Esthetique : à quoi sert l’art ?

Publié le 17 juillet 2016 par Le Collectionneur Moderne @LeCollecModerne

Esthétique : à quoi sert l’art ?
5 philosophies de l’art en 5 minutes

Qu’est-ce que l’homme recherche à travers la création artistique ? L’art doit-il imiter la nature ? Peut-il s’en écarter ? Est-il nécessairement beau ? La beauté est-elle subjective ou universelle ? L’artiste doit-il dépeindre sa pensée ? ou ses sentiments ?…

L’art a toujours été intimement lié à la philosophie et certains grands penseurs ont eu une influence durable sur la création. Le Collectionneur Moderne vous propose un rapide tour de table pour mieux comprendre les grands jalons de l’esthétique.

Préambule

L’Esthétique (du grec aisthètikos, la perception par les sens) n’est devenue une discipline philosophique qu’en 1750, sous l’impulsion du philosophe allemand Alexander Baumgarten. Mais les questions soulevées par la création et la perception esthétique étaient discutées dès l’Antiquité. Notre volonté de synthèse nous force à mettre de côté d’importants contributeurs, mais cet exposé ne saurait être exhaustif. Nous invitons nos lecteurs les plus curieux à visiter le site de Jacques Darriulat, qui fut maître de conférences à la Sorbonne en esthétique et philosophie de l’art.

PLATON (c. -428/-348)
Ce qui est bon est beau

Pour Platon, premier théoricien de la beauté, l’art humain doit être la représentation sensible d’une idée. Elle doit s’inspirer de la nature, fruit de l’art divin, et en donner une image mimétique et éloquente. C’est l’équilibre des proportions qui définit l’essence de la Beauté.

La pensée platonicienne, qui trouve des prolongements dans l’Antiquité tardive et le christianisme, avant d’être redécouverte à la Renaissance, consacre le règne d’un art fondé sur l’idée. L’essence du Beau réside dans l’intelligible.

« Tout ce qui est du domaine de l’art participe à la mesure » (Le Politique)

Emmanuel KANT (1724-1804)
La beauté comme sentiment

Kant est le premier philosophe à tenter l’analyse du sentiment du beau, tout en admettant que l’émerveillement est une affection immédiate et subjective qui ne nécessite aucune démonstration pour voir le jour.

Parmi les différentes « qualités » du sentiment du beau, Kant cite le degré de présence de l’objet : l’émotion esthétique est une « impression », un jugement réfléchissant, qui se réfère au sujet lui-même plutôt qu’à l’objet et qui permet un épanouissement d’un « sentiment vital » universel.

Contrairement à l’agréable ou au bien, la particulartié du sentiment du beau est d’être désintéressé : il n’a d’autre fin qu’une pure contemplation, un sentiment actif et euphorique qui nourrit l’entendement.

« Est beau ce qui plaît universellement sans concept » (Critique de la faculté de juger)

Edmund BURKE (1729-1797)
La beauté du chaos

Edmund Burke introduit en 1757 une distinction entre l’esthétique du beau et celle du « sublime », une émotion liée à la passion et au pathétique qui résiste aux jeux de la raison pure et de l’entendement. Burke définit une impression subjective, un choc physiologique provoqué par l’indistinct et l’infini. Elle s’impose comme un rêve et nous évoque le chaos, nous attire vers le néant pour mieux nous rappeler à la vie.

L’esthétique du sublime a pour ressort un instinct de conservation de soi, alimenté par un mécanisme de substitution ou d’empathie qui nous permet de nous complaire dans le spectacle de l’horreur et de la terreur.

« Poetry is the art of substantiating shadows, and of lending existence to nothing » (Memoir of the life and character of Edmund Burke par James Prior)

Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770-1831)
Le sensible spiritualisé

Hegel voit dans l’Art un compromis entre la sensibilité et l’absolu. Une œuvre ne peut pas être destinée qu’à éveiller les sentiments, car ils restent « enveloppés dans la forme la plus abstraite de la subjectivité individuelle ». Elle n’a pas non plus pour vocation le perfectionnement moral car l’Art ne serait alors qu’un moyen, et non une fin.

Inspirée de la philosophie chrétienne, l’Esthétique de Hegel s’offre à la sensibilité, mais elle est essentiellement destinée à l’esprit. Elle permet de dévoiler une vérité qui échappe à l’entendement : la représentation sensible de l’absolu.

L’oeuvre d’art serait ainsi une manifestation du divin (ou « un absolu » », « une vérité », « l’Esprit »…) qui s’opèrerait par la médiation de l’homme créateur. Elle permettrait à l’esprit humain de prendre conscience de lui-même.

L’œuvre d’art est « une question, une apostrophe, adressée à un cœur qui lui répond, un appel lancé à l’âme et à l’esprit » (Introduction à l’Esthétique)

Friedrich NIETZSCHE (1844-1900)
L’art comme affirmation vitale

L’art est, pour Nietzsche, l’activité métaphysique par excellence. Lui seul permet de révèler la dimension tragique de l’existence. L’artiste transcende ses limites et communie avec le monde naturel.

L’esthétique nietzschéenne est un phénomène physiologique : pour lui, le corps est plus spirituel que l’esprit. Et la sensibilité artistique étant intuitive, la connaissance qu’elle engendre ne peut pas être conceptualisée, elle est nécessairement intuitive.

Nietzsche conçoit l’art comme une dualité : « l’apollinien » est une expression de l’individu, de la mesure et de la perfection, tandis que « le dionysiaque » est un chaos dans lequel le sujet s’oublie et se dissout. Le créateur doit payer de sa personne, dans sa chair, pour abolir sa subjectivité, car la conscience n’en est pas capable.

« Je tiens l’art pour la tâche suprême et l’activité proprement métaphysique de cette vie » (La Naissance de la tragédie)

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