La boîte de pandore, histoire de la photo conceptuelle

Publié le 22 juin 2016 par Le Collectionneur Moderne @LeCollecModerne

Exposition La Boîte de Pandore : histoire de la photographie conceptuelle

Du 25/03 au 17/07
Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris a invité l’artiste Jan Dibbets à exposer sa vision de l’histoire de la photographie. “La boîte de Pandore” la présente comme un médium aux ressources infinies qui est voué à détrôner la peinture parmi les beaux-arts.
Focalisée sur les évolutions techniques et conceptuelles du médium, l’exposition rassemble quelques chefs d’oeuvre, des clichés oubliés ainsi qu’un panorama des dernières évolutions numériques.

Marie Durocher et Frank Puaux

Informations pratiques
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
11 avenue du Président Wilson, 75116 Paris
Horaires : tlj de 10h à 18h sauf le lundi
Nocturnes : le jeudi jusqu’à 22h
Tarifs : 9€ (tarif réduit : 6€)
Page officielle de l’exposition sur mam.paris.fr

Meret Oppenheim, Radiographie du crâne de M.O, 1964 / photo Peter Freeman Inc © ADAGP, Paris 2016

UNE APPROCHE EXPÉRIMENTALE DE L’HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE

Jan Dibbets considère la photographie comme « une invention diabolique », une boîte de Pandore que Nicéphore Niépce a ouvert en 1824 et dont personne n’aurait pu imaginer les implications artistiques à long terme.

  • Etienne Léopold Trouvelot, Étincelles (bobine de Ruhmkorff), 1888 / Musée des Arts et Métiers
  • Etienne Jules Marey, Saut à la perche, 1882 / Archives du Collège de France, Paris
  • Anonyme, Portrait Multiple de Marcel Duchamp, 1917 / Centre Pompidou, Mnam/Cci
  • Gustave Le Gray, Mer Méditerranée : Sète, 1857 / MuCEM, Marseille
  • Hiroshi Sugimoto, Mediterranean Sea, La Galère, 1989 / Musée d’art contemporain, Lyon

Cet artiste majeur de la photographie conceptuelle focalise son panorama historique sur les expérimentations techniques et fonctionnelles du médium. Passant sous silence les mouvements pictorialistes, humanistes et tous les autres acteurs qu’il rassemble sous le terme gentiment péjoratif de « belle photo » (à ce sujet, voir notre article : Histoire de la photographie en 5 minutes), il choisit de concentrer son discours sur les jalons expérimentaux de la photographie et convoque des images qui ne sont pas souvent considérées dans le champ de l’histoire de l’art.

L’HÉRITAGE SCIENTIFIQUE DE LA PHOTOGRAPHIQUE PLASTICIENNE

Jan Dibbets expose des clichés scientifiques, dont la vocation originelle n’était pas artistique, mais qui furent d’une influence décisive sur l’évolution de la photographie. Les œuvres qui l’intéressent sont celles qui repoussent les limites, qui innovent et s’interrogent sur leur statut :  celles qui envisagent la photographie comme un moyen, jamais comme une fin.

« La photographie plasticienne a bien davantage profité de la photographie scientifique du XIXème siècle que de toutes ces “belles” photos prises à l’époque. Qu’avons-nous appris de ces beaux arbres, paysages, etc ? Tout cela a été mieux fait en peinture. » Jan Dibbets

NASA, Viking Lander 1, First Colour Photo Taken on Mars, 1976 / courtesy Daniel Blau, Munich

Les précurseurs scientifiques rencontrent les pionniers de la photographie plasticienne dans une scénographie malheureusement assez avare en commentaires. Les chronophotographies d’Eadweard Muybridge (qui ont permis d’appréhender la décomposition du mouvement), côtoient des microphotographies de Léon Foucault, des clichés solaires de Jules Janssen ou des radiographies de Wilhelm Conrad Röntgen, et sont mises en regard avec les travaux expérimentaux d’Alfred Stieglitz, Man Ray, Moholy-Nagy… ou d’artistes contemporains, tels que Hiroshi Sugimoto ou Thomas Ruff.

Vue de l’exposition : œuvres de Bernd & Hilla Becher, Gilbert & Georges et Braco Dimitrijevic…

RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET OBJETS PHOTOGRAPHIQUES

La notion « d’objet photographique » permet d’appréhender les dernières évolutions de la photographie, qui l’éloignent de plus en plus de la figuration et de la bidimensionnalité. Ce concept a été développé par Markus Kramer, théoricien de la photographie et conseiller de Jan Dibbets pour cette exposition : il lui permet de regrouper des œuvres conçues via un processus numérique, mais dont le résultat plastique n’évoque presque plus la photographie au sens traditionnel du terme.

  • Seth Price, Untitled, 2008, impression jet d’encre et peinture acrylique / collection particulière
  • Spiros Hadjidjanos, Scabiosa Columbaria + Anthus Mollis, 2014, impression 3D en alumide et couche d’aluminium / collection particulière
  • Karl Blossfeldt, Working-collage 33, 1898-1928 / collection Ann et Jürgen Wilde, Zülpich
  • Liz Deschenes, Green Screen #4, 2001, impression jet d’encre sur support laminé UV / courtesy the artist & galerie Compoli Presti, Paris

À travers les œuvres de Thomas Ruff, qui agrandit et instrumentalise ses motifs, ou avec les impressions 3D de Spiros Hadjudjanos et les matériaux expérimentaux de Seth Price, cette dernière section met en évidence la relation particulière qui se poursuit encore aujourd’hui entre la science et l’art. L’essor de l’informatique conduit les artistes contemporains à prendre de plus en plus de distance avec les références matérielles de l’image, jusqu’à créer des motifs purement numériques.

Jan Dibbets perçoit le médium photographique comme un moyen de questionner la perception visuelle. Citant le philosophe Vilèm Flusser, il prône une approche scientifique de l’image photographique qui serait à même de bouleverser notre perception du monde.

Le principe photographique semble ici poussé à l’extrême… mais il n’a pourtant pas encore fini de dévoiler son potentiel créateur.

À LIRE ÉGALEMENT :

  • Histoire de la photographie en 5 minutes
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