Épouvante/Horreur/Drame/Thriller/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 9

Le Pitch :
Isolée dans la grande bâtisse de Malcolm Murray, Vanessa Ives accepte de suivre les conseils de son ami Ferdinand Lyle et d’aller voir une thérapeute, sans se douter qu’elle va à nouveau s’exposer au regard de la force qui cherche depuis des années à s’emparer de son âme. De son côté, Murray fait route vers le nouveau continent afin de retrouver la trace d’Ethan Chandler, emmené par des hommes du gouvernement pour être jugé sur les terres qui l’ont vu naître. Tandis que Londres se prépare à subir un cataclysme sans précédent, le Docteur Frankenstein continue ses travaux pour tenter de rappeler à ses côtés Lily, sa créature, qui pour sa part, nourrit avec Dorian Gray de bien sombres desseins. Enfin, John Clare part à la recherche de son passé, poursuivant son humanité perdue…


La Critique
 :
Le départ forcé d’Ethan Chandler, le cowboy loup-garou incarné par Josh Hartnett a précipité la séparation en plusieurs groupes des personnages de Penny Dreadful, comme pouvait le laisser penser l’ultime épisode de la saison 2. En route pour les Amériques, il est suivi de près par Malcolm Murray, tandis qu’à Londres se déchaînent des passions qui pourraient bien mettre en péril l’humanité toute entière. Pas de doute, John Logan, le showrunner de cette fresque gothique, n’a pas décidé, pour son troisième acte, de revoir à la baisse son ambition. Et pour cause, la saison 3 est la dernière ! Le couperet est tombé alors qu’était diffusé d’une traite la conclusion. 9 épisodes et puis c’est tout. La valse funèbre se clôturant sur un « The End » bien sobre…

Cela dit, si Penny Dreadful démontre lors de cet ultime tour de piste une volonté certaine de ne pas faire dans la simplicité, ses travers, surtout visibles dans la deuxième saison, n’ont pas été gommés pour autant. Le groupe est donc séparé en quatre : Chandler et Murray, Vanessa Ives, John Clare, et Frankenstein, Lily et Dorian Gray développent indépendamment leurs propres arcs narratifs, même si on se doute qu’à la fin, tous vont à nouveau se réunir pour contrer la menace qui se dessine dans les ruelles poisseuses de la capitale britannique. Pour autant, c’est Vanessa Ives, à savoir Eva Green, qui mène la danse. Tout revient toujours à elle et à sa propension à cristalliser les démons. Seuls Frankenstein, Lily et Dorian Gray évoluent totalement à part de ce qui peut toucher au destin de Vanessa Ives et non ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle tant cette saison 3 fait malheureusement encore preuve d’une incapacité de plus en plus flagrante à échouer quand il s’agit de mettre en valeur une multitude d’histoires parallèles.
Le plus flagrant ? Sans aucun doute le récit qui se focalise sur Lily et Frankenstein. La première échafaude des plans avec son amant Dorian Gray pour se venger des hommes (c’est une ancienne prostituée). Le deuxième cherche à récupérer la première en lui faisant entendre raison. Ce qui, dans les faits, est plutôt bien vu, mais qui reste, dans l’exécution, très maladroit. Surtout quand on se rend compte que tout ceci ne va pas très loin. Ainsi, quand le soufflet retombe, leur trajectoire commune apparaît comme un peu vaine. C’est une voie de garage. On s’attend à quelque chose qui ne vient jamais. Les thématiques sont intéressantes mais à l’écran, si on fait exception des quelques scènes stimulantes qui peuvent en découler, la seule véritable fonction de cette démarche scénaristique reste de noyer le poisson et de diluer quelque chose qui n’aurait pas dû l’être. Contrairement à l’arc narratif de John Clare, la créature de Frankenstein brillamment interprétée par Rory Kinnear, qui dégage une émotion tangible à elle seule très salvatrice quant au ressenti final.
Fatalement, dès lors que Penny Dreadful commence à se perdre en conjonctures, le bateau prend l’eau de toutes parts. Assez étrangement, les personnages, sans exception, adoptent des postures parfois carrément incompréhensibles. Ethan Chandler en particulier, dont l’influence de la jolie sorcière présentée dans la saison 2, ne sert strictement à rien, si ce n’est à venir nourrir une imagerie qui aurait dû se limiter aux éléments initiaux. Parfois à la lisière du ridicule, le parcours de Chandler contribue pour sa part à faire de cette saison la plus bancale de toutes. Si on pige rapidement pourquoi les scénaristes ont voulu aller fouiller du côté de ses origines, difficile de comprendre complètement où ils veulent en venir.

