La défense française en mutations : L'attente du sommet de l'Otan à Strasbourg et Kehl...

Publié le 18 juin 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mercredi, 18 Juin 2008 11:02

L'éditorial de Daniel RIOT

Un non-événement, ce Livre Blanc sur la défense nationale française ! Aucune surprise.et, surtout, aucune mesure qui s'inscrive dans une stratégie vraiment claire pour ce que nous sommes:une moyenne puissance aux ambitions limées Sans doute faut-il attendre un autre Livre (bleu celui-là) sur la défense européenne que la France pourrait (devrait) présenter dans les mois qui viennent pour juger avec plus de pertinence ces orientations nationales qui restent floues, encore aspirations et contraintes. . Mais ce non-événement n'est pas sans conséquence. Sur plusieurs terrains.

Idéologiquement, la France fonce vers une réintégration totale dans les structures de l'Otan, avec seulement un statut spécial pour notre force nucléaire (ce qui est la moindre des choses). Que ce soit un bien ou un mal, un constat : nous ne posons plus de conditions. Sarkozy a encore quelques formules qui se veulent rassurantes sur « l'indépendance » de la France, mais il n'a plus les exigences que formulaient Mitterrand et Chirac contre ce renoncement à l'une des lignes de forces de la pensée gaullienne.

Sans doute faudra-t-il attendre le prochain sommet de l'OTAN qui doit se tenir à Strasbourg et à Kehl pour juger sur pièces de la « rénovation » promise de l'Organisation du traite de l'Atlantique Nord, qui, en fait, a changé sa raison d'être et mérite de moins en moins son nom....

En attendant, un autre constat : le sommet de nos forces armées va devoir sérieusement se mettre à l'anglais. La langue française n'est guère en usage dans les hautes sphères « otanesques ». L'Académie française si prompte à réagir contre les langues régionales devrait se préoccuper un peu plus de la « défense » (c'est le cas de le dire) et de « l'illustration » de la langue française dans le pilier européen (encore à construire) de l'Alliance atlantique : le sabir anglo-saxon règne en maître et nos « élites » en uniformes ne sont guère formées en multilinguisme. C'est un détail ? Pas seulement. La langue est une arme politique aussi, y compris vis-à-vis de nos alliés et amis. Dans l'Union européenne déjà, les francophones se couchent trop devant les contraintes des traductions et des interprétations... En matière de défense aussi, l'Europe doit s'unir dans le respect de sa diversité.

Pédagogiquement, les autorités françaises viennent de perdre une belle occasion de « positiver » la construction européenne... Si l'on peut réduire les forces armées, c'est parce que ce que la paix semble assurée à nos frontières et que les ennemis d'hier sont devenus des partenaires. Merci aux pères de l'Europe d'avoir ainsi donné raison aux visions de Victor Hugo ! Cette paix qui semble naturelle aux jeunes générations n'avait rien d'évident voilà quelques décennies encore. Et il reste bon et sage de se rappeler à ceux qui l'oublient : « L'Histoire peut toujours effacer ce que l'Histoire a fait. Rien n'est irréversible, pas même la paix sur le continent ». Sarkozy qui se pique de références historiques de temps à autre a manqué là une belle occasion

En revanche, Sarkozy a raison sur un point : l'armée n'est pas là pour régler des problèmes d'aménagement du territoire. Notre carte des garnisons est en effet obsolète depuis longtemps. Grâce à l'Europe, précisément.... Depuis le « miracle » de la réconciliation franco-allemande et la fin du temps où « l'Armée rouge était à deux étapes du tour de France du pont de l'Europe », les implantations qui datent de 1870 ne se justifient plus en rien...

Mais une fois encore (comme à l'occasion de la professionnalisation des armées), le pouvoir politique prend des décisions sans anticiper toutes les conséquences. Les villes dites « de garnisons » méritent des reconversions susceptibles de les faire non survivre mais vivre. Et au lieu de pleurer sur la désertification de ces villes-fronts, les élus locaux devraient pouvoir se doter des moyens d'assurer des conversions porteuses d'avenir  

Ainsi, la réduction des effectifs serait-elle mieux acceptée. Car elle est justifiée. Surtout dans un pays où, par tradition, on compte plus de gradés qu'ailleurs....On le sait :Une diminution globale de 54 000 postes (en comptant les personnels de la délégation générale pour l'armement et du secrétariat général pour l'administration) est programmée. Au terme de ce processus, qui s'étendra sur six ou sept ans, le total des effectifs sera ramené de 271 000 à 224 000 hommes : l'armée de terre comptera 130 600 hommes (- 17 %), l'armée de l'air 50 000 hommes (- 24 %) et la marine 44 100 hommes (- 11 %).

Cette diminution sera l'occasion de tenter d'inverser une donnée qui n'est guère un signe d'efficacité :60 % des effectifs des armées françaises sont consacrés aux fonctions de soutien, et 40 % aux forces opérationnelles, soit un ratio exactement inverse à celui que connaît la Grande-Bretagne.

Sur un plan opérationnel, la priorité donnée au « renseignement » (au sens large du terme) s'imposait. Nous avons même de sérieux retards à combler, y compris en matériels d'observation. Le doublement annoncé des crédits consacrés aux systèmes spatiaux militaires, par rapport aux crédits actuels (380 millions d'euros), et  la création d'un commandement interarmées de l'espace sont des mesures qui s'imposent. Encore faut-il que la France conserve ce qu'elle a de meilleur: de vrais services "humains". les "grandes oreilles" technologiques ne remplacent pas de bons observateurs formés pour connaitre, comprendre et, le cas échéant infiltrer les milieux susceptibles de menacer notre sécurité. L' Académie des espions qui va être crée ne derva pas négliger cette culture dite générale si oubliée par les universités....

Les périls ont changé de nature en effet et leur prévention passe par une information mieux glanée et plus recoupée : attentats terroristes, attaques informatiques, menace balistique, pandémies, catastrophes naturelles, criminalité organisée, etc....Le Livre blanc définit une stratégie de prévention et d'action orientée autour d'un "axe privilégié", "qui va de l'Atlantique à l'océan Indien et, d'autre part, de zones d'intérêt pour la sécurité nationale, telles que la façade occidentale de l'Afrique ou la région Antilles-Guyane". Vaste programme...

Mais Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la défense, n'a-t-il pas raison de mettre en relief   « la contradiction, l'incohérence entre une vision maximaliste des menaces et la diminution des moyens » ? .

Selon lui, « ce Livre blanc est anxiogène » puisqu'il fait état d'une globalisation et d'une dramatisation de la menace de plus en plus diverse dans ses formes et dans ses origines. «Le concept de résilience doit nous sensibiliser à l'idée qu'il faut sans cesse se préparer à de nouvelles catastrophes». Mais ne serait-ce que sur le plan budgétaire (si l'on fait abstraction du nucléaire), nous donnons-nous vraiment les moyens de ne pas être (une fois de plus) « en retard d'une guerre » ? Nombre des ambitions stratégiques réaffirmées sont déjà caduques, selon de nombreux experts. A voir...

Sur un plan démocratique, un constat trop peu fait : la France est la seule démocratie parlementaire de l'Union européenne où le parlement est tenu à l'écart de ce type de choix qui engagent durablement la sécurité du pays. Et l'installation d'un super-chef du renseignement à l'Elysée va accroitre le caractère présidentiel du régime. C'est dans la logique du césaro-républicanisme national..Une « invariance structurelle » de notre grand et beau pays, redirait Jean-François Kahn....

Daniel RIOT

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