Promenade

Publié le 18 juin 2008 par Hoplite

« Moi j'ai élu un président de la république, c'est la chose publique. Et je souhaite le voir en costume, et pas le voir dans sa transpiration. Et puis le jogging." "Pas simplement de dignité, c'est pas la personne privé qui m'intéresse, et surtout. Oui c'est son coté soixante-huitard. Je trouve qu'il est trop 68ard." "Non, mais voilà je vais vous dire ça. Je l'ai vu jogguer tout le temps, donc, et avec François Fillon et puis tout seul, et puis au fort de Brégançon, enfin bon. Ca m'a rappelé par anti-phrase en quelque sorte la promenade.
La merveille de la promenade, l'occident dans ce qu'il a de beau, est né de la promenade. Aristote se promenait, c'était un péripatéticien («les Chemins qui ne mènent nulle part» de Heidegger), Rimbaud vagabondait. La promenade c'est une expérience sensible, spirituelle. Le jogging c'est la gestion du corps. La gestion du corps tout le monde à le droit, mais c'est pas la peine de le montrer." "Mais c'est le triomphe définitif, si vous voulez, du calcul, de l'affairement. Voilà je gère, je gère tout, je gère même mon corps sur quelque chose qui aurait avoir avec la conversation, la méditation, la longueur de temps. Donc voilà, je veux bien que la politique change, mais j'ai pas envie de voir un président de la république qui jogge tout les jours. Les rêveries du promeneur solitaire, oui les rêveries du joggeur accompagné, j’y crois pas !»

( France 2 / Mots Croisés : Alain Finkielkraut - Sarkozy: assez de jogging ! - (21/05/07))

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« Le phénomène capital, le désastre par excellence, est la veille ininterrompue, ce néant sans trêve. Pendant des heures et des heures, je me promenais la nuit dans des rues vides ou, parfois, dans celles que hantaient des solitaires professionnelles, compagnes idéales dans les moments de suprême désarroi. L’insomnie est une lucidité vertigineuse qui convertirait le paradis en un lieu de torture. Tout est préférable à c et éveil permanent, à cette absence criminelle de l’oubli. C’est pendant ces nuits infernales que j’ai compris l’inanité de la philosophie. Les heures de veille sont au fond un interminable rejet de la pensée par la pensée, c’est la conscience exaspérée par elle-même, une déclaration de guerre, un ultimatum infernal de l’esprit à lui-même. La marche, elle, vous empêche de tourner et retourner des interrogations sans réponse, alors qu’au lit on remâche l’insoluble jusqu’au vertige.

Voila dans quel état d’esprit j’ai conçu ce livre, qui a été pour moi une sorte de libération, d’exploration salutaire. Si je ne l’avais pas écrit, j’aurais sûrement mis un terme à mes nuits. »

(Cioran, Sur les cimes du désespoir, biblio, P8.)