pain et liberté

Par Jmlire

" Ban Ki-Moon nous dit qu'il y a, tous les ans, neuf millions de personnes qui meurent de causes liées à la faim, et qu'un tiers de ces victimes sont des enfants. Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. C'est ce que Jean Ziegler appelle "le scandale de nôtre siècle". Et pourtant, nous réussissons assez bien à ne pas nous sentir responsables, à ne pas réagir. Ou à nous en remettre, pour cela, aux gouvernements et aux milliardaires, aux causes, à la charité internationale, aux divers dieux... La faim est le contraire d'une crise. Comment appeler "une crise" quelque chose qui se passe tout le temps, sans cesse, qui n'arrête jamais de se passer ? La faim, c'est l'état permanent de centaines de millions de personnes. Et oui, c'est l'un des grands moteurs de l'Histoire. Nous autres, citoyens repus des pays riches, faisons tout pour l'oublier, mais encore pour nos grands-parents, la faim était le problème politique et social central. Pain et liberté, pain , paix et travail, c'étaient quelques-uns des cris de ralliement qui ont guidé des révoltes et des révolutions. Maintenant, comme la faim est devenue la chose par excellence qui n'arrive qu'aux autres, nous effaçons ces siècles d'affrontements politiques pour la nourriture et faisons semblant de penser que c'est un problème technique et que c'est la technique et la charité qui vont le résoudre. Le manque de mémoire historique de nos sociétés est quelque chose dont il faudrait se souvenir.

Adonis ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Adonis_(po%C3%A8te) Ali Ahmed Saïd Esber) extrait d'un entretien pour le magazine Transfuge n° 92, novembre 2015