Depeche Mode so far : 1981-2013 (partie II : 1986-1997)

Publié le 22 juillet 2016 par Heepro Music @heepro

Après cinq premières années de folie, avec les sorties successives de leur quatre premiers albums studios puis, en 1985, d’une première rétrospective, The Singles 81-85, dont le culte « Shake the disease » est extrait, le groupe anglais allait poursuivre leur discographie avec à chaque plus de succès commercial et critique. Pourquoi l’année 1986 allait-elle marquer un tournant dans une discographie aujourd’hui culte ? Réponse en cinq albums…

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II. 1986-1997 : groupe indé, groupe pop, groupe dance, groupe rock voire presque grunge, concerts dans des stades, départ d’Alan Wilder et addiction de Dave Gahan.

En 1986, Black Celebration allait imposé un style tout à fait remarquable tant la postproduction semblait infaillible. Pour preuve, « Stripped » sur lequel on peut entendre la Porsche de Gahan au début du morceau et qui justifie à lui seul que Depeche Mode n’est pas un groupe de rock qui utiliserait des éléments sonores pris dans l’univers dance ou électronique mais tout le contraire : un groupe dance qui utilise, savamment, les éléments du rock. Pour moi, c’est le cœur – en plus de se situer à peu près en milieu d’album – de Black Celebration. Deux autres chansons sont aujourd’hui cultes : « Question of time » et « Question of lust » (cette dernière interprétée par Martin Gore).

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Toujours sur un rythme soutenu, le successeur du cinquième album studio de Depeche Mode ne sort qu’un an plus tard. De façon tout sauf prétentieuse, le titre de l’album se verra particulièrement pertinent puisqu’il s’agira du premier énorme succès du groupe, conduisant à une tournée faramineuse de 101 dates et dont le DVD 101 retrace quelques moments plutôt extatiques lors de leur show au Rose Bowl Stadium à Pasadena, en Californie. De plus, et pour la première fois, aucun titre ne peut se voir reléguer car moins bon que les autres. L’homogénéité de la qualité va de paire avec l’hétérogénéité de morceaux : pour exemple, l’initial « Never let me down again », l’un des plus grands classiques du groupe, est à mille lieux du final « Pimpf », morceau tellement grandiose et incroyable que nulle part ailleurs ont ne retrouvera plus un tel moment comme sorti d’on ne sait où. « Pimpf » est une sorte de porte ouverte vers un infini d’univers, mais c’est à chacun d’aller là où bon lui semblera. Trent Reznor naîtra par et grâce à Music For The Masses, et le premier album de Nine Inch Nails doit sûrement énormément à Depeche Mode. Bien sûr, entre « Never let me down » et « Pimpf », tout est parfait. Si, c’est possible. Voilà pourquoi il s’agit du premier chef-d’œuvre des Anglais.

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Après un tel succès et une telle tournée, grâce à l’appui de six albums publiés entre 1981 et 1987, il faudra attendre le tout début des années 90 pour entendre Depeche Mode, devenus alors l’un des plus grands groupes. Nous sommes en 1990, et rien ne laissait présager de ce qui allait se passer avec Violator. Certes, les singles lancés en amont de l’album avaient donné la température, mais tout de même, « Personal Jesus » et « Enjoy the silence », assurément les deux plus grands tubes de Depeche Mode, ne pouvaient pas anticiper le raz-de-marée du septième album des Anglais. Encore aujourd’hui, Violator est LA référence absolue de Depeche Mode, l’album central, celui des tubes, certes, mais aussi et surtout celui de la perfection ultime, accompagnée d’un succès critique, commerciale et fanatique insurmontable. Neuf chansons, ni plus, ni moins, mais pas besoin de grandiloquence quand on a une telle plume dans son équipe (id est, Martin Gore…). Les années 90 commencèrent de la plus belle des manières.

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Comment ressortir indemne après deux disques si importants et deux tournées pas moins éprouvantes ? La réponse se fera espérée et, en 1993, en pleine vague grunge, Songs Of Faith And Devotion montrera comme jamais que Depeche Mode, le groupe pop des années 90, est aussi un sacré groupe rock qui n’avait à l’époque rien à envier à U2 ou Nirvana, et, malheureusement, pas les problèmes de rock star sous-jacents. D’ailleurs, difficile de voir autre chose en 1993 quand on voit dans leurs clips un Dave Gahan aux cheveux longs et ses acolytes derrière leurs instruments (une guitare, une batterie…). Autrement dit, ça sent le rock plein pot, et les guitares du premier single et titre d’ouverture de l’album « I feel you » ne sont pas là pour nous faire croire à autre chose. D’un point de vue personnel, si « I feel you » fait partie de mes morceaux de Depeche Mode, j’y ajoute tout de suite « In your room », « Judas » (que je découvris grâce à la somptueuse reprise d‘un autre Anglais, Tricky) et « One caress ».

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En 1992, Alan Wilder avait publié son second album. Rien ne laissait imaginer que, suite à Songs Of Faith And Devotion, il prendrait la décision de laisser Depeche Mode. Cela se passa en 1995, après la tournée Devotional, et les soucis de santé de Dave n’allaient pas non plus oublier de laisser leur traces dans ce qui allait devenir Ultra, autre très très grand album de Depeche Mode. En 1997, le groupe aurait pu ne plus être, ne pas survivre au départ de l’un de ses membres-clé : j’en suis persuadé, son arrivée au sein du groupe fut la seconde meilleure après que Martin Gore se mit à composer et écrire les chansons. Pourtant, le son de Depeche Mode ne semble pas manquer de son absence ; comme si les tourments liés – essentiellement mais pas que – à l’héroïne que consommait Dave Gahan avait, faute de le détruire jusqu’à la mort, rendre plus fort le phénix. L’ambiance est aussi dark que sur le précédent album, mais il y a en même temps plus de vie malgré un aspect plutôt revêche, voire crasseux quand on voit les images d’un clip comme celui de « Barrel of a gun ». Oui, le groupe pop, ou dance, des années 80 s’est transformé en groupe tout court, donc en groupe rock au sens large du terme. Un géant. Aucune tournée ne s’ensuivra, autant pour le bien de Dave que de Martin Gore ou Andrew Fletcher. Et si je continue de regretter le départ définitif d’Alan Wilder, je l’oublie aussitôt tant Ultra est parfait de noirceur et espoir pêle-mêle.

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Avant le tournant des années 2000, Depeche Mode sera passé par bien des étapes, deux décennies folles, et est devenu l’un des groupes les plus respectés du monde. Ils auraient pu s’arrêter là. Se reposer. Mais l’appel de la musique est plus fort que n’importe quelle drogue… Mais c’est une drogue vitale, pour eux comme pour nous. On se revoit dans quatre ans, ce qui est devenu le rythme habituel depuis le laps écoulé entre Songs Of Faith And Devotion et Ultra. The Singles 86-98 viendra combler un peu l’attente, notamment grâce au majestueux inédit « Only when I lose myself ». Et Dave arbore désormais une nouvelle coupe, signe annonciateur d’un futur radieux.

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à suivre : Depeche Mode so far : 1981-2013 (partie III : 2001-2013)

à relire : Depeche Mode so far : 1981-2013 (partie I : 1981-1984)

(in heepro.wordpress.com, le 22/07/2016)