L'économie du couple, un titre un peu rebutant un film enthousiasmant

Par Filou49 @blog_bazart
16 août 2016

Parmi les films incontournables du mois d'aout qu'on chroniquera d'ici la fin du mois pour notre retour de vacances,  figure incontestablement L'Economie du couple vu il y a plusieurs mois lors du Festival Première Vague au Comoedia, où il fut présenté en troisième soir- -après avoir été  présenté à la Quinzaine des réalisateurs et qui est sorti mercredi dernier, en plein milieu de l'été.

La complexité des relations de couple était déjà le thème central de A Perdre la Raison(2012) et pour lequel le cinéaste posait un regard tout en nuances pessimistes sur l'incompatibilité fusionnelle, montrant qu'après des chevaliers blancs un peu décevants sortis en début 2016, Joachim Lafosse, cinéaste du génial Elève Libre,  est surtout à son aise pour explorer les relations intimes et psychologiques entre un petit nombre de personnage 

Ce formidable huis clos dans un appartement bruxellois qui décrit le naufrage d'un couple, sous fond d'inégalité sociale et financière possède certes un  titre un peu rédhibitoire,  qui fait penser à un "Que Sais je?"  , et il n'est pas certain que ce titre- et le pitch de départ- donnent envie aux vacanciers avide de cinéma léger d'aller payer leur place de cinéma.

Mais le titre est finalement assez profond  pour parler de ces couples comme il en existe de plus en plus dans nos sociétés actuelles qui subsistent pour d'uniques raisons financières, d'où l'économie conjugale qui donnent son nom au film.

Jadis, les couples restaient ensemble  très souvent pour des questions de morale, désormais c'est l'aspect financier qu'il faut prendre en compte et le film de Lafosse est un des tous premiers à prendre en compte cette réalité, c'est pour cela que l'argument selon lequel la question du couple qui se déchire a souvent été traité au cinéma ne me parait pas très pertinent.

Certes, d'autres longs métrages ont déjà décrit dans le détail les déchirements d’un couple qui se sépare, les  mesquineries et autres trahisons, et (re) certes, on pense à certains films de Pialat comme "Nous ne viellirons pas ensemble"( Sylvie Pialat est une des productrices du film)  mais  Lafosse et ses deux co scénaristes parviennent haut la main à apporter de la nouveauté dans un genre que de nombreux grands cinéastes ont exploré.

Ici, comme rarement, chaque empoignade, chaque échange entre les protagonistes de ce couple qui se déchire respirent d'une véracité rendant le film immensément crédible et poignant.


La problématique du nouveau long métrage de Joachim Lafosse est de savoir comment sera réparti l'argent de la vente de la maison avec une approche marxiste dans la relation de couple, pour déterminer "la part du travail dans le capital" .

En effet, cette économie du couple, on la retrouve  aussi bien dans le partage des jours de garde, des tâches que du frigiridaire, des moments passés avec ses amis- scène géniale d'intensité et de véracité de diner entre amis, bref  des bons moments passés et des moments de déchirement, amenant chacun  à réfléchir à la part qu’il a investi dans son couple, et  la part de  ce qu'il avait imaginé mettre en place à l'intérieur de ce système  et toujours le film trouve  le ton juste de la rupture, des sentiments, du rejet, de l'ambivalence que la recherche du juste prix de cette séparation implique.

Mais évidemment, et c'est ce qui fait la grande réussite du film   c'est que cette "économie du couple»... est bien plus et bien mieux qu'une simple étude de cas que le titre pouvait laisser penser. 

Cela est du à une mise en scène à la fois d'une grande simplicité et d'une géniale efficacité faits plans-séquences extraordinaires, étouffants, d'une profonde intensité, où le huis clos dans un appartement est parfaitement exploité.  

Du coup, les séquences dans l'espace confiné, étroit de l'appartement sont filmées sans jamais éluder la tensionet la violence latente tout en tentant de préserver leur volonté commune de protéger les enfants, des enfants, qui, autre belle idée du film, sont des jumelles, tentant de préserver leur complicité et leur lien fusionnel à l'heure où leurs propres parents se défusionnent.

Toute la finesse de l’écriture du scénario provient aussi  de la multiplicité des états amoureux des deux personnages, alternant souvent soudainement, la haine à ce qui reste d'amour, en passant par le mépris et plus rarement  l’hystérie.

Et on n'oubliera pas avant très longtemps cette une scène de danse déchirante sur le Bella de Maître Gims ( comme quoi il n'y a pas que Dolan pour magnifier des chansons françaises populaires)  qui décrit mine de rein la terrible émotion d'un amour qui s'éteint.

La dernière grande réussite du film est que les deux personnages principaux sont complètement habités par des acteurs bluffants. Berenice Bejo est aussi épatante que dans "le Passé" de Farhadi et surtout Cedric Kahn , vraiment impressionnant mâle blessé à la fois viril et en plein désarroi ..J'avais déjà adoré ses deux performances d'acteur dans Tirez la langue mademoiselle et Alyah- dans les anarchistes, en revance, bof-  mais ici dans son premier "premier" rôle, il livre une  performance remarquable, d'une expressivité impressionnante, formant alors avec l'atrice d'OSS 117, un couple d'une crédibilité des plus jubilatoire.

  Bref, cette autopsie remarquable de la complexité des sentiments amoureux dans une séparation est un des très grands films francophones de cette année 2016, que sa sortie en plein été ne devrait pas quelque peu ternir...