Yemen : la france demandera-t-elle a son partenaire saoudien de proteger les civils ?

Publié le 27 juin 2016 par Cmasson

GUERRE AU YEMEN
VISITE DU MINISTRE DE LA DEFENSE SAOUDIEN A PARIS.
LA FRANCE DEMANDERA-T-ELLE A SON PARTENAIRE SAOUDIEN DE PROTEGER LES CIVILS ?


Une occasion à ne pas manquer pour aborder la protection des civils

Action contre la Faim est l’une des rares organisations non gouvernementales encore présentes et actives au Yémen. Depuis le début des combats en mars 2015, nous n’avons eu de cesse d’alerter l’opinion publique et les autorités françaises sur la situation catastrophique dans laquelle se trouve la population du pays. La visite du Vice-prince héritier et Ministre de la défense saoudien Mohammed bin Salman bin Abdul Aziz, ce lundi 27 juin à Paris, doit être l’occasion d‘aborder la question de l’application du Droit International Humanitaire au Yémen dans la conduite des opérations militaires afin de protéger les civils. A la tête de la coalition armée, le Ministre est la personne la plus à même d’influer sur la conduite des hostilités et de fait sur les conditions de vie des Yéménites. Nous espérons que la France prendra enfin ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et œuvrera activement à la résolution de ce conflit meurtrier pour les civils.

L’une des pires crises humanitaires au monde

Plus d’une année de violences a mené l’un des pays les plus pauvres du monde dans le chaos. L’impact du conflit est dramatique pour les Yéménites : 82% de la population, soit 21,2 millions de personnes, dépendent de l’aide humanitaire ; 2,75 millions sont déplacées ; des dizaines d’écoles et d’hôpitaux ont été les cibles d’attaques ; 14,1 millions de Yéménites sont en situation d’insécurité alimentaire et les cas de malnutrition se comptent aujourd’hui par centaines de milliers. L’état nutritionnel de la population et l’état d’insécurité alimentaire vont pourtant continuer à se détériorer si la population n'a pas accès à l'aide humanitaire dont elle a besoin et à des moyens de subsistance.

Plus de 7 millions de personnes (25% de la population) se trouvent en situation d’urgence (IPC Niveau 4 : juste avant le niveau de famine), tandis que 26% de la population est en situation de crise (IPC Niveau 3). La sécurité alimentaire et nutritionnelle est en constante détérioration en raison du conflit, du blocus de facto, des restrictions, des pénuries, de l’augmentation des prix (le panier moyen ayant augmenté de 17% sur l’ensemble du pays et jusqu’à 60 % dans certaines zones  tandis que le carburant a augmenté jusqu’à + 76% par rapport à avant la crise) et de l'absence de services de base, de soins, d'assainissement et d'eau potable.

La cessation des hostilités conclue le 10 avril, préalable aux discussions de paix toujours en cours au Koweït, représentait un premier espoir après des mois de négociations stériles. Malheureusement, les nombreuses violations de cet accord observées sur le terrain sont autant de freins à l’avancée du processus de paix. ACF rappelle que ce processus doit permettre de lever au plus vite les nombreux obstacles mis en place par toutes les parties au conflit en vue de garantir un accès humanitaire inconditionnel aux populations vulnérables  et aussi de faciliter l’acheminement de l’aide.

L’inaction de la France, partenaire privilégiée de l’une des parties au conflit, questionne

Les visites d’officiels saoudiens en France ou de dignitaires français en Arabie saoudite et dans le Golfe se sont multipliées ces derniers mois (jusqu’à la réception du ministre de l’Intérieur saoudien le 4 mars à l’occasion de laquelle il a reçu la légion d’honneur) il semble qu’elles aient essentiellement concerné les échanges commerciaux entre les deux pays, particulièrement en matière d’armement [1]. A ce jour elles n’ont pas été suivi d’une condamnation publique des nombreuses violations du Droit International Humanitaire au Yémen par toutes les parties au conflit, ni d’une dénonciation des obstacles permanents rencontrés par les acteurs humanitaires pour venir en aide à la population. Action contre la Faim espère également que la France suivra la résolution du Parlement européen demandant la mise en place d’un embargo sur les armes vendues à l’Arabie Saoudite et ne participera plus aux violations du droit humanitaire en cours au Yémen.

Le silence français et international sur la crise en cours au Yémen, pourtant l’une des trois plus graves au monde, se traduit également par le sous-financement de la réponse humanitaire : 25% des fonds nécessaires pour 2016 ont pour l’instant été reçus, et sans mobilisation significative de la France, là non plus.


Contacts presse :
A Amman : Florian Seriex / fseriex@me.acfspain.org / +962 778 367 673
A Paris : Julia Belusa / jbelusa@actioncontrelafaim.org / + 33 1 43 35 82 22

[1] Selon le Rapport 2015 au Parlement sur les exportations d’armement de la France, en 2014 les commandes saoudiennes en armement français s’élevaient à plus de 3,5 milliards d’euros et sont en augmentation croissante depuis 2012.