Storytelling du Brexit

Publié le 21 juillet 2016 par Dangelsteph

En parlant du storytelling du Brexit, mon objectif n’est pas de décortiquer le storytelling qui a accompagné les électeurs tout au long de leur périple vers le vote. Il y aurait des choses à dire, évidemment, mais pour moi, elles sont bien moins intéressantes que le storytelling du jour d’après.

Ce storytelling des lendemains est, au niveau de sa complexité, des plus intrigants. C’est sans doute dû, en partie, à la proportion anormalement élevé de discours implicites, de non-dits néanmoins assourdissants et à la diversité des personnages qui s’animent depuis qu’il a débuté.

Une histoire de suicide anglais ?

J’ai sous les yeux un article des Echos : un chroniqueur y parle de suicide anglais, d’un premier ministre qui a joué aux dés l’avenir de son pays et qui a perdu… C’est déjà très intéressant à analyser. Si on comprend bien, donc, l’histoire n’a pas encore eu lieu, mais elle et notamment sa fin est déjà écrite. C’est une histoire à prendre telle quelle, monologique, et on ne peut rien y faire. Le problème est qu’on ne peut rien en faire non plus : les histoires fermées sont comme les questions fermées, assez inutiles pour avancer. Car c’est bien de cela dont il s’agit -avancer, agir. Pour cela, le dialogue est nécessaire, avec un monologue c’est impossible, ce dernier étant fait de parole. Ce storytelling d’après-vote est donc resté bloqué au vote et à la campagne : ce n’est qu’une continuation sans réelle évolution par rapport à ce stade de l’histoire, pourtant périmé à ce jour.

L’histoire tourne en boucle sur Facebook

Bien entendu, les citoyens engagés dans les débats et la réflexion entre la poire et le fromage sur Facebook s’y sont mis. Les moqueries sont allées bon train sur les réseaux sociaux sur nos chers voisins d’outre-Manche. S’agissait-il pour autant d’un débat sur le sujet du jour, ce Brexit, donc ? Que nenni ! Il s’agissait juste, ici, de régler les comptes avec ces perfides Anglais, qui pour une question de rivalité rugbystique, qui pour la suprématie de la langue française, de la gastronomie etc. Une vieille histoire, rien de neuf : un blocage à une époque encore plus ancienne que la campagne, que je situerais à Jeanne d’Arc. Oui, c’est vraiment vieux, comme histoire, sans intérêt.

Et Barroso, alors ?

Tiens, voilà une histoire intéressante. Tant au niveau de nos hommes politiques que des experts, journalistes et autres “lanceurs d’alertes” institutionnels, c’est une histoire autonome, sans lien avec l’autre. L’autre, l’histoire du Brexit. Rien à voir, circulez ! “Connect the dots”, chers amis ! Steve Jobs nous y avait pourtant invité il y a déjà 10 ans dans son intervention à Stanford.

Non pas que l’histoire de Barroso recruté par Goldman Sachs ait influencé le vote (elle lui a été postérieure), mais quand même, c’est, derrière l’anecdote, un élément clé de l’histoire.

Pour qui roule l’Union européenne ?

Ne nous trompons pas d’histoire, toutefois. Ce n’est pas celle de l’UE dont il s’agit, de son avenir, sa pérennité ou sa destruction. C’est notre histoire qui compte. Une histoire à la britannique, sans l’UE, à supposer que les Britanniques arrivent à bien vivre et que cette histoire soit transposable ? Une histoire avec l’UE mais transformée de fond en comble ?

Elle est là l’intrigue, la seule qui vaille réellement la peine de faire des efforts de storytelling constructif.