La page blanche

Par Belzaran


Titre : La page blanche
Scénariste : Boulet
Dessinatrice : Pénélope Bagieu
Parution : Janvier 2012


« La page blanche » est un beau coup éditorial. En réunissant deux stars du blog BD, Delcourt s’assurait un bon coup de pub. Cependant, comment réunir intelligemment Boulet et Pénélope Bagieu dont les univers sont bien différents ? C’est donc Boulet qui se colle au scénario et Bagieu au dessin. J’aime beaucoup le blog du premier, mais la deuxième ne m’a jamais convaincu, que ce soit pour ses livres ou son blog. Faisant confiance à Boulet, je tente l’aventure. C’est donc un one-shot de 200 pages, dans l’air du temps, qui nous est proposé.

Eloïse est sur un banc, à Paris. Elle ne se rappelle plus pourquoi elle est ici. Elle ne se rappelle même plus où elle habite ou comment elle s’appelle. Voilà qu’elle a développé une amnésie sélective (et au passage, parfaitement impossible) qui a effacé tout ce qui a trait à sa vie personnelle. Elle va donc tenter de reconstruire sa vie en observant ses objets, ses amis, son travail… Jusqu’à voir qu’elle avait une vie tout ce qu’il y a de plus futile et insignifiante.

Un procédé qui s’essouffle vite

Derrière cette amnésie se construit forcément une forme de suspense sur ce que va découvrir Eloïse. On attend une révélation, une guérison, une raison… Malgré tout, ce suspense s’essouffle très vite devant la redondance des situations. Eloïse creuse un filon. Elle ne trouve rien de folichon et ça lui donne l’impression que sa vie est pourrie. Au bout de plusieurs passages, on commence à comprendre l’idée, mais il faudra aller au bout des 200 pages pour être pleinement déçu par une fin qui, au pire se moque du lecteur, au mieux est simplement bien-pensante et archi-rabâchée actuellement. C’est assez incompréhensible pour le coup tellement cela sonne creux.

Quelques passages relèvent un peu l’ensemble, lorsqu’Eloïse s’imagine ce qui a pu lui arriver. On retrouve la fibre de Boulet, capable de partir dans des délires avec presque rien. Malgré tout, le procédé s’essouffle par sa redondance. Rapidement, on se dit que les 200 pages sont beaucoup trop nombreuses. Pourquoi vouloir faire si long si c’est pour être répétitif ? Car avec une telle pagination, les personnages ne sont pas forcément plus développés et le propos plus subtil. Un one-shot de 46 pages pour dire la même chose paraissait envisageable. Pourquoi diluer et lasser le lecteur ?

Concernant le dessin, c’est une véritable catastrophe. Je ne suis pas fan du trait de Pénélope Bagieu, mais c’est la première fois que je retrouve une telle inconstance dans le dessin. Il semblerait que le nombre de pages ait eu raison de sa régularité. Certaines cases sont léchées, avec de beaux décors et des couleurs inspirées (les scènes de nuit en extérieur), d’autres sont simplement affreuses. On voit la pixellisation de certains traits ! C’est complètement hallucinant, comme si certaines pages étaient en basse résolution. Je ne m’explique pas ce problème (est-il dû à la dessinatrice ou à un problème d’impression ?). Cependant, cela ne doit pas cacher la pauvreté de certaines planches et les couleurs criardes qui les accompagnent parfois. Encore une fois, je ne m’explique pas comment certaines planches peuvent être aussi réussies et d’autres à ce point ratées.

Boulet et Pénélope Bagieu ont clairement mis de côté leurs blogs respectifs pour faire cette « Page blanche ». On ne retrouve pas le côté délirant de Boulet ni l’humour de Bagieu. Mais en voulant se mixer l’un l’autre, ils ont clairement affadis leurs propres univers. Du coup, le scénario lasse et déçoit et le dessin n’est pas au niveau. Mais, comme il est dit dans le livre qui parle tant de la culture de masse, je ne m’inquiète pas pour le nombre de ventes qu’a pu atteindre le bouquin. Une grosse déception.