Le silence des angles morts, exposition de Cécile Le Talec

Publié le 25 novembre 2016 par Onarretetout

« L’archet creuse l’orchestre / où l’océan repose ». Ce texte, que j’ai publié il y a bien longtemps dans un recueil intitulé Moulages, m’est revenu en mémoire quand j’ai vu, dans la première salle de cette exposition les archets formant un dièse que révèle l’ombre produite par la lumière. Dans cette salle, origine du monde de Cécile Le Talec, c’est l’océan qui se creuse en un tourbillon. Le plancher sur lequel on marche pour s'approcher de l'écume fait entendre une annonce, le chant du rossignol dont il porte, gravé, le spectrogramme. Et un voile agité par le vent soulève l’encre comme les vagues. Origine de l’exposition, naissance du son premier, à l’endroit où se rencontrent les marées. Edgar Morin, ailleurs, évoque la puissance du tourbillon : « Un tourbillon est une organisation active stationnaire, qui présente une forme constante ; pourtant, celle-ci est constituée par un flux ininterrompu. Cela veut dire que la fin du tourbillon est en même temps son commencement, et que le mouvement circulaire constitue à la fois l’être, le générateur et le régénérateur du tourbillon. » Le tourbillon de la première salle est reproduit sur les vinyls, et sur les trois pavillons noirs (où seraient tombés trois cercles du plafond), et dans le coeur du bois dont on fait les livres. Vibrations sonores, voix écrites, cordes rompues. Chants d’oiseaux, partitions : ce ne sont pas seulement des pages de musique, c’est aussi la division d’un territoire en plusieurs régions, régions d’où l’on part, qu’on partage… Les oiseaux sur les fils s’apprêtent au départ mais le fil lui-même fait le lien avec les paysages, et la lumière zénithale ouvre un espace qui évoque une autre origine, le lieu de naissance, de parturition. 

 

 

 

Dans un catalogue présentant l’oeuvre de Cécile Le Talec, Gunther Ludwig propose un abécédaire dans lequel on lit : « Partition : La partie pour le tout, le tout en parties. Penser le lieu, la progression dans l’espace, l’interaction des propositions plastiques faites de sons, de sculptures, d’images, comme une écriture qui façonne une composition. Chaque voix, chaque instrument, ensemble et séparé, est rapporté à la cohérence des portées assemblées. » Nous avançons dans le tourbillon.

On peut visiter cette exposition au Centre d'art contemporain La Traverse, à Alfortville (94) jusqu'au 10 décembre 2016.