Etat des lieuxNder aujourd’hui. Nous sommes dans une grosse bourgade de l’arrière pays sénégalais. Sémou MaMa Diop donne corps à des personnages très divers qui font la joie, la vie de cette petite ville. Joies, peines, dissensions, aigreurs. Ces personnages sont souvent jeunes, tentant de se débrouiller par tous les moyens. Tenancier de bar, homosexuel, directrice d’école, femme indomptable, commerçant nomade, observateur, Bambara, femme sirène, mamiwata, cancre aigri, fondamentaliste, délinquants notoires, racketteurs, immigré refoulé ou désappointé, devenu alcoolique… La liste des personnages est assez longue. On les découvre plus ou moins sous la plume de l’écrivain Sénégalais. En arrière-plan sinon en parallèle, des mouvements militaires dangereux se déploient dans la région. Après avoir conquis une partie du Mali, des milices djihadistes s’installent au sud de la Mauritanie. Délitement de la communauté. Les rapports se tendent. Les convoitises s’affichent. Les premières ruptures éclatent. Frontalement. Un parricide. Une fuite. Un foyer d’accueil de l’autre côté de la frontière pour les rénégats et les parias. Des compromis. Des compromissions. Les hommes sont parfois dignes, souvent lâches. Mais le texte traduit une forme de lassitude de ces derniers. Par contre, le regard des femmes est quant à lui différent même si la menace djihadiste se fait plus précise. Elles sont habitées, profondément résolues à résister. A quoi, le lecteur ne le sait pas. Et c’est tout l’enjeu de la lecture de ce roman.
Les flammes de Nder ou l’héritage de la résistance Il y a dans la littérature produite sur la question de la montée de l’islamisme politique et militaire dans le Sahel, la récurrente question de la résistance. Ousmane Diarra avait exprimé ce point par le biais de ce père artiste qui refuse toute forme de compromis avec les nouveaux occupants. Dans le film d’Abderahmane Sissako, Timbuktu, elle prend la forme d’une jeunesse résolue à ne pas abdiquer avec les interdits. Souvenez-vous de cette partie de football sans ballons, tous crevés par les djihadistes. Mbougar Sarr initie, lui, plusieurs fronts de résistance : celles des élites, des artistes ou des femmes. L’originalité du propos de Sémou MaMa Diop est dans l’évocation d’une histoire de la résistance en ces terres arides, esseulées du nord du Sénégal. 1820. Dans le fond, les ressources pour face sont là, encore faut-il avoir conscience de cet héritage. Les actes historiques sont très peu narrés en littérature africaine. C’est une dimension très intéressante de l’ouvrage très courageux de ce jeune romancier Sénégalais. Le fait que ce soit des femmes qui se lèvent à un sens profond. En lisant ce texte, j'ai pensé au calvaire des femmes de l'est de la RDC depuis 20 ans. Ces femmes de Nder anticipent sur le mal qui vient.
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