Les ambiguïtés de la Sous-direction B de la DST

Publié le 20 juin 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa



Nicolas Sarkozy avait naguère promis d’accrocher certains responsables de cabinets noirs à des crocs de bouchers. Problème : le jeu de massacre pourrait provoquer d’importants dommages collatéraux à la Sous-direction B de la DST, et en particulier au sein du service B3.
C'est une des conséquences indirectes du document publié la semaine dernière par l'ex gendarme Patrick Baptendier.

Nicolas Sarkozy avait naguère promis d’accrocher certains responsables de cabinets noirs à des crocs de bouchers. Problème : le jeu de massacre pourrait provoquer d’importants dommages collatéraux à la Sous-direction B de la DST, et en particulier au sein du service B3.
C'est une des conséquences indirectes du document publié la semaine dernière par l'ex gendarme Patrick Baptendier.
Des sources judiciaires ont révélé à geopolitique.com que l’instruction visant cet enquêteur privé était en réalité achevée depuis près d’un an.
La juge Magalie Tabareau, alors en poste au tribunal de Versailles, a adressé ses conclusions au procureur de la république le 20 juin 2007. Depuis, la magistrate a été nommée au tribunal de grande instance de Pontoise.
Or, le rôle de plusieurs fonctionnaires de la DST, cités dans le dossier, soulève des interrogations quant aux desseins qu’ils servaient.
Ils appartiennent tous la Sous-direction B, la Sous-direction de la sécurité et de la protection du patrimoine, une entité notamment chargée de la défense économique et que chapeaute Gilles Gaudiche, dit Gilles Gray.
Dans un livre témoignage, Allez-y on vous couvre (éditions Panama) Patrick Baptendier révélait comment la DST l’avait piloté pour collaborer avec d’importantes sociétés de renseignement privés (les SRP dans le jargon), Géos à Montrouge, Kroll à Paris.
À la lecture de son récit, on comprend que Baptendier pénétrait ces structures sur ordre de son agent traitant, François H. (alias P.G), un fonctionnaire de la DST rattaché à B3, le service responsable du suivi des SRP.
Officiellement, ces manœuvres n’avaient qu’un seul but : suivre au jour le jour la légalité des activités de Kroll et Géos.
Pour valoriser cet infiltré, l’agent transmettait à Baptendier des données illicites sur des citoyens français (relevés téléphoniques, fichiers bancaires, etc…). De quoi faire frémir la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), qui pourtant en a vu d’autres.
Surtout, les faits détaillés par l’instruction de la juge Tabareau dressent un bilan équivoque des objectifs poursuivis par la DST pour justifier de tels stratagèmes.
Au point qu’on s’interroge : le service de sécurité ne cherchait-il pas davantage à instrumentaliser ces sociétés de renseignement privés, pour des missions de sous-traitance, plutôt que de les empêcher d’accéder à des données illicites ?
Baptendier soutient ainsi que son interlocuteur à la DST lui a demandé de s’intéresser à la présence de Nicolas Sarkozy dans les fichiers Clearstream.
Entendu en qualité de témoin assisté, François H. a affirmé que tous ses échanges avec Baptendier recevaient l’aval de sa hiérarchie. Notamment de Gérard L., nommé commissaire divisionnaire en 2007.
Quant aux deux sociétés désignées dans cette affaire, elles ne passent pas exactement pour des officines en guerre contre la DST.
Le groupe Géos, fondé en 1997, a recruté en 2004 un ancien ponte de la DST, Louis Caprioli, ex Sous-directeur de la lutte antiterroriste. Lequel est d’ailleurs récemment entré au capital de Géos.
Et le groupe Kroll a nommé il y a trois semaines pour diriger sa filiale parisienne un serviteur de l’État, spécialisé sur les questions d’intelligence économique, Béchir Mana, ancien adjoint d’Alain Juillet, le Haut responsable de l’intelligence économique auprès du Secrétariat général de la défense nationale.
Son prédécesseur à la tête de Kroll Paris, Hervé Zany, avait lui été entendu par la juge Tabareau le 7 novembre 2006. Son audition montre qu’il rencontrait aussi Gilles Gray, le chef de la Sous-direction B.
Quelques jours après les déclarations d'Hervé Zany à la juge, le 16 novembre 2006, un pli cacheté émanant du Tribunal de grande instance de Versailles a été remis au service du Premier ministre. Un épisode acté dans la procédure.
Nous avons contacté la plupart des protagonistes de ce dossier. Ceux qui ont accepté de nous parler n’ont pas souhaité commenter publiquement l’affaire.
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