Quelques vérités sur "l'aménagement du temps de travail"

Publié le 17 juin 2008 par Slovar

Les syndicats sont en colère et (c'est une première) le MEDEF est d'accord avec eux (mais pour un motif différent : Le passage en force du gouvernement).
Cette colère repose sur l'introduction inopinée d'un texte sur un nouvel assouplissement des 35H00 dans un projet (discuté et approuvé par les partenaires sociaux) de représentativité syndicale.
La ficelle est pourtant assez grosse mais Xavier BERTRAND face au tollé adopte une attitude particulièrement malhonnête. Certains (dont nous sommes) diront que ses nouvelles fonctions de n°2 de l'UMP n'y sont pas probablement étrangères.
Que dit le Ministre :
"Dès le 18 juin 2007, le Gouvernement a transmis un document d’orientation invitant les partenaires sociaux à négocier sur les critères de la représentativité, les règles de validité des accords et la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises ... / ... "
Jusque là rien à dire puisqu'il s'agit d'une négociation entre partenaires sociaux.
"Ce document a été complété le 26 décembre 2007 par l’envoi d’un document additionnel leur demandant d’élargir leurs négociations d’une part à la question du financement des organisations syndicales et professionnelles, et d’autre part au sujet du temps de travail, leur soumettant notamment la question des domaines respectifs de la loi et de la négociation collective en la matière ... / ... "
Dans la série additionner choux et carottes le Ministre s'y entend. La technique est connue : Noyer un texte qui n'a strictement rien à voir dans d'autres que les partenaires ne peuvent refuser sous peine de rendre caduc l'ensemble n'est pas nouveau. Pas nouveau mais surtout méprisable.
"Le 10 avril dernier une position commune a été actée entre le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT sur ces questions. ... / ...Conformément à la Position commune, le projet de texte prévoit que désormais la représentativité s’acquiert dans l’entreprise, le lieu où s’exprime le plus directement et le plus pratiquement possible les relations sociales, pour remonter jusqu’au niveau national ... / ... C’est une avancée très importante pour l’accès à la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais il y a aussi plus généralement une autre question : celle des 4 millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés. La position commune a prévu un groupe de travail sur ces questions et j’ai bien noté l’intention des signataires de le réunir dès le mois de juin, sans attendre l’échéance de septembre qu’ils s’étaient fixés initialement ... / ... "
Nous avons ici la confirmation du travail de négociation des partenaires sociaux effectuée sans que les pouvoirs publics s'en mêlent. Et brutalement, on découvre le "piège" tendu aux négociateurs.
" Enfin, la troisième partie du texte s’attache à offrir plus d’espace à la négociation d’entreprise ou de branche dans l’organisation et l’aménagement du temps de travail dans les entreprises ... / ... Pour promouvoir le dialogue social sur le temps de travail, le document d’orientation du 26 décembre 2007 invitait donc les partenaires sociaux à repenser la définition des champs respectifs de la loi et de la négociation collective. La loi a en effet vocation à définir les règles nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité de salariés, et la négociation collective peut voir ses prérogatives étendues, notamment en matière de contingent et de repos compensateur ... / ... nous nous inscrivons dans la logique de donner plus d’espace à la négociation d’entreprise, sur le sujet du contingent comme, plus généralement, sur celui de l’aménagement du temps de travail.
C’est un point de désaccord avec certains signataires de la Position commune, car il est clair depuis l’origine, et ceci a été dit en décembre 2007, que nous voulons réformer largement les règles issues des 35 heures pour favoriser une organisation du temps de travail adaptée à chaque entreprise.
... / ... Le projet fixe ainsi des règles simples : on pourra par accord d’entreprise fixer toutes les règles en matière de contingent et de repos compensateur. On pourra dépasser le contingent en consultant les institutions représentatives du personnel et faire faire plus facilement des heures supplémentaires ... / ... " Intégralité du texte sur le site du Premier Ministre
Le gouvernement a pris les partenaires sociaux pour des imbéciles et leur dit clairement. On est bien loin du "Les réformes doivent conjuguer les nécessités de l’action et la pratique du dialogue social», précisant : «Le dialogue social ne doit pas être un alibi à l’inaction; mais l’urgence de l’action ne saurait justifier qu’on méprise le dialogue social.» de Nicolas SARKOZY le 18 septembre 2007 au Sénat. L'Etat fera plier l'ensemble des salariés quoi qu'il puisse se passer !!!
Ce que Xavier BERTRAND veut changer
Les modalités d’aménagement du temps de travail seront-elles modifiées ?
Par accord d’entreprise ou, par défaut, de branche, l’employeur pourra mettre en place des aménagements d’horaires spécifiques (annualisation, travail saisonnier cyclique, temps partiel modulé). L’accord d’entreprise pourrait aussi fixer un délai, qui pourrait être raccourci, pour prévenir les salariés d’un changement d’horaires.