Le fait de voir John Logan miser encore et toujours sur de longues (interminables ?) tirades censées raccrocher les wagons avec les ambitions poétiques de la série, n’arrange rien. Surtout que ce dernier souhaite de toute évidence également en mettre plein les yeux de ses fans en enchaînant les morceaux de bravoure gore. Entre deux eaux, avec d’un côté cette patine toujours très littéraire, en lien direct avec les illustres ouvrages du répertoire victorien dont il s’inspire, et les affrontements et autres manifestations des forces du mal, le show fragilise sans même sembler s’en rendre compte ses fondations, et met en péril la bonne continuation de son intrigue. Et c’est quand apparaît le nouveau grand méchant, en lien direct avec la première (et meilleure) saison, qu’on devine effectivement où les choses vont se terminer. Là aussi les intentions ne sont pas forcément mauvaises, mais le traitement aurait mérité un peu plus de clarté.
Le problème, c’est que prises séparément, beaucoup de séquences de Penny Dreadful assurent et font même souvent preuve d’une belle flamboyance. C’est mises bout à bout qu’elles forment un tout incohérent. Au point même de se demander si John Logan n’a pas oublié un épisode au milieu qui aurait pu lier tous les éléments afin de donner un peu plus de lisibilité à une sauce faussement subtile.

Alors oui, la saison 3 est généreuse vu qu’elle rassemble beaucoup de ce que les deux premières nous ont présenté. Les loups-garous, les sorcières, les vampires, etc… Tout y est ! Le Docteur Jekyll passe même une tête ! Mais pas longtemps malheureusement, vu qu’il est réduit au rôle de simple faire-valoir, et tant pis si il clame le contraire. Là encore, c’est très symptomatique de tout ce qui cloche dans cette conclusion précipitée pour des raisons inconnues. Pourquoi avoir rameuté Jekyll si c’était pour ne pas l’exploiter à sa juste valeur ? En quoi devait-il servir les autres et ne pas suivre sa propre trajectoire ? Anecdotique il est et anecdotique il reste.

Bien heureusement, Penny Dreadful ne perd rien de son éclat. Visuellement, la série est toujours aussi belle. Plus que par les mots, le lyrisme passe par les images. Par la photographie, les acteurs, remarquablement mis en lumière, ou encore grâce à la mise en scène, généralement inspirée. Eva Green, Josh Hartnett, Timothy Dalton et les autres font un boulot admirable, même si pour certains, le script aurait tendance à les pousser à en faire des tonnes.
Entre le désert brûlant et la froideur des rues de Londres, Penny Dreadful joue sur les contrastes et reste l’un des shows les plus spectaculaires de la télévision. À l’instar des livres dont elle puise son essence, la série tire sa force des images qu’elle impose. Dommage donc, encore et toujours, qu’elle échoue à aller au bout de sa démarche, jouant trop souvent les mauvaises cartes et paradoxalement, en optant dans certains cas de figure pour des points de suspension, sans oser y aller franchement et prendre des risques. Peut-être par manque de temps, John Logan a loupé le coche. Seule Vanessa Ives semble l’intéresser vraiment, au détriment d’une large partie des autres. Mais vu tout ce qui a précédé, difficile d’adhérer totalement. Rien n’y fait. N’y les larmes de John Clare, ni le grand-guignol un peu trop appuyé, ni la musique, toujours superbe.
Si on considère la maîtrise des débuts, il est logique d’attendre beaucoup de Penny Dreadful et c’est donc à la suite d’une seconde saison en dents de scie que la série, après nous avoir fait croire, l’espace de 2 épisodes, qu’elle avait définitivement redressé la barre, se détourne à nouveau pour ne jamais revenir. Sans parler de naufrage, on peut par contre légitimement parler de déception.

@ Gilles Rolland

  Crédits photo : Showtime/Netflix