Mes amis de Emmanuel BOVE

Par Lecturissime

"Est-ce donc si difficile de se comprendre sur terre ?"

Mes amis est le premier roman d'Emmanuel Bove. Le roman connut un beau succés au moment de sa parution en 1924 avant de tomber dans l'oubli avec son auteur, mort praméturément en 1945. Il raconte la quête de Victor Bâton. Bénéficiant d'une maigre pension de guerre, il ne travaille plus et erre dans la ville de Montrouge portant un regard sans complaisance sur lui-même et sur le monde qui l'entoure. Pourtant, il clame son envie de se faire des amis : "La solitude me pèse. J'aimerais à avoir un ami, un véritable ami, ou bien une maîtresse à qui je confierais mes peines. Quand on erre, toute une journée, sans parler, on se sent las, le soir dans sa chambre." p. 50

Malheureusement, il va gâcher tous les balbutiements de relations qui pourront s'ébaucher entre lui et les autres, comme si finalement, il préférait sa solitude aux autres, préférant se plaindre, être plaint et se croire victime de l'injustice des autres, plutôt que d'assumer une véritable relation, qu'elle soit amicale, amoureuse ou professionnelle. Victor Bâton est un personnage qui se fait d'abord une idée des choses et voit selon son idée, selon le sentiment que lui inspire cette idée. Il souffre d'un trop plein d'imagination.

"Un homme comme moi, qui ne travaille pas, qui ne veut pas travailler, sera toujours détesté.

J'étais, dans cette maison d'ouvrier, le fou, qu'au fond, tous auraient voulu être. J'étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J'étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable." p. 168

Avec ce roman où il ne se passe rien, Emmanuel Bove bouleversa la littérature française : son écriture, alliant subtilement densité du style et simplicité formelle, se double d'une ironie mordante qui a traversé les années. Il a renouvelé la pratique du roman psychologique de l'époque en cernant la vérité de tous les jours, S'il revient au devant de la scène actuellement, selon François Ouellet, c'est à cause de :

"Le narcissisme individualiste de notre société, profondément viciée par la perte des certitudes et une valorisation des rapports égalitaires au profit d'une posture victimaire s'exerçant au détriment de la responsabilité citoyenne. (...) Anti-héros postmoderne, qui rachète sa défaite, son impuissance à vivre, par sa grandeur d'âme et la beauté de sa solitude, Bâton luit comme une étoile au firmament des névrosés fin de millénaire."

Ce que j'ai moins aimé : j'ai toujours quelques difficultés avec les anti-héros en littérature ...

Présentation de l'éditeur : Editions de l'arbre vengeur

D'autres avis : Le magazine littéraire ; Le Matricule des anges ;

Mes amis, Emmanuel Bove, Editions de l'arbre vengeur, 2015, 244 p., 17 euros