Auteurs : Joseph Fink et Jeffrey Cranor
Plaisir de lecture :
Nichée au cœur du désert, Night Vale est une ville paisible où les habitants dorment sur leurs deux oreilles, quand ils n’écoutent pas la radio. Diane s’inquiète de ne pas revoir son collègue de travail, mais toute l’équipe semble ne plus se souvenir de lui. Elle doit également gérer un adolescent au tempérament houleux et qui change de physique régulièrement – et elle n’aime pas vraiment quand il s’affuble de plusieurs paires d’yeux comme une araignée, les lundis après-midi. Et puis, il y a ce satané papier indiquant « King City » qui refuse de quitter sa main, même quand elle est plâtrée. Décidément, certaines journées commencent plutôt mal.
Hier soir, lors d’une conférence de presse, le Conseil municipal a rappelé à tout un chacun que le parc à chiens devait profiter à l’ensemble de la communauté, et qu’il était donc important que personne n’y entre, ne le regarde ou ne lui accorde ne serait-ce qu’une pensée. Ils ont prévu d’ajouter un nouveau système de caméras très avancé afin de garder en permanence un œil sur sa grande enceinte noire, et si quelqu’un s’avisait d’essayer de la franchir, il y serait effectivement contraint et l’on n’entendrait plus jamais parler de lui. Si vous voyez des silhouettes encapuchonnées dans le parc à chiens, non, vous n’avez rien vu du tout. Les silhouettes encapuchonnées ne présentent absolument aucun risque, et il ne faudrait pas s’en approcher coûte que coûte. Le Conseil municipal a clos la conférence de presse en dévorant une patate crue par petites bouchées, avec ses dents tranchants et ses langues râpeuses. Il n’y eut pas de questions, même si l’on a pu relever quelques hurlements consécutifs au communiqué.
Découvert l’été dernier, j’adore ce podcast et j’attends le prochain épisode comme la prochaine livraison d’un comprimé de drogue. J’aime le principe d’écouter la radio municipale et y apprendre les dernières nouvelles de la ville. Les textes sont tordants, avec cet humour pince sans rire réussi et bourrés de situations loufoques.
Night Vale est une ville de conspirationnistes ; la radio – la seule – connait une diffusion aux horaires très larges. La ville est essentiellement construite sur des mystères et des complots. En filigrane, c’est une critique de notre société, bien évidemment.
D’abord parce que je pensais y retrouver le principe même du podcast : ce n’est pas anodin si nous avons les nouvelles via l’animateur radio Cecil (et uniquement par lui). Car il intègre des informations, certes. Mais surtout il insuffle une façon de les donner, avec un ton, des interruptions, des mises à jour (et une météo superbe).
Dans le roman, nous entrons dans la ville et nous suivons des personnages dont on n’a jamais entendu parler. En plus, j’ai eu beaucoup de mal à distinguer la vie de deux personnages féminins, ce qui a rendu ma compréhension difficile.
Ensuite, parce que je n’y ai pas retrouvé l’ambiance du podcast. Il faut dire que dès les premières notes de l’intro (et l’outro), je suis déjà « installée » dans cet univers. On suit plusieurs personnes sur une durée longue de leur vie, nuit et jour (jour et nuit). Il n’y a pas la même dose inquiétante de sombres éléments et de situations faisant hausser le sourcil du genre « quoiiiii ?! » ; l’ambiance y est amoindrie.
D’accord, on y retrouve parfois de bonnes trouvailles, des phrases-qui-envoient-du-bois comme dans le podcast, mais un scenario aussi efficace et gageur d’efficacité, sur du récit « plus long » ne demande pas le même tour de force.
Certes, la narration est plutôt bonne – ils le montrent bien avec le succès du podcast – mais l’intrigue est trop confuse, les liens entre les situations loufoques sont longs à se dévoiler. L’humour est peu drôle et inclut même des lourdeurs. Il y a également peu de surprises quant au déroulement final. En bref, c’est moins rigolo et plus horrifique. Bref, pour de l’intensité, du truc qui claque, tournez-vous vers le podcast !
Il n’empêche que l’objet est beau avec sa tranche violette. Je trouve la couverture très représentative de l’univers et les symboles y sont bien représentés.
« Bienvenue à Night Vale » de Joseph Fink et Jeffrey Cranor raconte l’histoire de deux femmes dont les vies vont se croiser. Elles habitent toutes deux dans la ville Night Vale, encaissée dans un désert tranquille. Si tranquille, à la météo superbe et aux annonces radiophoniques, tout aussi calmes et paisibles. L’univers est là, créé pour un célèbre podcast, mais l’ambiance y est amoindrie et l’intrigue est plutôt faible en intensité. Préférez le podcast !
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Souvenir de lecture : 3 minutes pour visiter Valnuit.
Dans le chaudron :
Du surréalisme
¤ La Cité des Saints et des Fous de Jeff VanderMeer
¤ Le livre qui rend dingue de Frédéric Mars
¤ Le sot de l’ange de Christopher Moore
¤ Le monde merveilleux du caca de Terry Pratchett
Illustrations : #01 par Simply-Psycho ; #02 par Alpha-Geek ; #03 par mad-englishman ; #04 par BleedingHeartworks ; #05 par DeanGrayson ; #06 par acpadilla ; #07 par JoannaJohnen ; #08 par Sruoh.
Classé dans:CRANOR Jeffrey, FINK Joseph Tagged: humour, science-fiction