Annualisation ?
'Horaires annualisés' ou 'annualisation du temps de travail' sont les expressions utilisées pour décrire des régimes permettant de calculer et de planifier le temps de travail (et les salaires) des salariés sur une période supérieure à une semaine, qui est traditionnellement la référence dans la plupart des pays. Au sens strict, cette période devrait être d’un an, mais nous engloberons ici tous les systèmes dont la période de référence est supérieure à une semaine. Source EuroFound Europa
A noter le commentaire suivant sur EIROnline (european industrial relations observatory on-line) : "Étant donné le souhait des salariés de maîtriser leur propre temps de travail et de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale/privée, et l’intérêt des employeurs pour des méthodes d’organisation du travail plus effectives, le recours à l’annualisation peut constituer une solution nouvelle et bénéfique pour tous en matière d’aménagement du temps de travail. Néanmoins, l’annualisation peut également être utilisée pour contourner la législation établissant des plafonds journaliers et hebdomadaires au temps de travail de tous les travailleurs, y compris les groupes les plus vulnérables de la force de travail tels que les jeunes. En tant que tels, les régimes d’annualisation devraient être déterminés non seulement par des raisons économiques mais également sociales" L'annualisation du temps de travail en Europe ... / ... "
Le régime des forfaits heures annuels sera-t-il étendu ?
Jusqu’à présent réservés aux cadres et aux salariés itinérants (commerciaux, VRP...), dont les horaires sont difficiles à déterminer à l’avance, les forfaits annuels heures, qui échappent aux heures supplémentaires, pourront être étendus aux salariés « autonomes dans l’organisation de leur travail ». L’employeur pourra dans ce cas fixer, par convention individuelle, la durée de travail de ses salariés au-delà des 35 heures par semaine dans la limite des durées maximales autorisées. Soit 48H00 pour l'Union européenne
Travailler plus pour gagner plus ? : Les heures supplémentaires risquent-elles d ’être moins payées ?
Rien ne changera, selon le gouvernement. A moins que ... pour combler le déficit le gouvernement ne décide dans un premier temps de refiscaliser les heures supplémentaires !!!
Le code du travail dit que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la 35 e heure donnent droit à une majoration de salaire de 25 %, puis de 50 % à partir de la 44 e. Mais il stipule aussi qu’une convention collective, un accord d ’ entreprise ou d ’ établissement peut fixer une majoration plus faible, avec un minimum de 10 %. Par ailleurs, le paiement de « tout ou partie » des heures sup' effectuées au-delà du contingent autorisé pourra être remplacé par un repos. Toutes ces clauses devront être renégociées d ’ ici fin 2009. Source Le Télégrame
Ce qu'en pense Bernard Thibault de la CGT
"De nombreuses dispositions, comme l'extension du travail au forfait (en heures, en jours, mensuel ou annuel), l'instauration de conventions individuelles et les libertés de laisser se fixer unilatéralement les horaires de travail, représentent un risque de régression du droit des salariés sans précédent", s'insurge Bernard Thibault. "A titre d'exemple, les cadres au forfait pourraient travailler 275 jours ouvrés par an; d'autres salariés verraient leurs horaires modulés d'une semaine à l'autre, à l'image de ce que subissent aujourd'hui les caissières ou les salariés de l'automobile", souligne le dirigeant syndical, ajoutant que le projet de loi "prévoit de rendre caducs tous les accords sur le temps de travail au 30 décembre 2009".
Ce qu'en pense le responsable CGPME de Bretagne ?
Que pensez-vous de l’avant-projet du gouvernement sur le temps de travail ?
Les propositions de Xavier Bertrand vont dans le bon sens. Les PME ont besoin de réactivité, et donc de souplesse, pour répondre aux attentes du marché et à la concurrence internationale. Il me semble cohérent économiquement de pouvoir négocier directement en interne dans l’entreprise pour fixer les contingents d’heures supplémentaires dans les limites autorisées.
Comment faire lorsqu’il n’y a pas de structures syndicales dans l’entreprise ?
Dans la grande majorité des PME, il n’y a pas d’organisation syndicale. Dans ces conditions, nous souhaitons pouvoir organiser un référendum auprès des salariés pour aboutir à un accord collectif. Si une majorité se dégage en faveur des heures supplémentaires, on le fait dans le cadre d’un accord gagnant-gagnant. Source Le Télégrame
Décryptage
Un inspecteur du Travail : Gérard FILOCHE
L’article 15-1 du projet a de quoi mettre en colère la France salariée entière : il vise toutes les clauses concernant les heures supplémentaires, elles devront être renégociées d’ici au 1er janvier 2010 de façon à supprimer les majorations et les repos compensateurs qui leur sont afférents. Pareil pour l’article 16 (nouvel article L 3128-38) : la durée du travail de tout salarié peut être fixée sans accord collectif préalable par une convention individuelle de forfait en heures, sur la semaine ou le mois.
