Les enjeux de la sculpture contemporaine

Publié le 27 juin 2016 par Aicasc @aica_sc

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

 

Deux récentes expositions de la Fondation Clément  ont aidé tout visiteur avisé  à percevoir  des modes sculpturaux distincts.  De l’un à l’autre, la physionomie de l’œuvre, son  processus de fabrication, sa relation à l’espace et au spectateur diffèrent.

Dans la nef, des structures monolithiques, ancrées au sol, statiques, des  totems polychromes, exécutés dans un matériau traditionnel, le bois, dont l’artiste a dégagé une forme à l’aide de la technique classique de la taille directe. Le volume en ronde – bosse est indépendant ; on peut en faire le tour, l’appréhender dans son ensemble  et le regarder sous toutes ses faces.

De l’autre, comme en flottaison, un assemblage d’éléments autonomes dont chacun garde son identité, des matériaux inattendus voire incongrus mais conformes à la pratique contemporaine de recherche de nouveaux matériaux. Ce sont des œuvres accrochées, suspendues. Une installation que le spectateur expérimente en déambulant en son sein. Légèreté, fragilité, oscillation, transparence, miroitement.

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

Ernest Breleur veut toujours inscrire sont travail dans le temps du monde. Il conçoit son œuvre dans le mouvement de l’art contemporain, il pense qu’un artiste doit remettre en question l’aspect physique de  l’œuvre.  Il s’agit pour lui de susciter de nouvelles sensations, de nouvelles relations, de nouvelles perceptions.  Enfin, de nouvelles expériences esthétiques, sensibles et poétiques. Ernest Breleur se dit toujours hanté par la contemporanéité de son œuvre.

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

 Les artistes contemporains ont rejeté les matériaux académiques considérés comme «  nobles », marbre ou bois,  pour travailler avec des vêtements comme Christian Boltanski, des matériaux organiques transformés par le temps comme Michel Blazy, le chocolat comme Vik Muniz ou la charcuterie comme Natasha Lesieur et même le sucre comme Boltanski.  Wolfgang Leib crée avec des matières naturelles, pollen, riz ; James Turell avec la lumière,  Walter de Maria avec  l’énergie de l’orage, d’autres avec le végétal, le son, les ombres, le temps. Le progrès de la technologie et l’émergence de l’imagerie médicale numérique  ont  contraint Ernest Breleur à trouver une alternative au film radiographique qu’il découpait, sculptait, assemblait depuis 1990, remplacé aujourd’hui par du rhodoïd bleuté auquel viennent s’adjoindre des colifichets et fanfreluches féminins populaires et bon marché dans l’inattendu de leur rencontre et qui amènent couleurs et fantaisie.

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

Ces petits éléments manufacturés présents dans les œuvres d’Ernest Breleur se retrouvent aussi dans les installations de Hewe Locke et Ebony G . Patterson, mais chacun de ces trois plasticiens ont une intention spécifique et originale.

Si les éléments intégrés dans les installations accumulatives de Hewe Locke conservent leur individualité, ils participent   ensemble à former un tout cohérent et à construire  la figure finale. Ebony G. Patterson choisit ses ornements féminins, fleurs en soie ou en papier, guirlandes, dentelles pour questionner la construction de la virilité dans le monde du dance – hall. Ces babioles fonctionnent comme des touches de couleur parsemées çà et là,  tout  comme dans les créations d’Ernest Breleur où la circulation de la couleur se veut musicale. Les touches colorées sont réparties comme des notes de musique qui dialoguent et se répondent. C’est dire que le sonore est inscrit au cœur des œuvres récentes.

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

Les modalités de l’installation des sculptures dans l’espace ont évolué. Elles ne sont plus suspendues au plafond comme les Métamorphes ou la Tribu perdue. Elles se démarquent donc de la Sculpture de Voyage de Duchamp(1913), des Pénétrables de De Soto, des mobiles de Calder, des installations, Les restes ou En observation d’Annette Messager. Suspendus à une potence intégrée à l’harmonie colorée, détachés du mur, les objets d’Ernest Breleur, dans une nouvelle relation à l’espace, fonctionnent à la fois comme des tableaux et des sculptures.

Ernest Breleur questionne la notion de sculpture et cherche à la  renouveler. Il n’y a aucune hiérarchie dans l’objet, le regard le traverse et se perd car tout est transparence et reflet dans cette exposition : translucidité du matériau, reflet des formes dans le papier – miroir, jeu des ombres portées. Vide et plein s’associent pour définir les formes. Le projet entamé depuis les sculptures radiographiques se poursuit,  à savoir donner une forme au vide.

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

Ce qu’il propose au spectateur, dont il sollicite la participation active, c’ est avant tout une élévation de la pensée. L’œuvre n’est plus conçue comme un objet matériel immuable mais comme un espace au sein duquel  le spectateur déambule pour vivre une expérience esthétique originale, une expérience sensorielle inédite et éphémère. C’est la totalité du corps  qui est  mise  à l’épreuve dans la construction du sens.

En s’immisçant dans le champ de la sculpture contemporaine Breleur a toujours cherché à loger le poétique, le beau, le sensible, le sublime au cœur de son œuvre. Dans son travail récent,  il se détourne d’une poétique grave pour nous entrainer vers  une poétique du merveilleux: un baroque flamboyant.

Monique Mirabel et Dominique Brebion

Ernest Breleur
Le vivant passage par le féminin
Fondation Clément
2016

Louis Laouchez
Chemins de Mémoires
Fondation Clément

D’un coté
De l’autre

Sculpture
Installation

Ancrée au sol
Suspendue

Monolithique
Fragmentée, Morcelée, Lamellisée

Statique
Oscillante

Matériau traditionnel : bois
Matériaux non conventionnels

Taille directe
Assemblage

On tourne autour
On déambule dedans