Ars Una

Publié le 23 novembre 2016 par Detoursdesmondes


Je l'annonçais dans un précédent article, c'est en Suisse que se continue l'histoire Afrique-Rotterdam... C'est en effet au musée Rietberg que se trouvent de nombreuses pièces du Baron E. von der Heydt : en 1937 il acquiert la nationalité suisse et en 1940, il y transfère des droits de propriété de sa collection néerlandaise. Ses oeuvres ont été données à Wuppertal, sa ville natale, Zurich mais aussi au canton du Tessin, plus précisément à Ascona où il décèdera en 1964.
Le musée Rietberg ouvre ses portes en 1952 avec pour fonds sa collection, c'est dire son importance !


Eduard von der Heydt était un collectionneur éclectique et très tôt il s'est entouré de peintures et de sculptures en bois provenant de la Chine et du Japon : sa collection asiatique constitue un élément très important du fonds du musée Rietberg.
En ce qui concerne les arts d'Afrique et d'Océanie, il fait ses premiers achats auprès de Charles Ratton à Paris vers 1930. Mais dès 1924 il achète à Hambourg auprès du marchand J.F.G. Umlauff, environ trois douzaines de sculptures du Congo.
Ce célèbre grand masque Bamileke du XIXe siècle ne fut pas acquis directement auprès de ce marchand mais acheté à Karl Nierendorf en 1924. Néanmoins c'est une pièce qui provenait aussi du fonds d'Umlauff ...
"En 1926, il acquiert plus de 1000 nouveaux objets: de l’art ethnographique des mers du Sud – le plus vaste achat « en bloc » jamais effectué par le collectionneur. Peu après, l’historien de l’art Carl Einstein rédige un catalogue d’exposition. Le marchand d’art Alfred Flechtheim expose les principales œuvres de la collection dans sa galerie à Berlin et cette exposition sera présentée au Musée des beaux-arts de Zurich en 1926. Son objectif était de faire connaître la collection, afin de pouvoir la revendre avec un bénéfice. Le projet des partenaires commerciaux échoua toutefois, à cause du manque d’intérêt. Une partie de la collection d’art des mers du Sud disparaîtra plus tard à Paris ; le reste des œuvres se trouve aujourd’hui dans des musées à Cologne, à Paris, à St-Gall et à Zurich. Cet exemple montre que le baron von der Heydt ne se contentait pas de collectionner, mais qu’il échangeait et revendait des œuvres d’art. Pour ce banquier, collectionner était aussi une activité financière".
Source : Exposition De Boudha à Picasso. Le collectionneur Eduard von der Heydt. Rietberg Museum. 2013


On compte encore parmi sa collection d'art africain, des oeuvres provenant d'Han Coray (40 objets acquis en 1940) mais aussi de Nell Walden (80 objets acquis en 1945). Cette dernière était une écrivain et peintre suédoise, mariée à Herwarth Walden, fondateur de la revue Der Sturm, et elle vivait depuis 1932 en Suisse. Elle fut très tôt collectionneuse de l'expressionisme allemand et de l'avant-garde européenne ainsi que d'objets extra-occidentaux

"Dans les années 1945, l’ancien directeur du Kunstgewerbemuseums de Zürich avait conseillé à Von der Heydt d’acheter des objets ethnographiques de la collection Walden-Heimann. « J’ai choisi pour notre musée un grand nombre d’objets de la collection ethnographique de madame Nell Walden. Il s’agit de 47 objets d’Océanie, de Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Irlande, Nouvelle- Bretagne, Salomon, etc. Toutes les pièces indonésiennes ainsi que dix pièces de sa collection d’Afrique... Je vous prierai de bien vouloir m’indiquer si vous accepteriez de prendre cette collection pour la somme indiquée 36 ». Heydt a accepté, et près de 15 à 20 % de la collection Walden- Heimann est aujourd’hui conservée dans la collection Heydt du Museum Rietberg à Zürich".
Source : Nell Walden - première collectionneuse d'art extra-européen ? article d'Andreas Schlothauer - Kunst&Kontext 1/2014.
Une personnalité très intéressante à découvrir dans l'article d'Andreas Schlothauer.

Photo 1 : Détail d'une figure de reliquaire Betsi, maître Fang de Mitzic, XIXe siècle, don de Eduard von der Heydt, © Rietberg Museum, photo de l'auteure, avril 2016. (Provenance: Charles Ratton).
Photo 2 : Statuette Kongo/Yombe et autres pièces de RDC, don de Eduard von der Heydt, © Rietberg Museum, photo de l'auteure, avril 2016.
Photo 3 : Masque Bamileke, don de Eduard von der Heydt, © Rietberg Museum, photo de l'auteure, avril 2016.
Photo 4 : Statue Malagan, Nouvelle-Irlande, XVIIIe/XIXe siècles Don Eduard von der Heydt, © Rietberg Museum, photo de l'auteure, avril 2016.