Le roi transparent de Rosa Montero

Publié le 27 septembre 2016 par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile

Je suis femme et j'écris. Je suis plébéienneet je sais lire. J'ai vu dans ma vie des choses merveilleuses. J'ai fait dans ma vie des choses merveilleuses. Pendant un temps, le monde fut un miracle. Puis l'obscurité est revenue. C'est ainsi que debute le roi Transparent de Rosa Montero.


Leola a quinze ans, elle mène la vie d'une jeune paysanne avec son père et son frère Antoine, sur les terres du seigneur d'Aubenac. Pour échapper à la violence d'une armée d'hommes de fer en déroute, elle revêt l'armure d'un chevalier mort. Commence alors pour elle, une vie d'errance, aux côtés de l'énigmatique Nynève, rencontrée au hasard d'une halte en forêt.  Au centre du roman se trouvent donc deux femmes modernes et attachantes, qui illuminent le chaos dont elles sont témoin. Léola apprend à manier les armes. Déguisées en hommes, les deux femmes parviennent au château de Dhuoda, étrange duchesse lunatique, qui deviendra très proche de Léola. En sa compagnie, elles découvriront la vie à la Cour d'Alienor d'Aquitaine. Elles connaîtront alors une vie d'aventures et de souffrance, qui les mènera aux quatre coins du royaume de France, perturbé par d'incessantes guerres de pouvoir et de religion.Le Roi Transparent est avant tout extraordinairement romanesque. on se prend vite d'affection pour cette adolescente naïve et un peu fruste qui se métamorphose avec l'expérience en femme forte et réfléchie. Le périple de Léola prend la forme d'une fresque épique et intimiste, rédigée à la première personne, qui passionne le lecteur dès les toutes premières pages. Ce roman, érudit, est d'une intelligence et d'une vivacité aussi virevoltantes que réjouissantes. Tout ceci me met en liesse !Porté par une superbe héroïne atypique, le récit nous plonge au coeur d'un XIIème siècle contrasté, violent et somptueusement raffiné.

Extrait :''- Tu écris toujours ton livre des mots ?
La question de Nynève me surprend. Je me redresse et je la regarde. Mon amie, qui est aussi en train de travailler dans le verger, se repose appuyée sur sa houe.
- Oui. Pourquoi ?
- Parce que je voudrais te faire cadeau d’un mot. Le meilleur de tous.
- Ah oui ? Lequel ?
- Compassion. Qui est, comme tu le sais, la capacité de se mettre dans la peau du prochain et de ressentir avec l’autre ce qu’il ressent.
- Oui, il me plaît. Mais pourquoi dis-tu que c’est le meilleur ?
- Parce que, de toutes les belles paroles, c’est la seule pour laquelle on ne blesse pas, on ne torture pas, on ne fait pas prisonnier et on ne tue pas… Bien au contraire, la compassion évite tout ça. Il y a d’autres mots très beaux : amour, liberté, honneur, justice… Mais tous, absolument tous, peuvent être manipulés, peuvent être lancés comme des armes et faire des victimes. Par amour pour leur Dieu, les croisés allument des bûchers et à cause d’un amour aberrant les amants jaloux tuent leurs bien-aimées. Les nobles maltraitent et abusent de leurs serfs comme des barbares au nom de leur supposé honneur. La liberté des uns peut signifier la prison et la mort pour les autres, et quant à la justice, chacun croit qu’elle est de son côté, même les tyrans les plus atroces. Il n’y a que la compassion qui empêche ces excès : c’est une idée qui ne peut pas être imposée aux autres par le feu et le sang parce qu’elle oblige justement à faire le contraire, elle oblige à aller vers les autres, à les ressentir et à les comprendre. La compassion est le cœur de ce que nous avons de meilleur. Souviens-toi de ce mot, ma Léola. Et quand tu t’en souviendras, pense aussi un peu à moi.''
A ces aventures palpitantes viennent se greffer des reflexions philosophiques, sur l'amour, la tolérance, la place de la femme et le progrès. Car le Roi Transparent évoque aussi, les progrès réalisés dans le domaine de la philosophie et des arts, qu'accompagnent un semblant de démocratisation de la culture et une valorisation de la place de la femme dans la société. Le roman se déroule pour l'essentiel en pays occitan, terre des Cathares et de la reine Alienor, dont la Cour faisait figure d'exception en matière de raffinement et d'ouverture culturelle. C'est là que naissent la fin'amor et les débats d'idées, là aussi qu'émerge l'espoir, notamment en matière de tolérance. Ce fameux XIIème siècle sera aussi celui de la violence et de la régression : c'est le temps des Croisades et de l'Inquisition.

Il ne s'agit pas d'un ouvrage documentaire, Rosa Montero prend  quelques libertés avec la chronologie pour nous livrer un concentré de presque deux siècles d'histoire médiévale. Elle s'en explique d'ailleurs dans une courte postface. La vie de l'héroïne, cette paysanne guerrière appelée Léola, se déroule sur 25 ans, alors qu'en réalité les évennements mentionnés se passent sur plus d'un siècle : entre la première croisade (1096) et la croisade des Albigeois se terminant en 1229.Rosa Montero se dit persuadée que « ce que nous appelons aujourd’hui Renaissance n’est rien d’autre que les restes du naufrage de la véritable renaissance sociale et culturelle » qu’a représenté le Moyen Age

Rosa Montero est une romancière et journaliste espagnole.
En 1976, après des études de lettres et de psychologie, elle se tourne vers le journalisme et travaille dans différents médias. Elle est envoyée en reportage dans de nombreux pays (Amérique Latine, France, Grèce, Etats-Unis...) avant d'intégrer la rédaction du journal espagnol, El pais, dont elle dirige le supplément hebdomadaire en 1980 puis y tient une chronique.
En 1983, elle publie son premier roman Te tratare como une reina qui est un succès immédiat. Huit autres romans et plusieurs nouvelles pour enfants confirment son talent d'écrivain en Espagne. Peu d’ouvrages sont traduits en français.
Récompensée à plusieurs reprises pour son travail de journaliste, elle a reçu aussi de nombreux prix littéraires pour ses œuvres.

Le Roi transparent

Rosa MONTERO

Titre original : Historia del rey transparenteLangue originale : EspagnolTraduit par : Myriam Chirousse