Divines // De Houda Benyamina. Avec Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena.
Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes, Divines mérite amplement cette récompense. Pas seulement pour la mise en scène absolument fabuleuse, mais pour l’ensemble. Je dirais même qu’il aurait très bien pu être Palmé. Ce film m’a fait rire et il m’a bouleversé comme jamais cette année au cinéma. Le film est rugueux et montre la vie sous un jour pas forcément des plus reluisant. Houda Benyamina ne cherche pas à se cacher avec sa caméra et filme l’ensemble avec son coeur et ses tripes. On retrouve tout cela à de nombreux moments dans le film. Si a certains moments on pourrait penser à Bande de Filles, Divines va beaucoup plus loin. Le film est teinté d’une vraie poésie en plus d’être brut. Il y a d’ailleurs une phrase dans le film dite par le personnage de Rebecca qui symbolise parfaitement ce que je pense du film, « il frappe et il caresse ». A certains moments le film nous en envoie plein la figure et à d’autres il vient nous offrir des moments d’émotion intense. Ces émotions elles proviennent des moments les plus poétiques du film (sauf la scène finale bien entendue qui fait partie des moments les plus terribles et loin de la poésie).
Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.
Divines c’est donc une histoire de quartier mais c’est presque avant toute chose une leçon de vie pour une jeune fille, Dounia, qui n’a pas eu la chance d’avoir une mère qui soit là pour elle. Elle s’est construite toute seule. La rébellion dans la salle de classe de son BEP Accueil est le point de départ de quelque chose. Cette scène est à la fois une scène qui met mal à l’aise (car tout est vrai dans le fond et c’est ce qu’il y a justement de plus cruel) mais c’est aussi un symbole dans ce film que Dounia vient briser. Quand sa professeur lui dit qu’elle est là pour « aider les adolescents » comme elle, on comprend dans le fond que Houda Benyamina cherche à parler du système qui tente de sortir les gens des quartiers et leur offrir des opportunités de vie sauf que tout cela est fait probablement de la mauvaise façon. Ensuite il y a une histoire d’amour, sur fond de chorégraphies absolument magiques. Le premier face à face, dansé, entre Djigui et Dounia m’a mis les larmes aux yeux et rien qu’en repensant à la beauté du moment je pense que je pourrais fondre de nouveau. C’est pourtant simple et certains ne seront probablement pas touchés comme je l’ai été mais la danse, dans un film aussi brut, est une façon d’apporter une certaine forme de légèreté.
Même si les gestes sont parfois un peu bruts eux aussi. Sans compter qu’il y a une vraie alchimie naturelle entre Kevin Mischel et Oulaya Amamra qui rend leurs deux personnages véritablement attachants. Kevin Mischel est, il faut bien l’avouer, un roi du hip hop en France. Il n’est pas connu de tous mais dans ce moment là il fait partie des grandes révélations de ces dernières années. Notamment pour son expertise en « popping ». Son corps bouge de façon tellement habitée. Et la représentation finale après les répétitions est magique. Houda Benyamina a su sublimer l’ensemble avec une simplicité déconcertante. Divines est donc un film choc qui mélange les genres et délivre un portrait brut d’un monde que l’on ne connaît pas forcement. De plus, plutôt que de parler de la naissance du terrorisme dans les quartiers, le film parle de tout un tas de choses et de thèmes beaucoup plus universels. Le casting est quant à lui brillant. Mention spéciale à Oulaya Amamra, l’héroïne, qui éblouit la caméra à chaque fois qu’elle est devant, de ce charme naturel. Pour la petite anecdote, Oulaya est la petite soeur de la réalisatrice Houda.
Note : 10/10. En bref, l’un des meilleurs films de l’année. Un choc émotion duquel j’ai encore du mal à ne remettre.