Les employeurs pourront ainsi ne plus payer les majorations des heures supplémentaires, la durée pourra être supérieure à 1607 h c’est à dire inclure les ex-heures supplémentaires. L’obligation de comptabiliser les heures sera supprimée, ainsi que les limites journalières et hebdomadaires. Cette obligation de travailler plus se fera à salaire constant. Le nombre maximum de 218 jours pourra être dépassé, c’est-à-dire qu’il pourra être atteint 365 jours, moins 52 dimanches, 8 jours fériés, 5 semaines de congés payés, soit 275 jours sans enfreindre le droit du travail... Il sera possible de travailler 53 jours de plus sans hausse de salaire... Les clauses de garantie des articles L3121-42 à 44 + L 3121-51) seront supprimées. Il y aura suppression de la justification économique de l’annualisation, des limites de 10 h et de 48 h, des programmations préalables dans un calendrier à l’année des périodes hautes et basses (article 17) - Source D & S
Article sur France 24
Est-ce la fin des 35 heures dans la pratique ?
Oui, dans certaines entreprises. "Si les 35 heures conviennent, comme dans certains secteurs, on pourra rester aux 35 heures. Par contre, il y a des endroits où les 35 heures bloquent, et on pourra travailler au-delà en négociant en entreprise", selon le ministre du Travail Xavier Bertrand. Il faudra un accord signé par des syndicats représentant au moins 30% du personnel et qu'il n'y ait pas d'opposition déclarée de syndicats représentant 50% des salariés.
Y aura-t-il encore une durée maximale du travail ?
Oui, pour la santé publique. Le texte conserve les durées maximales de travail (10 heures par jour, 48H par semaine) et les repos (au moins 11 heures par jour, 24H par semaine).
Les salariés verront-ils leur planning modifié ?
Un accord d'entreprise pourra redéfinir les modalités d'aménagement du temps de travail, modulation des horaires, jours de RTT, cycle de travail, etc.., relever le contingent d'heures supplémentaires et organiser la répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l'année.
Les salariés seront-ils tous traités pareil ?
Non, la durée du travail de tout salarié pourra être fixée par un avenant à son contrat de travail appelé "convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois", voire "sur l'année".
Les heures supplémentaires risquent-elles d'être moins payées ?
Oui et non. Rien ne changera, selon le gouvernement. Le code du travail dit que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la 35e heure donnent droit à une majoration de salaire de 25%, puis de 50% à partir de la 44e. Mais il stipule aussi qu'une convention collective, un accord d'entreprise ou d'établissement peut fixer une majoration plus faible, avec un minimum de 10%. Par ailleurs, le paiement de "tout ou partie" des heures sup' effectuées au-delà du contingent autorisé pourra être remplacé par un repos.
Mais, puisque ni le MEDEF ni les syndicats n'étaient demandeurs, pourquoi cette précipitation gouvernementale ? Envie de faire plaisir aux électeurs de l'UMP ? Idéologie ?
Non, il faut plutôt se pencher sur les textes publiés sur le site de Business Europe dont le président est le sémillant Ernest Antoine Sellières. Nous attirons l'attention du lecteurs sur un document (en anglais) dont le titre est : " Reform European social systems to respond to global challenges" qui est résumé de la façon suivante :
Stimulate the flexicurity debate for more growth and jobs (stimuler la flexi sécurité pour plus de croissance et d'emplois)
Secure the availability of skilled workforce (e.g. through economic immigration) (garantir la disponibilité de main d'oeuvre qualifiée (par exemple par l'immigration économique)
Adapt social systems to an ageing population (Adapter les systèmes sociaux à une population vieillissante)
Give the necessary space for the social dialogue (Donnez l'espace nécessaire au dialogue social)
Vous êtes certain de ne pas avoir déjà entendu ou lu la même chose quelque part ? Dans la bouche du Ministre par exemple ?
Quant au consensus syndicat et MEDEF, il est mort ce matin puisque Laurence PARISOT a déclaré : Le projet de réforme du temps de travail est "intrinsèquement un bon texte". C'est ce qu'a assuré, mardi 17 juin, Laurence Parisot.
"Nous aurions préféré qu'une autre voie soit prise pour faire évoluer les choses sur la durée du travail, ce n'est pas la voie qui a été choisie par le gouvernement, nous prenons acte. Cela dit, je n'hésite pas à dire que nous considérons que le texte du gouvernement est un bon texte", a déclaré la présidente du Medef à l'occasion de sa conférence de presse mensuelle ... / ... " Source Challenge
"Give the necessary space for the social dialogue" dit le texte de Business Europe. Nous nous demandons si cette phrase n’est pas tout simplement pas d'un trait d'humour ... noir
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Faujour

Libellés : code du travail, gouvernement, medef, syndicats