Photo (Patrick Modiano)

Par Obadia


« Les cafés sont fermés. Une lumière rose filtre à travers la porte du Cintra. Voulez-vous que nous entrions pour vérifier si les boiseries d’acajou n’ont pas changé, si la lampe à l’abat-jour écossais est à sa place : du côté gauche du bar ? Ils n’ont pas enlevé les photographies d’Émile Allais, prises à Engelberg quand il remporta le Championnat du monde. Ni celles de James Couttet. Ni la photo de Daniel Hendrickx. Elles sont alignées au-dessus des rangées d’apéritifs. Elles ont jauni, bien sûr. Et dans la demi-pénombre, le seul client, un homme congestionné portant une veste à carreaux, pelote distraitement la barmaid. Elle avait une beauté acide au début des années soixante mais depuis elle s’est alourdie. »

Patrick Modiano « Villa triste »,  Gallimard, coll Blanche, 1975, P.10-11