Le mort saisit le vif, une pièce de Viviane Bonelli, d'après Henri Troyat

Publié le 21 octobre 2016 par Francisrichard @francisrichard

Ce soir a lieu à La Sacoche, à Sierre, la première d'une pièce de Viviane Bonelli, Le mort saisit le vif, adaptée du roman éponyme d'Henri Troyat, auteur que son père lui a fait connaître. Car cet auteur est, hélas, quelque peu oublié aujourd'hui, s'il eut naguère de longues heures de gloire.

Jacques Sorbier (Steve Riccard) est le seul des camarades de classe du docteur Georges Galard à s'être rendu à son enterrement. Sa veuve Suzanne (Viviane Bonelli) est toute heureuse de faire sa connaissance: elle se sent bien seule et son mari n'était pas spécialement tendre avec elle.

Jacques, touché par sa déréliction, promet de rendre visite à Suzanne régulièrement. Deux ans plus tard, ils se marient, mais Suzanne souffre du manque de reconnaissance et de moyens financiers du ménage: Jacques n'est après tout que le rédacteur en chef d'un journal pour garçonnets, Rantanplan...

Un an après leur mariage, alors que Jacques s'essaie vainement à écrire mais est bien conscient de ses insuffisances, Suzanne exhume le manuscrit d'un roman de son défunt mari, intitulé La colère. En dépit des fortes réticences de Jacques, elle parvient à le convaincre de s'en faire passer pour l'auteur.

Après l'avoir recopié entièrement de sa main et avoir fait quelques menues corrections, Jacques adresse le manuscrit de La colère aux grands éditeurs de la place. L'un d'eux, après l'avoir lu, Monsieur Prieur (Frédéric Lugon), des éditions Prieur, prend rendez-vous avec lui. Ce qui est prometteur.

Prieur en fait est enthousiaste: le style de Jacques est d'or et de sang. Jacques est un écrivain qui écrit avec ses tripes. Il lui garantit un tirage de 3 000 exemplaires et des droits de 10%. Sans se faire prier, Jacques signe donc le contrat que lui présente Prieur et dans lequel il s'engage à faire éditer chez lui ses trois prochains livres.

Quand vient le moment de présenter un deuxième livre, Jacques se révèle incapable de l'écrire dans la même veine que le premier, qui a battu tous les records de vente et qui, contre toute attente, a même obtenu le Prix Maupassant. Grâce à ça, Suzanne a pu nouer des relations mondaines et se parer de bijoux...

Cette inaptitude à écrire tourmente Jacques terriblement. Ce qui achève de le tourmenter, c'est ce que lui révèle une visiteuse, Nicole Domini (Carole Epiney). Celle-ci pourrait le démasquer mais c'est une belle âme qui ne cherche qu'à savoir pourquoi et comment, dans son roman, il raconte son histoire à elle.

Le spectateur se demande comment va se dénouer le drame de l'usurpation que vit Jacques et qui n'est pas sans conséquences sur ses relations de couple avec Suzanne. L'usurpation n'est en effet supportable que pour celles ou ceux qui sont dénués de scrupules ou qui en tirent suffisamment d'avantages pour être sans vergogne.

Cette pièce sur l'imposture est servie par un texte qui permet aux comédiens, mis en scène par Carlos Henriquez, de donner toute leur mesure: à Jacques et Suzanne d'être un homme et une femme qui passent de l'abattement à l'euphorie et inversement, à Prieur d'être un éditeur qui sait publier ce que le public demande, à Nicole Domini d'être la belle personne qui sait apaiser les humeurs. 

Celles et ceux qui n'ont pas eu la chance d'assister à cette première, vivement applaudie par le public, montée par la Compagnie el Diablo, précédée et suivie par de la musique (dont le thème musical de la pièce) interprétée par Grégory Pittet et Nicolas Fardel, ont la possibilité d'en saisir huit autres dans les deux semaines qui viennent.

Si ces spectateurs, amoureux du théâtre et de création, saisissent au vif l'une de ces huit opportunités, ils pourront s'en divertir, et peut-être se dire que l'imposture n'est que, poussée à l'extrême, une manière de rôle que les hommes souvent se jouent.

Francis Richard

PS

Le mort saisit le vif est une vieille expression juridique qui signifie que les biens d'un mortpassent, sans formalité, à son vif, c'est-à-dire à son héritier vivant légitime...

Prochaines représentations:

Théâtre des Trois Quarts à Vevey (VD), avenue Reller, 7

Les 27 et 28 octobre à 20h

Le 29 octobre à 19h

Le 30 octobre à 17h30

Les 3 et 4 novembre à 20h

Le 5 novembre à 19h

Le 6 novembre à 17h30

Réservations:


http://www.troisquarts.ch

tél.: 021 921 75 71